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Section III : Les formes de dominance des marchés.

III.1 Dominance verticale

La dominance verticale est relative à la possibilité d‟une entreprise qui possède un pouvoir de marché à une certaine étape du processus de production puisse, par un moyen ou en autre, augmenter son pouvoir de marché et par conséquent ses profits en opérant sur une autre étape du processus de production.

L‟intégration verticale est réalisée lorsque le producteur à une étape de production décide de devenir son propre client en intégrant les opérations de la phase suivante du processus de production. Dans ce sens, un accroissement de l‟intégration verticale dans une industrie réduit le nombre de transactions sur le marché et augmente le nombre de transactions hiérarchiques internes [Williamson, 1994].

Plusieurs théories ont été proposées dans la littérature économique pour expliquer l‟intégration verticale. Une première thèse, que l‟on qualifiera de classique, car c‟est elle qui a sous-tendu les textes historiques antitrust, soutient que l‟intégration verticale sert de moyen pour restreindre le niveau de la concurrence et accroître le pouvoir de dominance, par le biais d‟une double marginalisation, d‟une tarification prédatrice ou par l‟érection de barrières à l‟entrée.

Williamson propose un paradigme alternatif de l‟intégration verticale. Cette dernière ne serait pas motivée par des objectifs anticoncurrentiels, mais au contraire elle serait mue par une nécessité d‟efficacité économique puisqu‟elle permettrait d‟économiser sur les coûts de transaction. En effet, la théorie des transactions estime qu‟il est essentiel, pour accroître le bien être social, d‟économiser sur ces coûts en choisissant la meilleure institution économique (marché, contrat ou hiérarchie).

Dans le cas où les objets de transaction ne sont pas des biens et des services standards et que les actifs investis sont tellement spécifiques que les risques d‟approvisionnement par contrat peuvent rendre le

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client prisonnier de son fournisseur, les coûts de transaction induits pour se protéger contre ces risques atteignent un niveau tel que les entrepreneurs sont amenés à internaliser ces transactions au sein d‟une seule entreprise.

III.1.1. Théorie classique de l’intégration verticale.

Cette première vision, que l‟on a qualifiée de classique, soutient que l‟intégration verticale a pour objectif unique d‟augmenter indument les revenus de l‟entreprise et doit être, à ce titre, prohibée. L‟objectif d‟accaparer une double marge constitue peut être, le plus classique des arguments soulevés contre l‟intégration verticale. La situation type décrite dans ce cas fait référence à une entreprise qui s‟intercale entre un producteur et un acheteur et qui se comporterait avec le producteur comme deux monopoles prélevant chacun une marge, le consommateur final supportant ce coût supplémentaire. L‟intégration verticale permettrait alors à l‟entreprise qui l‟entreprend d‟augmenter ses profits.

Mc Gee [1988], soutient que trois possibilités pouvant être considérées comme anticoncurrentielles, s‟offrent à une firme pour augmenter ses revenus à travers une intégration verticale : la discrimination par les prix, le contournement d‟une politique de contrôle des prix et l‟augmentation du pouvoir du marché.

Une manière d‟augmenter ses rentes est de tarifer non pas en fonction de ses coûts mais en fonction de ce que le client est capable de payer. Cette pratique est, comme on l‟a vu contrainte par deux conditions : il faudrait que l‟entreprise soit en mesure de définir avec précision l‟appartenance de chaque individu à un groupe d‟une part, il faudrait que d‟autre part, les arbitrages effectuées par les différents groupes soit impossibles. Si la seconde condition n‟est pas remplie, l‟intégration en aval peut devenir une solution pour éliminer toute possibilité d‟arbitrage en créant en amont une activité profitant de tarifs préférentiels et en vendant aux autres segments à des tarifs plus élevés.

Echapper à un contrôle des prix constitue une autre manière d‟augmenter ses revenus par le biais d‟une intégration verticale. Lorsque le prix d‟un produit est plafonné par l‟Etat, notamment en cas de monopole, la firme qui le produit peut décider de s‟intégrer vers l‟aval, ce qui lui permettrait d‟éviter le contrôle et de reporter à un stade ultérieur son pouvoir de marché.

Enfin, l‟intégration verticale peut stratégiquement être utilisée en tant que barrière à l‟entrée pour restreindre le niveau de la concurrence. En effet, dans le cas de l‟existence d‟une entreprise intégrée verticalement sur un marché, les entrants potentiels sont astreints dès le départ à un investissement sur toute la chaîne pour éviter que leur fournisseur soit en même temps leur concurrent.

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Cette position dominante de l‟entreprise intégrée est encore accentuée dans le cas où l‟activité en amont est un monopole. Ce dernier peut alors opter pour une stratégie de prédation par les prix sur les marchés concurrentiels financée par des rentes de monopole dégagées sur les marchés en amont.

III.1.2.Coûts de transaction et intégration verticale.

Le principal facteur auquel Williamson attribue la décision d‟intégration est une condition de spécificité des actifs.

