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106 I.2 Implication de la régulation dans la deuxième phase de développement : de la protection du

monopole à la protection de la concurrence.

Trois raisons au moins ont concouru pour inciter les pouvoirs publics à remodeler la structure du marché. Il s‟agit tout d‟abord du courant libéral qui a soufflé sur le monde avec la chute du régime soviétique.

Le concept de « mondialisation de l‟économie » qui a suivi ce mouvement a naturellement tendu vers l‟ouverture de toutes les économies sur le monde, ce qui a constitué une opportunité de nouveaux marchés pour toutes les entreprises qui cherchaient à développer leurs activités. La chute des monopoles juridiquement protégés était devenue de ce point de vue, une issue « naturelle » de ce processus de développement.

Les deux autres raisons ont trait d‟une part à la propre caractéristique des monopoles, incapables faute d‟incitations adéquates à baisser leurs coûts, et d‟autre part, à la pression des concurrents, attirés par les perspectives de gains générés par de nouvelles innovations.

I.2.1 Limites de la structure monopolistique : position dominante et inefficience des coûts.

Le premier facteur remettant en cause l‟efficacité du monopole à optimiser les ressources sociales relève de la nature même du monopole. Dans le cadre concurrentiel néoclassique, le prix est considéré comme une variable exogène obtenu à partir d‟un grand nombre de demandeurs et d‟offreurs de taille similaire.

Dans le cas du monopole, au contraire, le prix est une variable endogène qui résulte de son programme de maximisation de profit. Le prix s‟établit à niveau d‟équilibre tel que le taux de marge de l‟entreprise est inversement proportionnel à l‟élasticité de la demande (chapitre I).

Cela implique notamment que le monopoleur peut jouir de sa position dominante et que lorsque la demande est inélastique, le monopole fixe un prix supérieur au coût marginal ce qui lui constitue une rente.

La théorie des marchés contestables qui démontre que la menace d‟une intrusion suffit à annuler cette rente a été inopérante dans le cas des télécommunications, car ce qui a justifié au départ l‟existence d‟un monopole naturel, le coût élevé de l‟investissement de l‟opérateur et sa pauvre capacité de redéploiement, a constitué précisément une barrière à l‟entrée et à la sortie du secteur pour d‟éventuels concurrents.

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L‟hypothèse de base de la théorie des marchés contestables étant réfutée, la menace d‟intrusion était devenue non crédible et le monopole, livré à lui même pouvait théoriquement profiter de sa position dominante au détriment de l‟intérêt général.

Les pouvoirs publics, qui étaient déjà intervenus pour ériger des barrières juridiques à l‟entrée parce que le monopole naturel n‟était pas soutenable, se devait d‟intervenir à nouveau pour empêcher le monopole d‟abuser de sa position dominante. Ceci a été de nature à induire des coûts de contrôle préjudiciables à la communauté. Dans le cas des monopoles publics, si les opérateurs ne pouvaient pas abuser a priori de leur position dominante, ils ne possédaient pas non plus d‟incitations pour baisser leurs coûts et améliorer leur productivité.

Cette problématique, qui consistait à concevoir une réglementation incitative de la firme à atteindre un certain degré d‟efficacité en asymétrie d‟information, a été traitée dans le cadre de la théorie d‟agence. Cette dernière a permis une meilleure compréhension de la relation entre l‟état (le principal) et l‟opérateur en situation de monopole (agent).

Les opérateurs historiques étant les seuls à connaître le niveau de leurs coûts et l‟état de la technologie, les relations agent-principal étaient marquées par une forte asymétrie de l‟information au détriment de l‟état. Cette sélection adverse, outre le fait qu‟elle a rendu inefficace toute intervention du régulateur, a été coûteuse car elle nécessitait la mise en place de grands moyens informationnels et de contrôle.

Ces raisons (coûts d‟agence et sous- optimalité de la gestion des opérateurs) alliées à la pression des innovations technologiques ont été à la base de la remise en question des statuts des monopoles et ont abouti à terme, à la naissance d‟une structure concurrentielle du marché.

I.2.2 Les effets de la pression technologique.

La deuxième phase de développement dans le domaine des télécommunications tient son origine technologique de deux innovations : les transmissions radioélectriques et l‟électronique.

En effet, ce sont ces deux innovations qui ont permis à terme aux usagers d‟acquérir une dimension supplémentaire dans leur mode de communication à distance : la mobilité, et qui ont constitué un premier facteur réel de contestation des monopoles en place, en permettant aux nouveaux entrants de s‟affranchir des contraintes d‟accès imposées par les détenteurs de l‟infrastructure filaire.

