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Section III : Approches théoriques de la définition des marchés.

III.1 Définitions du marché dans une optique néoclassique.

Dans l‟optique libérale, le marché est généralement défini comme étant le lieu où se déterminent les prix suite à la confrontation de l‟offre et de la demande d‟un bien. Lorsque les hypothèses néoclassiques d‟un marché pur et parfait sont vérifiées, le prix d‟équilibre obtenu est sensé optimiser la répartition des ressources et sauvegarder les intérêts des parties impliquées par la transaction. Le prix d‟un bien est par conséquent étroitement lié à la notion de marché et les définitions des marchés sont par conséquent relatives au prix d‟un bien.

Dans ce sens, Cournot32 écrit : « On sait que les économistes entendent par marché, non pas un lieu

déterminé où se consomment les achats et les ventes, mais tout un territoire dont les parties sont unies par des rapports de libre commerce, en sorte que les prix s’y nivellent avec facilité et promptitude ».

Pour Jevons, « A l’origine, un marché était une place publique dans une ville où des provisions et

d’autres objets étaient exposés pour la vente ; mais ce mot a été généralisé au point de signifier un corps de personnes qui sont en étroite relations d’affaires et qui effectuent sur une large échelle des transactions relatives à une marchandise quelconque…Mais cette localisation n’est pas indispensable. Les commerçants peuvent être disséminés sur toute une ville ou sur toute une région et néanmoins constituer un marché si, au moyen de foires, de réunions, de mercuriales, de la poste ou autrement, ils se trouvent en étroite communication les uns avec les autres. ». Concernant la relation entre le marché

et les prix il écrit : « sur le même marché ouvert, à tout moment, il ne peut y avoir deux prix pour le

même article »33

Il en est de même pour Marshall [1890, p : 4] qui écrit que « plus un marché approche de la

perfection et plus forte est la tendance à payer les mêmes prix pour les mêmes marchandises en même temps sur tous les points du marché ; mais il va sans dire que si le marché est étendu, il faudra tenir compte des frais nécessités par la livraison des marchandises à des acheteurs différents ; chacun de ces derniers devra alors être regardé comme payant, outre le prix du marché, des frais spéciaux relatifs à la livraison ».

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Cournot, Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, cité par Marshall A. (1890), Principes d’économie politique, traduit par Sauvaire-Jourdan F. et Savinien-Bouyssy F. (1906) ,V. Giard et E. Brière, p :3

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Jevons W. S. (1871), The Theory of Political Economy, Traduction de H. E. Barrault et M. Alfassa (1909), La Théorie de l’Economie Politique, Giard et Brière, revue par J.-S. Lenfant

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Concernant l‟étendue et les limites des marchés, Marshall [1890, p : 4] écrit : « Bien des causes

peuvent contribuer à étendre ou à restreindre le marché d’une marchandise particulière ; mais pour que les choses aient un marché très étendu, il est nécessaire qu’elles fassent l’objet d’une demande universelle et, de plus, qu’elles soient susceptibles d’être décrites avec exactitude et facilité ».

Les autres facteurs identifiés par Marshall qui concourent à la définition d‟un marché étendu sont relatifs à la conservation des produits ce qui leur permettrait de subir un long transport sans dommages ainsi qu‟à la valeur de la marchandise qui doit être considérable par rapport à sa masse, sinon les coûts de transport impliqueront un marché circonscrit.

Stigler et Sherwin [1985] proposent de définir un marché en se basant sur les fluctuations des prix des produits. On peut, selon eux, inférer l‟existence d‟un même marché à partir du mouvement des prix. Lorsque les mouvements des prix de différents biens sont étroitement corrélés, il y a une forte probabilité pour que les produits en question appartiennent au même marché. La corrélation entre les prix signifie qu‟il y a arbitrage des acheteurs entre les produits de manière à éliminer les différences de prix lorsqu‟elles apparaissent.

Dans le modèle proposé, la relation entre les prix à l‟intérieur d‟un même marché n‟est pas strictement constante. Cependant, plus les parties d‟un marché vont être étroitement intégrées, plus proche seront les mouvements de leurs prix.