Pour Williamson, il existe trois principales formes d‟institutions économiques : le marché, le contrat et la hiérarchie. Le contrat étant l‟une des formes hybrides entre le marché et la hiérarchie, pouvant régir les transactions entre acteurs économiques. Lorsque les produits ne sont pas standards mais doivent être conçus spécialement pour un client, les parties en présence doivent préciser les termes des contrats. Il est donc nécessaire de négocier un contrat, et une fois celui-ci signé, contrôler son déroulement et résoudre les litiges éventuels. D‟autre part, lorsque les produits ne sont pas standards, le producteur doit effectuer des investissements spécifiques dans le sens où ils seraient difficilement utilisables dans un autre contexte.

Lorsque les actifs investis sont tellement spécifiques que les risques d‟approvisionnement par contrat peuvent rendre le client prisonnier de son fournisseur, les coûts de transaction pour se protéger contre ces risques atteignent un niveau tel que les entrepreneurs sont amenés à internaliser ces transactions au sein d‟une même entreprise. Ces risques qui accroissent les coûts de transaction sont dus en partie au comportement opportuniste des individus.

L‟opportunisme est défini par Williamson[1994, p :9] comme étant : « la capacité des êtres humains

à tromper les autres en leur cachant de l’information, en trichant ou en transgressant les règles d’équité ». Il identifie deux types de comportement opportuniste : l‟opportunisme ex post et

l‟opportunisme ex ante. L‟opportunisme ex ante traduit la « volonté délibérée de tromper son

partenaire » et l‟opportunisme ex post « permet le comportement honnête d’un homme droit dans un monde courbe ».

Pour Williamson, même si peu de gens sont opportunistes, le fait de ne pas savoir a priori si un individu avec lequel l‟entreprise est en affaires l‟est, l‟oblige à se prémunir contre ce risque et donc à augmenter les coûts de transactions. Ces coûts de transaction augmentent par conséquent dans certaines circonstances où l‟opportunisme peut mieux s‟exprimer, ce qui conduit à remplacer le contrat par la hiérarchie.

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Ghertman (tableau suivant) présente une analyse comparative entre les coûts de transaction relatifs aux trois modes de gouvernance (marché, contrat et hiérarchie) et ce, selon trois attributs relatifs au comportement, aux instruments du management et à la spécificité des actifs.

Tableau 3.Analyse discrète des formes de gouvernance. Modes de gouvernance

Attributs

Marché Contrat Hiérarchie

Comportementaux/env.incertain 3 2 1

Spécificité des actifs 3 2 1

Instruments de management 1 2 3

1 : Coût de transaction le plus bas ; 2 : Coût de transaction intermédiaire ; 3 : Coût de transaction le plus élevé

Source : Ghertman M. (1994), préface de l‟ouvrage « Les institutions de l‟économie »de

Williamson, p : 13

Dans ce tableau l‟attribut de comportement est relatif à une analyse bi dimensionnelle : comportement conséquent à une rationalité limitée / facteurs de l‟environnement. Si l‟environnement est certain, alors toutes les transactions économiques pourraient être organisées grâce à des contrats à forme contingente qui précisent la solution retenue pour chaque branche de l‟arbre de décision. Dans ce cas de figure particulier, le contrat peut être complet à faible coût.

Par contre, dans le cas d‟un environnement incertain, toutes les branches de l‟arbre ne peuvent être connues à l‟avance, ce qui empêche la prévision de tous les cas de figure qui peuvent se présenter. Le contrat devient très coûteux et il devient donc primordial d‟envisager la solution d‟une intégration, qui devient de ce fait la forme qui économise le plus sur les coûts de transaction.

L‟attribut de spécificité des actifs est un attribut central dans la théorie de Williamson. Il identifie quatre types de spécificités d‟actifs qui engendrent chacun une forme organisationnelle appropriée.

1. La spécificité de site qui, de par le fait d‟immobiliser des actifs à proximité pour économiser sur les coûts de transport, implique qu‟une intégration est la forme organisationnelle la plus appropriée.

2. La spécificité des actifs physiques : lorsque ces actifs sont mobiles, il est possible d‟opter pour l‟approvisionnement sur le marché car une réallocation de l‟actif à un autre acheteur est toujours possible.

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3. La spécificité des actifs humains : lorsqu‟une activité requiert une spécialisation des actifs humains par le biais d‟un apprentissage par exemple, l‟intégration devient la solution la moins coûteuse.

4. Les actifs dédiés, qui concernent par exemple, l‟agrandissement d‟une usine existante pour un acheteur particulier n‟implique pas la nécessité d‟une intégration, mais une spécification de contrat de manière à ce qu‟il y ait un engagement symétrique.

Le troisième attribut relatif au management concerne l‟intensité de la motivation et la nature de la bureaucratie. Concernant la première dimension, elle est relative au fait que les coûts de transaction varient d‟une manière inversement proportionnelle en fonction du degré de propriété des employés. Quand à la nature de la bureaucratie, il apparaît que les coûts d‟une structure s‟élèvent en fonction de la taille de l‟entreprise.

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