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L‟avènement de la radiodiffusion au début des années 20 n‟a eu que très peu d‟impacts sur l‟industrie du téléphone. Les marchés semblaient complètement distincts ; la radiodiffusion était considérée comme un moyen de distraction de masse qui impliquait une communication dans un seul sens, alors que le téléphone constituait un marché individuel impliquant une communication dans les deux sens. Pendant longtemps, les deux industries ont coexisté mais n‟entretenaient quasiment aucune relation entre elles. C‟est la nécessité de trouver un moyen de diffusion d‟une autre innovation, la T.V, extension naturelle de la radiodiffusion, qui a rapproché ces deux industries.

En effet, pour faire pénétrer la T.V dans la structure industrielle de diffusion, certains moyens (bande passante à haute capacité) étaient nécessaires pour atteindre tous les affiliés. La radio transmission point à point à haute capacité promettait de devenir le média de transmission longue distance du futur, éliminant ou réduisant le besoin des câbles coaxiaux longue distance.

La transmission par faisceaux hertziens, alliée à la percée en électronique qui permettait le traitement des signaux adaptés à cette technologie, ont constitué un moyen de transmission à longue distance pour de potentiels nouveaux entrants. En effet, ce moyen, leur permettait d‟une part, de contourner le réseau filaire du monopole et leur apportait d‟autre part, des avantages en termes de flexibilité et de coût initial d‟investissement. Il est à mentionner que dans le secteur des télécommunications, ces moyens de transmission hertziens à longue distance, n‟ont pas résolu le problème de l‟accès à la boucle locale, ce qui explique que la concurrence s‟est établie au départ uniquement sur le marché de la téléphonie à longue distance.

D‟autre part, avec l‟accroissement du rythme continu des innovations technologiques dans le domaine des télécommunications, le risque de migration à long terme vers des réseaux alternatifs au détriment du service primaire était devenu non négligeable.

En effet, si le monopole en place refusait l‟accès d‟une infrastructure à des concurrents potentiels ou s‟il fixait des coûts de connexion trop élevés, cela pouvait inciter les nouveaux entrants à contourner l‟entrée par le biais d‟autres réseaux: chemins de fer, câbles T.V, électricité ou ondes hertziennes.

Ce phénomène, connu sous le nom de « by pass » a pris au cours de l‟histoire des télécommunications plusieurs formes apparentées. Ainsi par exemple, l‟utilisation du réseau longue distance étant plus onéreuse que certains moyens alternatifs tels que l‟Internet, certains ménages passent par le réseau Internet pour leurs communications longue distance, ce qui peut résulter en une baisse substantielle des revenus liés au premier marché.

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A partir de ce moment, tous les éléments étaient présents pour remettre en question le régime de monopole des télécommunications.

I.2.3 Les tentatives de régulation du monopole.

Prenant en compte ces dysfonctionnements du monopole en termes de coûts et d‟efficience, les pouvoirs publics ont tenté dans un premier temps d‟y remédier par des politiques d‟incitations qui visaient à les corriger.

En effet, à partir du moment où ce sont les politiques d‟incitation retenues par les pouvoirs publics qui influent sur la tarification des opérateurs historiques ainsi que sur leurs performances [ Laffont et Tirole, 2000], il devient par conséquent rationnel de vouloir changer les causes (incitations) pour pouvoir en modifier les effets (dysfonctionnements).

Ainsi, la politique des pouvoirs publics en matière d‟incitation et en situation d‟asymétrie d‟information (anti-sélection), qui dans un premier temps a été de supporter toutes les charges des opérateurs historiques, a été de nature à engendrer un certain laxisme à réduire les coûts de l‟entreprise puisque in fine ceux-ci sont supportés par le consommateur final (calcul des prix à la marge).

Le prix final (cost plus) ainsi obtenu, possédait par conséquent peu de chances d‟être optimal au sens économique du terme et pouvait décourager la demande qui se situerait à un niveau minimum, dépendamment de l‟élasticité prix.

Pour remédier à cette situation, l‟alternative offerte aux pouvoirs publics a été soit de tenter de réduire l'effet d'anti-sélection (adverse selection) soit de faire jouer les mécanismes régulateurs de la concurrence.

Acquérir l‟information (par exemple en effectuant un benchmarking) aurait permis aux pouvoirs publics de proposer à l‟opérateur un contrat plus incitatif à la baisse des coûts, en lui proposant un contrat fixe.

Cependant, certains facteurs limitent le bon fonctionnement de cette pratique (coûts d‟agence, renégociation des contrats en vue de baisser les profits de l‟entreprise ou au contraire de la soutenir, répercussion sur la qualité), ce qui pourrait expliquer que les marchés des télécommunications ont progressivement évolué au cours des trente dernières années pour passer d‟une structure essentiellement monopolistique à une structure concurrentielle [Bohlin, Levin et Leite, 1999].

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