• Aucun résultat trouvé

Landes et Posner ont mis en exergue la relation qui existe entre l‟index de Lerner et la mesure de « la perte sociale » (deadweight loss) notée DW. Cette perte sociale est proportionnelle aux profits engrangés par une entreprise exerçant son pouvoir de dominance. Lorsque la demande est linéaire et le coût marginal constant, Landes et Posner établissent que DW est égal à la moitié de la rente de monopole.

Lorsque le coût marginal est croissant (figure.5 précédente), l‟expression de DW correspondant aux triangles A et B (hachurés verticalement) est la suivante [Schmalensee, 1982]:

DW= ½ K L (PQM) [1.4]

Où P et QM sont respectivement le prix du monopole ainsi que la quantité qu‟il produit, L, l‟index de

Lerner et K un coefficient qui mesure l‟écart de production entre les situations de monopole et de concurrence et qui reflète la pente de la courbe du coût marginal.

Unités monétaires Pm Pc Qm Qc Quantités vendues Rmoy Figure 5. Indice de Lerner dans le cas d’un coût marginal croissant.

C Cm M Rm O D Source : Schmalensee [1982], p : 1791. ( avec adaptation). A B

64

DW est la somme, en unités monétaires de la perte sociale occasionnée par le monopole. Il est clair d‟après l‟équation [1.4] que les pertes sociales varient positivement en fonction des profits du monopole.

Les coûts marginaux et les élasticités de la demande étant difficiles à mesurer, l‟indice de profitabilité semble plus facile à mesurer et à servir d‟indicateur de dominance des marchés. Cependant, l‟évaluation du pouvoir d‟une entreprise à partir de son taux de profit pose un certain nombre de problèmes :

Tout d‟abord, et en raison notamment de la difficulté d‟évaluation du coût d‟actualisation, du risque de l‟activité et du coût du capital, il n‟est pas aisé de mesurer le taux de profit réel et encore moins le « super profit » du à une position dominante.

Ensuite l‟absence de profits excédentaires ne signifie pas ipso facto l‟absence d‟un pouvoir de marché. En effet, comme précédemment développé, l‟existence d‟une position dominante entraîne des coûts supplémentaires dus aux inefficiences des structures de marché non concurrentielles (« X- inneficiency de Leibenstein» et coûts de Posner relatifs aux dépenses effectuées pour obtenir ou maintenir une position dominante). Ces coûts réduisent le profit observé, mais n‟en représentent pas moins un coût réel du à l‟existence d‟un pouvoir de dominance.

Enfin, des profits « excessifs » de court terme peuvent également exister sur des marchés parfaitement concurrentiels. Ceci est le cas notamment lorsque l‟entreprise exploite un brevet d‟invention ou une innovation qui n‟a pas encore de concurrents

Ces difficultés de calcul et d‟interprétation du taux de profitabilité d‟une entreprise expliquent le recours à d‟autres estimateurs de la dominance tels que l‟évaluation des parts de marché détenues et leur signification en termes de pouvoir de marché.

IV.3 Parts de marché et pouvoir de dominance.

Les parts de marché sont souvent utilisées par différentes autorités de régulation pour évaluer le pouvoir de marché d‟une entreprise. Ainsi par exemple aux U.S.A, Pitovsky décrit la démarche suivie par la justice américaine avant 1982 dans l‟évaluation du pouvoir de dominance d‟une entreprise :

 Dans une première étape, la cour tente de délimiter le marché pertinent.

 Ensuite, la cour procède à l‟évaluation de la part de marché de la ou des entreprises incriminées.

65

 Enfin, elle déduit l‟existence d‟un pouvoir de marché lorsque la part de marché est élevée.

Cette utilisation des parts de marché en tant qu‟indicateur du pouvoir de dominance des entreprises, est souvent préconisée par les autorités de régulation car elles témoigneraient de la capacité de l‟entreprise à manipuler les conditions de la concurrence. Plusieurs types de mesures basées sur les parts de marché sont usités.

Ainsi, il est souvent fait référence au « concentration ratio » (CR) qui évalue les parts de marchés détenues par les firmes les plus importantes sur le marché. Le C4, par exemple mesure la somme des parts de marché des quatre plus grandes entreprises sur le marché. Linda [1977] distingue quatre zones qui expriment le degré concurrentiel d‟un marché : La première zone, relative à la détention de plus de 80% du marché par les quatre premières entreprises est qualifiée de « danger grave et probable d‟atteinte à la concurrence ». La gravité de la situation décroît en fonction de la baisse du C4 et la dernière zone (C4 inférieur à 40%) décrit des situations de marché sur lesquels les conditions concurrentielles doivent normalement prévaloir.

Le principal avantage du ratio de concentration dans les affaires antitrust, est que leur signification est immédiate pour toutes les parties en présence. Cet indice peut cependant, cacher des disparités de taille entre ces quatre entreprises et partant peut occulter l‟existence d‟une entreprise détenant un pouvoir de marché.

