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Section I : dominance et mutations historiques structurelles des marchés des télécommunications.

I.1 Naissance d’une technologie et genèse d’une problématique de régulation: soubassements des choix structurels monopolistiques.

I.1.1. Les raisons avancées par la théorie économique.

Deux raisons, largement traitées par la littérature ont été avancées pour justifier le choix d‟une structure monopolistique : la fonction de coût des opérateurs de télécommunication, à l‟origine de débats sur la « naturalité » du monopole et les externalités de réseau.

Curien [2000] explique la nature du choix quant au type de structure retenu par les opérateurs historiques. Ainsi, il écrit que « l’émergence de structures concentrées et intégrées, historiquement

constatée dans les grands secteurs en réseau, s’explique par l’efficacité supposée de telles structures dans un objectif de minimisation des coûts. Trois types d’effets se conjuguent : des effets d’économies d’échelle, …des effets de diversité ou économies d’envergure,…et des effets de réseau,… »

I.1.1.1.Monopole naturel : le cas des télécommunications.

Le secteur des télécommunications est caractérisé par l‟existence de coûts fixes considérables nécessaires notamment à la construction du réseau général. Ces coûts fixes impliquent l‟existence d‟économies d‟échelle et sont à l‟origine du caractère « imparfait » de ce marché.

Les économies d'échelle, définies comme étant une diminution du coût moyen suite à une augmentation de la production marginale d'une entreprise, sont présentes jusqu‟à un certain point correspondant à un réinvestissement touchant à l‟appareil productif. La présence de ces économies d‟échelle confère à la structure des coûts des télécommunications leur forme particulière en U qui milite en faveur de l‟existence d‟un monopole naturel au moins sur la partie décroissante de la courbe.

Ce concept de monopole naturel, sur lequel s‟est basé AT&T pour protéger son monopole, s‟appuie sur la propriété de sous-additivité de la fonction de coût de production. Il s‟applique dès lors que le coût total de production d‟une entreprise unique est inférieur à la somme des coûts de production de plusieurs entreprises sur le marché.

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Par conséquent et dès lors qu‟il existe dans le secteur des télécoms des économies d‟échelle considérables, du fait de l‟importance des coûts fixes relativement à la taille du marché, il a été jugé plus efficace de confier la totalité de la production de l‟industrie à une seule entreprise plutôt que de la confier à plusieurs entités qui risqueraient par ailleurs de na jamais pouvoir amortir leurs coûts et donc de disparaître à terme.

Un autre argument, la présence d‟économies de gammes, plaide également en faveur du monopole naturel. Les économies d‟envergure, bien que n‟ayant jamais pu être formellement démontrées38

dans le secteur des télécommunications résulteraient du fait d‟utiliser de manière rentable, les mêmes structures commerciales ou de production, pour des services différents.

I.1.1.2. Les externalités de réseaux.

La deuxième raison ayant justifié le choix d‟une structure monopolistique pour le secteur des télécommunications, réside dans le fait que les réseaux des télécommunications sont soumis à des externalités des réseaux [

Katz et Shapiro, 1985]

. Ce concept est relatif au fait qu‟en dessous d‟un certain seuil -le seuil de congestion du réseau-, la satisfaction des individus croit en fonction du nombre d‟utilisateurs qui y sont connectés.

Cette propriété implique d‟une part, que plus le nombre d‟adhérents au réseau est important, plus ce dernier acquiert de la valeur. Curien et Gensollen [1991, p : 43] écrivent à ce propos : « l’externalité

de club joue un rôle important dans la croissance d’un réseau téléphonique, car elle engendre un effet de rétroaction positive de l’offre sur la demande de raccordement : plus le réseau est attrayant et plus les demandes d’accès au réseau se manifestent ».

D‟une manière symétrique, cette propriété implique d‟autre part, qu‟en l‟absence d‟adhérents, le réseau ne possède aucune utilité. Ceci confère au volume de la demande une importance capitale pour la survie du secteur : une insuffisance de la demande pouvant, si elle ne dépasse pas une masse critique de développement, régresser vers zéro (Figure 7).

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Selon ce schéma d‟évolution, les effets de l‟externalité de réseau sont déterminants dans la première phase du développement du réseau. Cependant, ils tendent à décroître à partir d‟un certain seuil du développement.

En effet, lorsque le réseau de télécommunications est déjà suffisamment développé, le nombre d‟abonnés est élevé et la probabilité pour un individu en particulier, de ne pas pouvoir joindre une autre personne avoisine zéro, surtout s‟il existe une interconnexion entre réseaux concurrents. Dans ces conditions, l‟arrivée d‟un individu supplémentaire ne modifierait quasiment pas la satisfaction des autres consommateurs.

Ce raisonnement cependant n‟est plus valable, si l‟on intègre dans la fonction de satisfaction de la demande d‟autres variables que celle liée au pouvoir de communiquer avec un nombre maximum de personnes. La satisfaction d‟un adhérant peut être liée au nombre de services offerts par le réseau. Dans ce cas, l‟effet club peut se manifester d‟une manière indirecte.

Figure 7. Effet club et équilibres du réseau.

Equilibre stable de saturation Equilibre instable : masse critique de développement Equilibre stable de pénurie Offre, demande 100% Taux de pénétration du

réseau

100% Demande Offre

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Les opérateurs de réseaux, profitant de leurs infrastructures, pourront d‟autant plus étendre leurs activités et diversifier leurs offres de services que le nombre d‟utilisateurs sera élevé. La satisfaction des individus s‟accroît, ce qui permet rétroactivement un accroissement de la valorisation des actifs des opérateurs.

Il est à noter que cet effet indirect de club peut être à l‟origine d‟effets pervers. Il peut dans certains cas, pousser les individus à préférer un réseau qu‟ils savent techniquement moins performant qu‟un autre parce que sa généralisation –surtout si elle est accompagnée par une incompatibilité d‟infrastructure- le place au centre d‟un mouvement de croissance et d‟innovation de services.

A coté de ces raisons économiques, d‟autres considérations de nature sociales et sécuritaires ont poussé les différents états à opter pour une structure monopolistique de leur secteur des télécommunications.

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