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L‟affaire Microsoft est sans doute celle qui illustre le mieux la nécessité d‟adapter les lois pour prendre en compte des comportements inédits générés par le réactivité des entreprises face à la dynamique de l‟environnement dans lequel elles opèrent.

En 1998, le département de justice américain ainsi que plusieurs états de la fédération des USA ont entamé une action contre Microsoft, sous le motif d‟une violation des articles 1 (accords anticoncurrentiels) et 2 (abus de position dominante) du Sherman Act.

Selon le département de justice américain, Microsoft s‟est rendue coupable d‟un abus de position dominante sur le marché des systèmes d‟exploitation pour PC (Windows) et d‟une tentative d‟abus de position dominante sur le marché des navigateurs Internet et ce, tout d‟abord, en couplant la vente de son navigateur Internet (Internet Explorer) et celle de son système d‟exploitation (Windows), ensuite en concluant des accords d‟exclusivité avec divers fabricants de PC et fournisseurs d‟accès ou de services Internet, de manière à ce que ceux-ci ne puissent promouvoir des navigateurs Internet concurrents de celui de Microsoft.

De telles pratiques auraient essentiellement eu pour objectif, selon la plainte, d‟exclure la société concurrente Netscape du marché des navigateurs Internet. En effet, les navigateurs Internet constitueraient une menace pour le monopole détenu par Microsoft sur le marché des systèmes d‟exploitation, car ces programmes constituaient des « plateformes » sur lesquels pouvaient fonctionner diverses applications, et ce, quel que soit le système d‟exploitation utilisé.

Un premier jugement rendu le 03 avril 2000, a conclu à la violation par Microsoft des articles 1 et 2 du Sherman Act. Dans cette décision, le tribunal a admis le fait que, avec une part de marché de 95 %, Microsoft détenait une position dominante sur le marché des systèmes d‟exploitation pour PC.

La description du tribunal quant à la stratégie de Microsoft à l‟égard de la menace des navigateurs Internet concurrents et du langage Java a été la suivante :

1. Microsoft a couplé –d‟un point de vue contractuel et technique- deux programmes distincts, Internet Explorer et Windows ;

2. Elle a imposé aux fabricants d‟ordinateurs, des limitations contractuelles leur interdisant de modifier le programme Windows de manière à promouvoir des navigateurs Internet concurrents,

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3. Microsoft a pratiqué des pressions (incitations et des menaces) sur les fabricants d‟ordinateurs, visant à obtenir un traitement préférentiel de Internet Explorer par rapport à celui de navigateurs Internet concurrents (en particulier celui de la société Netscape) ;

4. Elle a été à l‟origine de toutes sortes de pratiques visant à empêcher ou à ralentir le développement du langage de programmation Java, qui est prévu pour fonctionner sur tout système d‟exploitation (et donc pas seulement avec Windows).

Microsoft a présenté une explication alternative à son comportement. Selon elle, les restrictions imposées aux fabricants d‟ordinateurs seraient justifiées par les droits de propriété intellectuelle que Microsoft détient sur son programme Windows, notamment au motif que l‟existence de tels droits ne saurait justifier en soi un comportement anticoncurrentiel.

Par ailleurs, les arguments avancés par Microsoft quant à la nécessité de protéger l‟intégrité de son programme Windows (en empêchant les fabricants d‟ordinateurs de le modifier) et quant à sa volonté de promouvoir l‟association de plusieurs marques (en incitant certains fournisseurs d‟accès à Internet à accorder un traitement préférentiel ou exclusif à Internet Explorer) ont également été rejetés, essentiellement parce que l‟ampleur des efforts de Microsoft pour isoler ses concurrents dénote clairement d‟une stratégie globale anticoncurrentielle.

Dans cette affaire, le tribunal a établi les conditions, qui lorsqu‟elles sont réunies, signifient que des pratiques commerciales agressives, ne pouvant s‟inscrire dans un schéma de profitabilité pour une entreprise ayant un comportement rationnel (règle de la raison), peuvent être considérées comme constitutives d‟un comportement prédateur. Ces conditions sont que premièrement le prédateur soit conscient de sa position dominante et que deuxièmement il ait pour objectif de maintenir des barrières à l‟entrée sur le marché pour protéger sa position dominante.

Le tribunal a jugé, qu‟en l‟occurrence, le comportement de Microsoft était prédateur sans toutefois pratiquer des prix de dominance, la distribution d‟Internet Explorer se faisant gratuitement.

Pour remédier aux atteintes à la concurrence constatées, le tribunal a ordonné la séparation du fonds de commerce lié au programme Windows du fonds de commerce lié aux autres programmes et activités de Microsoft, par le biais d‟un désinvestissement total par Microsoft de l‟un de ces fonds de commerce. En attendant la mise en œuvre complète du désinvestissement, d‟autres injonctions ont été prévues par le tribunal dont notamment :

 l‟interdiction de toute action de Microsoft visant à inciter les fabricants des PC à ne pas promouvoir des produits autres que ceux de Microsoft ;

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 l‟interdiction de toute mesure contractuelle interdisant aux fabricants de PC de modifier le programme Windows en vue de promouvoir des produits concurrents de ceux de Microsoft ;

 l‟obligation pour Microsoft de publier et appliquer un système de tarification uniforme pour toutes les licences octroyées à des fabricants de PC pour l‟utilisation de Windows ;

 l‟interdiction de coupler Windows avec un quelconque autre programme d‟application ;

 l‟obligation de continuer à octroyer des licences pour des versions précédentes de Windows pendant 3 ans après la commercialisation de nouvelles versions ou de versions améliorées.

Microsoft a fait appel à cette décision de la cour de justice. Le 28 Juin 2001, la cour d‟appel du district de Columbia (US Court of Appeals for the District of Columbia) s‟est prononcée sur l‟appel interjeté par Microsoft contre la décision du District Court. Pour l‟essentiel, la cour n‟a admis qu‟une seule des diverses accusations formulées par le gouvernement à l‟encontre de Microsoft (l‟abus de position dominante sur le marché des systèmes d‟exploitation) et renvoyé l‟affaire devant un autre magistrat pour statuer sur deux points : l‟accusation de « vente liée » illicite des deux programmes Internet Explorer et Windows et les mesures à prendre pour remédier aux atteintes à la concurrence.

La cour d‟appel a annulé le jugement du District Court relatif à la question de savoir si Microsoft a violé l‟article premier du Sherman Act en liant la vente de son navigateur Internet à celle de son système d‟exploitation.

Le district Court s‟est fondé, dans son jugement, sur une règle jurisprudentielle qui interdit toute vente liée, par une entreprise détenant un pouvoir économique important, de deux produits considérés comme distincts du point de vue des consommateurs. La cour d‟appel a considéré qu‟étant donné le caractère particulier et nouveau de la question des ventes liées en matière de programmes informatiques, une telle approche fondée sur une règle d‟interdiction ne convenait pas.

Le district Court, aurait du, selon la cour d‟appel, en vertu de la règle de raison, tenir compte des circonstances particulières concernant le marché et les enjeux économiques en cause pour déterminer si la vente liée en question n‟était pas justifiée par des raisons économiques. En particulier la cour aurait dû analyser les avantages potentiels de l‟intégration des deux programmes pour le consommateur d‟une part, et que d‟autre part, elle aurait dû vérifier si le couplage d‟Internet Explorer et de Windows s‟était traduit par une augmentation du prix du « lot » par rapport au prix auquel Microsoft aurait vendu Windows séparément.

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