Aussi, une autre mesure opérationnelle est proposée dans la littérature, il s‟agit de l‟indice d‟Herfindal, défini par la formule H= Σpi² où pi est la part de marché de l‟entreprise i. Cet index incorpore les parts

de marché de toutes les firmes présentes sur un marché. Et bien que cet index puisse paraître de prime abord difficilement utilisable car demandant un grand effort en terme de recherche d‟information lorsque le marché englobe un grand nombre d‟entreprises, en réalité il n‟en est rien.

En effet, le fait de sommer des parts de marché au carré implique qu‟un grand poids est accordé aux entreprises à grandes parts de marché, les autres n‟influant presque pas sur l‟indice.

L‟indice de Herfindal possède également l‟avantage de pouvoir être relié au pouvoir de marché. Ainsi Cowling et Waterson [1976] démontrent explicitement le lien entre cet indice, la structure concentrée d‟un marché et le pouvoir de marché. Ils établissent que plus le nombre d‟entreprises est réduit, plus les marges sont élevées et plus le consommateur est pénalisé.

66

(P- Cmp)/P = H/e 26 [I.5]

Où :

 P est le prix de vente du produit sur le marché ;

 Cmp le coût marginal pondéré du marché ; Cmp=ΣSiCmi ;

 Si27 est la part de marché de l‟entreprise i et Cmi, le coût marginal de l‟entreprise i.

 H est l‟indice de concentration d‟Herfindal ;

 e est l‟élasticité prix de la demande du marché.

Ces résultats sont obtenus sous les hypothèses suivantes : homogénéité du produit, présence de barrières à l‟entrée, concurrence de Cournot (les entreprises fixent les quantités et le marché établit le prix d‟équilibre, capacités illimitées des entreprises), les concurrents ne réagissent pas à l‟augmentation de la quantité émise par une entreprise.

Dans ce modèle, il existe une relation directe entre la concentration de marché mesurée par l‟indice d‟Herfindal et la capacité des entreprises à élever le prix de vente au dessus du niveau des coûts.

26

On considère un oligopole dans lequel chaque entreprise pense que les autres concurrents gardent leur production fixe (hypothèse de Cournot). L‟entrée sur le marché n‟est pas permise et les produits sont homogènes aux yeux des consommateurs. Les profits de l‟entreprise i s‟écrivent :

Πi = Pqi –CTi

Où P est le prix du marché, qi est la quantité produite par l‟entreprise i et CTi ses coûts totaux.

L‟entreprise maximise son profit :

dΠi / dqi =qi.dP / dQ . dQ / dqi + P – dCTi/ dqi =0

Où Q est la quantité totale émise sur le marché.

En réarrangeant les termes et en notant Cmi le coût marginal de l‟entreprise i Cmi= dCTi/ dqi :

qi. dP/dQ dQ/dqi = Cmi – P

Sous l‟hypothèse de Cournot, on a dQ/dqi =1 et si l‟on multiplie par Q/Q :

qi/Q . dP / dQ . Q = Cmi – P

Si l‟on multiplie par 1/P et sachant que dP / dQ . Q/P = 1/e : qi/Q . 1/e = (P- Cmi)/P

La part de marché de l‟entreprise i , Si est égale à qi/Q, l‟expression ci-dessus devient alors :

Si/e = (P-Cmi)/P

En multipliant chaque coté de l‟expression par Si et en sommant sur toutes les entreprises on obtient : ΣSi² /e =H/e =(P- Cmp)P

Où :

Cmp= ΣSi Cmi

27

Remarque : pour une clarté de l‟exposé et pour ne pas provoquer une confusion entre pi part de marché et les prix de vente, nous adoptant la notation anglaise Si pour la part de marché.

67

Partant du même principe (mais en relâchant l‟hypothèse d‟une concurrence de Cournot) Posner et Landes [1981] ont également démontré que le pouvoir de dominance (mesuré par l‟index de Lerner) augmente en fonction de la part de marché détenue.

Le modèle développé est basé sur l‟hypothèse d‟une définition parfaite du marché pertinent et décrit une situation relative à l‟existence d‟une firme dominante i en concurrence avec des petites entreprises détenant chacune une petite part de marché. Le modèle est valable également dans le cas de l‟existence d‟un cartel ou d‟une structure oligopolistique du marché (dominance conjointe de quelques entreprises).

L‟élasticité-prix de la demande adressée à une entreprise (𝜀𝑖𝑑), est fonction de la part de marché qu‟elle détient (𝑆𝑖) de l‟élasticité- prix de la demande adressée au marché (𝜀𝑚𝑑) ainsi que de l‟élasticité de l‟offre des autres concurrents (𝜀𝑗𝑂), relation explicitée par l‟équation suivante28

: 𝜀𝑖𝑑 =𝜀𝑚𝑑 𝑆𝑖 + (1−𝑆𝑖)𝜀𝑗𝑂 𝑆𝑖 29 [I.6]

En remplaçant dans l‟index de Lerner 𝜀𝑖𝑑 par son expression (partie droite de l‟équation ci-dessus), on obtient :

Outline

Documents relatifs