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Cadre théorique

Section 2 : De roulement de l’enque te

1.3. L’analyse du mythe

1.3.4. Le statut de père

Il est difficile de parler de l’origine de l’idée de père culturel. Ce qui est sûr, c’est que c’est un acquis de l’humanité. Dès lors, qui parle de père parle d’autorité, de pouvoir sur tout ce qui est. Le sens peut être trouvé dans les textes religieux. Que cela soit dans la Bible, la Thora ou le Coran, on y mentionne que Dieu créa l’homme à son image et lui donna pouvoir sur la femme. Il est vu et considéré comme le « Père », le détenteur du pouvoir divin sur terre.

419 Gérard Mendel, Quand plus rien ne va de soi, Paris, Éditions Robert Laffont, 1979, p. 18. 420

Ibid.

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Des idées telles que Dieu créa la femme à partir de la « côte gauche de l’homme »422 en éma-

neront. Ce rapport de domination entre l’homme et la femme dans le patriarcat se retrouve également entre le père et ses enfants. Cette relation se particularise par le respect d’une cer- taine piété filiale, l’acceptation de la domination paternelle, puisse-t-elle être tyrannique, sur soi.

Ainsi, il existe deux façons de considérer le fils dans les sociétés patriarcales. Dans un premier temps, il y a celle qui voit le ou les fils comme associés du père, en prenant en compte la volonté d’accroissement du patrimoine familial. Le fils travaille ou collabore avec son père dans le but d’augmenter la fortune familiale. Il a un pouvoir et un droit sur tout ce qu’il fait : il donne et on lui en rend. Dans les sociétés traditionnelles, il ne s’agira plus d’un capital économique, mais plutôt spirituel à préserver. Ce sera au fils d’assurer, après le père, l’entretien de l’autel des ancêtres423. Ce qui suppose une grande piété envers le père qui fait

aussi office de maître initiateur. C’est ce qui, sans doute, pourrait être considéré comme la source de la culpabilité que ressentent les jeunes dans le besoin de recourir à un substitut au père (marabout). Ce fait est vécu et ressenti comme une trahison en raison de la force de la piété patriarcale, de la rigueur des devoirs envers son père et ses ancêtres.

Cette piété envers l’autorité symbolique est souvent perçue comme une négation du sta- tut d’individu ou de personne chez le concerné. Il vit à travers ses ascendants et ne jouit d’aucune autonomie ou initiative personnelle. Il leur est totalement soumis. Ce n’est, effecti- vement, pas une collaboration ou un partenariat comme dans les sociétés occidentales, mais plutôt une soumission totale envers ces derniers. Il existe toutefois plusieurs moyens pour sortir le « considéré » comme xalé de cette situation et l’amener à une existence sociale. Arri- ver à une existence, c’est tout simplement accéder à la reconnaissance sociale comme per- sonne adulte (personne achevée). Dans les sociétés traditionnelles, on parlera de celui qui at- teint le statut de personne. Ici, il s’agit de celui qui existe qui sort de la condition de xalé.

422 Cette conception religieuse donne autorité à l’homme sur la femme et sa descendance. Cette autorité trouve

son sens dans ce que Raymond Court nomme la « référence fondatrice de la dette ». (Voir Raymond Court, « Jean-Pierre Vernant, l’ami grec », in Le Croquant, n° 53-54, 2007) La femme, créée après et à partir de l’homme, a une dette morale et religieuse vis-à-vis de lui. Une dette qui ne sera jamais satisfaite et demanderait une soumission sans faille de sa part. Ce qui se rapproche du « mythe de l’ordre natal » développé par Jean- Pierre Vernant qui y percevait la fonction symbolique du religieux ainsi que « la suture de l’identité personnelle et de la cohésion sociale ». (Voir Jean-Pierre Vernant, Entre mythe et politique, Paris, Seuil, 1976) Couture insis- tera, quant à lui, sur le fait de naître et de commencer d’exister en nous rattachant à une lignée parentale envers laquelle je suis en dette et dont la reconnaissance est ce qui me permet de donner sens à ma vie ». Nous traiterons de cet aspect en revenant sur la dette des cadets envers les séniors ou parents. Dette qui, aujourd’hui, au Sénégal, connait un règlement financier.

423 Meyer Fortes, Religion, morality and person. Essay on Talensi religion, Edited and with an introduction by

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Nous parlons de société occidentale, mais il s’agit plus des sociétés inscrites dans une trajec- toire de modernisation. Une modernité certes inspirée des réalités occidentales, mais remplie de références traditionnelles et coutumières.

Ainsi, nous retrouverons la piété face aux séniors sans oublier le traditionnel droit d’aînesse dont la signification symbolique, dans les sociétés traditionnelles africaines comme occidentales, a noirci des milliers de pages. Évidemment, dans sa réalisation économique dans la mesure où, avec les sociologues, il s’agit de voir par quels moyens, les cadets arrivent à résorber leur dette et à se libérer des contraintes intergénérationnelles. Ce qui, dans ce cas, permet à l’individu de sortir de la situation de xalé. Comme l’écrivions dans les premières pages de ce chapitre, c’est la capacité productive. Il s’agira, ici, de s’émanciper par l’argent, autrement dit, de se montrer comme apte à payer sa dette envers les anciens. Contrairement à celui qui tentera de le faire à travers l’extrême religiosité.

Dès lors, celui qui manifestera la capacité à pouvoir s’acquitter de sa dette, brisera tous les tabous et interdits jadis liés à sa condition de jeune. L’argent, l’outil émancipateur par ex- cellence et, de plus, pourvoyeur de prestige dans notre société est en train de transformer, de façon extraordinaire, l’architecture familiale en imposant de nouvelles relations et de nou- velles hiérarchies. En effet, est désormais considéré comme aîné celui qui a les moyens de payer sa dette et si biologiquement il est le cadet de celui qui n’y arrive pas, c’est lui que la société considérera comme l’aîné. Celui qui, aux yeux des autres, a réussi.

En société, les regards admiratifs se porteront sur lui et les parents contribueront à ali- menter son mythe et son prestige en le présentant comme le meilleur être qu’ils aient enfanté. Sa parole portera plus que celle de son aîné biologique qui ne représente pas une sécurité fi- nancière pour ses proches. Cette situation n’est pas sans conséquence dans la mesure où elle est source de conflits. Elle n’offre pas de voie de salut pour le jeune qui se noie dans la « gé- minalité » ou ce que l’on peut nommer le complexe de Rebecca. Il ne pourra que se résigner et laisser faire la vie ou penser des stratégies communes inconscientes afin de sortir de cette situation. La confrérie, voire la religion fut, pour beaucoup, un moyen d’accepter ce qu’ils considèrent comme leur destin, la volonté divine.

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