Stigler et Sherwin ont analysé les mouvements des prix d‟une variété de produits incluant la farine et l‟argent. Pour la farine, ils ont établi une corrélation étroite entre leur prix dans les villes de Buffalo et Minneapolis aux USA. Cette corrélation est plus faible entre Buffalo et Portland dans L‟Oregon. Ils en ont par conséquent conclut que la farine de Minneapolis représente pour celle de Buffalo un substitut plus proche que pour la farine de Portland.

Bien que conceptuellement simple, cette thèse de Stigler et de Sherwin basée sur la corrélation entre les mouvements des prix semble assez difficile à appliquer. En effet, il n‟existe pas de standard de ce qui constituerait une corrélation élevée. D‟un autre coté, il est difficile de déterminer, sans une analyse complémentaire, si les produits qui présentent une corrélation des prix élevée, sont concurrents sur les marchés des facteurs de production ou sur les marchés des produits finis. Il est à mentionner également que la variation des prix peut être affectée par des variables exogènes telles que la qualité du bien ou la taille des transactions et qu‟un mouvement conjoint des prix des différents produits peut être dû à un facteur externe qui les affecte en même temps.

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Horowitz [1981] propose une approche analogue, également basée sur une analyse des corrélations entre les prix des différents produits pour résoudre le problème de définition géographique du marché pertinent.

Dans sa démarche, Horowitz développe l‟idée que si, deux zones géographiques couvrent un même marché géographique pour un produit particulier, avec le temps, le prix auquel le produit s‟échange sur un marché ne peut pas rester continuellement différent du prix auquel il s‟échange sur l‟autre.

De même, si, sur une aire géographique particulière, deux produits sont identiques dans le sens où ils constituent l‟un pour l‟autre des substituts parfaits, alors, avec le temps, les prix auxquels ils s‟échangent ne peuvent pas être continuellement différents.

L‟étendue dans laquelle les différents marchés sont reliés à un seul est déterminée par les corrélations de leurs prix.

En retenant la corrélation entre les prix en tant qu‟indicateur de proximité de marché, Horowitz n‟exclut pas le fait que deux biens peuvent être vendus au même prix, dans la même zone géographique pendant une même période de temps sans pour autant constituer un même produit. Il peut, en effet, exister un facteur externe commun qui affecte simultanément les deux marchés [Horowitz, 1981 ; Stigler et Sherwin, 1985].

Il en va de même dans le cas d‟une délimitation géographique des marchés. Un même produit vendu au même moment, au même prix dans deux aires géographiques distinctes, ne signifie pas forcément que ces deux zones forment une même zone géographique. Des coûts de transport ou des barrières intangibles au commerce entre les régions, peuvent intervenir et leur signification ne peut être appréhendée sans une analyse complémentaire des fluctuations des prix dans chacune des régions.

Autrement dit, l‟existence d‟une corrélation entre les prix ne signifie pas nécessairement qu‟il y a causalité entre leurs mouvements et des précautions doivent être prises dans l‟interprétation des résultats.

Elzinga et Hogarty [1973] proposent une méthode empirique alternative de délimitation géographique des marchés. Le test proposé se base sur l‟analyse des données relatives aux échanges de marchandises entre deux aires géographiques. L‟idée étant qu‟un échange important entre deux zones implique qu‟elles font parties d‟un même marché pertinent.

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Elzinga et Hogarty soutiennent qu‟un marché géographique ainsi que les concurrents qui y opèrent peuvent être identifiés lorsque deux conditions sont satisfaites.

 Les entreprises appartenant à ce marché doivent avoir la plupart de leurs clients concentrés dans cette aire géographique.

 Les consommateurs résidant dans cette zone géographique doivent effectuer la plupart de leurs achats auprès des entreprises opérant dans cette aire.

Qu‟elles soient basées sur une logique de corrélation entre les prix, de leurs mouvements ou de la taille des échanges, ces différentes propositions de délimitation des marchés, ne permettent cependant pas, sans traitement complémentaire, de répondre au souci d‟identification de la dominance. En intégrant cet objectif, les approches de définition des marchés antitrust peuvent aboutir à des marchés de composition et de tailles différentes des marchés définis sous l‟hypothèse de fonctionnement concurrentiel des marchés.

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