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Hormis les questions relatives à l‟inclusion de l‟offre potentielle qui sont traitées dans une logique de lutte contre la dominance, deux principaux écueils rendent la délimitation d‟un marché ardue : les caractéristiques physiques des produits à inclure dans un même marché et leur localisation géographique. Lerner a rassemblé ces deux éléments sous une problématique unique en considérant ces éléments comme étant un ensemble de caractéristiques pouvant être représentées par des distances différenciant les produits.

Dans la mesure où cette conception des produits, et partant des marchés que ces produits génèrent, implique l‟existence d‟autant de produits qu‟il existe de différenciation, deux questions principales sont soulevées : tout d‟abord à partir de quel degré de proximité –technique ou géographique- entre les produits peut-on considérer qu‟ils appartiennent au même marché. Ensuite comment traduire ces

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différences entre les produits d‟une manière assez explicite pour permettre une délimitation objective des marchés qu‟ils génèrent. L‟approche de Lerner propose le concept de substituabilité pour évaluer la proximité entre les produits. Lancaster [1966] propose un modèle dans lequel le produit peut être décomposé en fonction de ses attributs, ce qui permet une décomposition plus objective des marchés.

II.1 Le concept de substituabilité de Lerner.

Prenant en considération la difficulté de classification des produits tant selon leurs caractéristiques que selon leur appartenance géographique, Lerner, auquel est attribuée la paternité du concept de substituabilité, contourne ce problème en privilégiant l‟optique des consommateurs plutôt que celle plus complexe des producteurs.

Il propose de se baser sur l‟effet de substitution pour déterminer l‟appartenance de deux produits différents en termes de caractéristiques ou géographiques à un même marché. De son point de vue, les caractéristiques du produit et leur dispersion géographique deviennent une même problématique, même, si pour des raisons pratiques, les juristes proposent souvent une démarche séparée selon ces deux dimensions.

La démarche de Lerner est fondée sur un double constat : deux formes différentes d‟un même produit peuvent être considérées comme étant deux produits similaires et inversement, deux produits différents peuvent être perçus comme étant identiques.

Des produits physiquement différents peuvent constituer de parfaits substituts. Ceci est le cas lorsque des acquéreurs d‟un certain bien sont indifférents entre deux biens répondant exactement de la même manière à un même besoin, même si ces deux biens intègrent deux technologies différentes. Cette conception du produit implique que les caractéristiques physiques ne peuvent être des facteurs suffisants pour délimiter un marché.

D‟une manière analogue, physiquement des substances similaires ne sont pas nécessairement le même produit. Ils peuvent avoir plusieurs différences dans leur composition, les canaux de distribution ou leur nom de marque. Deux objets ayant les mêmes caractéristiques physiques et fonctionnelles peuvent être différenciés, si le consommateur, rationnellement ou non, considère les deux produits comme étant différents.

Si l‟on s‟intéresse à la dimension de localisation des produits Lerner écrit, en parlant de la différenciation géographique des marchés: « la meilleure manière de traiter ce problème est de déclarer que les objets ayant les mêmes caractéristiques techniques ne sont pas les mêmes biens s‟ils sont localisés à des endroits différents.

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La localisation géographique n‟est pas le seul facteur de distinction des produits, mais le type le plus simple d‟une large panoplie. Chaque différenciation de chaque qualité particulière de chaque produit peut être traitée en tant que « distance » et le coût de changement de la qualité peut être traité comme un coût de transport.

A ces variantes, doivent être ajoutées des variations fictives (différenciation) imposées à l‟esprit des consommateurs par la publicité ainsi que les tendances des acheteurs à acheter chez un même vendeur par la force de l‟habitude.

Cette gradation de la conception d‟un bien multiplie à l‟infini le nombre de biens et semble créer des monopoles dans les marchés les plus inattendus. Poussé à sa logique la plus extrême, chaque firme devient un monopole à partir du moment où il est impossible à plus d‟une unité de produit d‟être à la même place.

En assimilant un même produit situé à différents endroits à des produits différents, Lerner rejette le critère de similarité physique en tant que base de reconnaissance ou de classification des biens et le remplace par le principe de substitution marginale : « si le même produit à différents endroits n‟est pas le même bien, c‟est seulement parce que leur différence de localisation les empêchent d‟être des substituts les uns par rapport aux autres. Si l‟on prend la substituabilité en tant que principe, il n‟est plus nécessaire à différentes unités d‟un même produit d‟avoir les mêmes caractéristiques techniques tant qu‟ils sont substituables à la marge pour les besoins des consommateurs. Finalement si deux objets sont considérés comme étant des articles d‟un même bien, c‟est uniquement parce qu‟ils répondent à la satisfaction d‟un même besoin. » 31

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II.2 Attributs des produits

Cette approche fondée sur les perceptions et le comportement des consommateurs en tant qu‟éléments « différenciateurs » des marchés a été approfondie pour générer une nouvelle optique de définition des marchés basée sur des usages qui différent en fonction des attributs des produits. Ainsi, Auerbach, Campbell et Stone [1992] ; Glais et Laurent [1993] utilisent le concept des « caractéristiques d‟usage » de Lancaster [1966] pour définir le marché. Cette approche consiste à examiner les fonctionnalités pertinentes attendues par le consommateur et à identifier tous les produits possédant ces caractéristiques.

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Pour Lancaster, le produit est constitué par un ensemble de caractéristiques ou attributs qui sont en fait les services consommés globalement par le consommateur. Cette définition du produit présente l‟avantage de traduire précisément la notion de produits différenciés. Ces derniers seraient alors selon cette théorie, des produits possédant les mêmes caractéristiques mais dans des proportions différentes. A partir de ce moment les acheteurs potentiels, pour comparer les prix des différents produits comparent les prix des différents composants.

La demande globale adressée à une entreprise, fonction de l‟ensemble des décisions individuelles sera donc déterminée à la fois par les prix et les caractéristiques du produit vendu par l‟entreprise et par les prix et les caractéristiques des produits vendus par les concurrents.

De façon corollaire, le degré de concurrence entre les entreprises sera en relation directe avec le degré de proximité des produits qu‟elles vendent. Plus les produits vendus par différentes firmes auront des attributs proches, plus le marché sera étendu en nombre d‟entreprises.

Le degré de proximité entre les produits, traduit par le concept de substituabilité, génère deux variantes d‟approches pour la définition des marchés : la première dont l‟objectif est la détermination des mécanismes de formation des prix, se base sur les arbitrages effectués par la demande.

La seconde variante est guidée par le souci d‟évaluation de la dominance. Dans la mesure où les méthodologies proposées dans ce cadre doivent pouvoir déboucher sur une opérationnalisation des concepts proposés –notamment sous forme d‟actions juridiques qui peuvent elles-mêmes reconfigurer le marché qu‟elles sont sensées définir-, d‟autres considérations peuvent entrer en ligne de compte lors de la définition des marchés antitrust dont notamment l‟offre potentielle qui représente une quantité de produit pouvant éventuellement être rajoutée au marché pertinent.

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