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35 I.1.2 Inefficacité X de Leibenstein

I.2 Pratiques monopolistiques : les justifications économiques.

Nous avons avancé jusque là les arguments justifiant la lutte contre la dominance des marchés. Il est clair, cependant que les pratiques monopolistiques ou d‟une manière plus générale, la dominance des marchés, sont parfois socialement recherchés voire même dans certains cas de figure la seule issue possible pour améliorer le bien être social.

I.2.1 Pratiques monopolistiques et processus d’innovation.

Shumpeter [1965] soutient que dans certains cas, un monopole ou un cartel peut réaliser à moindres frais sociaux ce qui est traditionnellement fait par la concurrence. Il introduit la nécessité de considérer

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deux éléments dans l‟appréciation des résultats des pratiques monopolistiques : les conditions de l‟environnement et le délai d‟analyse.

Dans un environnement stationnaire ou dans un état de croissance lent, les pratiques monopolistiques ne font qu‟accroître leurs profits au détriment des consommateurs. Cependant, dans un environnement turbulent ou pour reprendre les termes de Shumpeter engagé dans un processus de destruction créatrice « il devient nécessaire de recourir à des procédés de protection, tels que brevets, maintien

temporaire des secrets de fabrication….. »22

. Procédés qui constituent des cas particuliers d‟une catégorie plus vaste incluant des pratiques telles que politiques de prix qui peuvent paraître abusives et restrictions de production.

Ces procédés paraissant répréhensibles à court terme, peuvent être les seuls garants d‟un progrès social à long terme. Ceci, d‟une part, parce que si les entreprises n‟auraient pas pu y recourir, les risques qu‟elles auraient à encourir seraient trop importants et pourraient les dissuader à investir dans de nouvelles innovations.

D‟autre part, un environnement turbulent peut provoquer des difficultés passagères dans les entreprises établies, qui, si elles ne sont pas protégées risquent de disparaître et d‟amorcer ainsi une crise plus générale, alors qu‟elles peuvent continuer à être utiles socialement.

L‟idée de Schumpeter n‟est pas de défendre systématiquement les pratiques monopolistiques mais de les replacer dans leur contexte et d‟analyser leurs répercussions économiques et sociales avant de les condamner.

I.2.2 Dominance et monopole naturel

Ce concept, souvent utilisé d‟un point de vue normatif, suggère que le monopole, peut dans certaines circonstances, être une situation socialement désirable : soit parce qu‟il permet d‟éviter une duplication des coûts et donc un gaspillage des ressources soit pour permettre la protection d‟une industrie naissante.

Le monopole naturel désigne des conditions de marché sous lesquelles il est impossible à plus d‟une firme unique de survivre [Gasmi, Laffont et Sharkey, 2002]. En d‟autres termes, une entreprise qui exploite une technologie à laquelle correspond un niveau de coût déterminé, fonction de la quantité à

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produire, constitue un monopole naturel lorsqu‟il est plus coûteux de répartir la production entre plusieurs entreprises ayant accès à la même technologie.

Cette définition s‟appuie sur la propriété de sous-additivité de la fonction de coût de production.

Si l‟on admet d‟une part, que l‟organisation d‟un marché est convenablement représentée à travers la fonction de coût, et que d‟autre part, celle-ci est la même pour toutes les entreprises du secteur, alors si le coût de production d‟une quantité, correspondant à la taille du marché, est minimal pour une seule entreprise, le secteur sera considéré en monopole.

Lorsque, l‟entreprise est multi-produits, il peut exister une complémentarité des coûts entre les différentes lignes de produits qui permet de dégager par un effet de synergie un surplus qui entraîne que la fonction de coût total soit inférieure à la somme des fonctions des coûts prises séparément.

La notion de sous-additivité est plus restrictive que celle d‟économie d‟échelle, car une structure de marché peut se définir à la fois par des rendements décroissants et par une sous-additivité de la fonction de coût. Aussi, la sous-additivité apparaît-elle comme une condition suffisante mais non nécessaire à l‟existence d‟un monopole naturel.

La nature de la fonction de coûts devient dès lors déterminante de la structure du marché puisque c‟est elle qui justifie in fine la pertinence de la structure monopolistique du marché.

La forme en U d‟une fonction de coûts pose le problème de la soutenabilité du monopole. Le monopole est soutenable lorsqu‟aucune entrée potentielle n‟est profitable sur le marché. C‟est le cas notamment lorsque l‟entreprise tarifie au coût moyen et lorsque la production correspondante est située sur la branche décroissante de U. (Figure suivante).

Dans ce cas, il est évident que le deuxième entrant ne pourra que desservir la demande à perte. Le monopole dans ce cas est naturel et soutenable.

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I.2.3. La théorie des coûts de transaction.

I.2.3 Dominance et coûts de transaction.

En 1937, Coase se pose la question suivante : si, comme le soutiennent les classiques, la production est parfaitement régulée par le mouvement des prix, la production pourrait être faite sans organisation. Dans ce cas, pourquoi les entreprises ont-elles émergées ?

Coase démontre alors l‟existence de certains coûts appelés coûts de transaction et qui sont en fait le coût de fonctionnement de l‟économie de marché. Ces coûts, semblables au phénomène de frottement dans la physique mécanique, expliquent l‟émergence historique des entreprises. Ils englobent le coût de détermination du prix pertinent, les coûts relatifs à la conclusion de contrats séparés pour chaque transaction effectuée sur le marché.

Figure 2. Monopole naturel: tarification et barrière à l'entrée.

Coût marginal Coût moyen Coûts Prix Coût marginal Coût moyen Coûts Prix Quantités Quantités Demande Demande PM Pm QM Qm Pm PM QM Qm

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Sous certaines conditions, notamment sous celle d‟incertitude de l‟environnement ou de politique économique taxant les échanges, imposant des quotas ou contrôlant les prix, il deviendrait intéressant pour un entrepreneur de substituer une organisation interne aux mécanismes de marché.

Coase [1937, pp : 394-395] se pose alors le problème de la taille de l‟entreprise : « pourquoi, si en s‟organisant, on peut éliminer certains coûts, existe-t-il des coûts de transaction de marché ? Pourquoi toute la production ne serait-elle pas entreprise par une seule grande firme ? »

L‟hypothèse avancée est qu‟il existe un rendement décroissant de la fonction d‟entreprenariat, c'est-à- dire que les coûts d‟organisation de transactions additionnelles à l‟intérieur de la firme peuvent augmenter. L‟entreprise continuerait donc son expansion jusqu‟au point où le coût d‟organisation d‟une transaction supplémentaire à l‟intérieur de l‟entreprise soit égal au coût encouru en exportant la transaction sur le marché.

La tendance de l‟entreprise à la croissance serait par conséquent inversement proportionnelle aux coûts d‟organisation de l‟activité. Par contre elle serait positivement corrélée avec l‟incertitude de l‟environnement.

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