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Du dynamisme dans les mouvements religieux au Sénégal

Cadre théorique

Section 1 : Proble matique

1.3. Particularité de « l’islam sénégalais »

1.3.1. Du dynamisme dans les mouvements religieux au Sénégal

Le ñaseen sera abordé, dans ce travail, comme modèle pour traiter du dynamisme des mouvements religieux nés de groupe de plus grandes envergures et tentent, malgré les détrac- teurs, à s’en détacher en imposant une originalité et une pertinence égales à celles des associa- tions mères. En ce sens, il faudrait remarquer que le dynamisme fondamental sur lequel s’inscrit ce mouvement demeure semblable en de nombreux aspects à l’ordre mère (la

tidjniyya).

Cependant, il se différencie d’elle dans sa façon de créer et de penser des initiatives pédagogiques afin d’instruire les adhérents à l’éthique sûfi et tijaan par la même occasion. Ce qui traduit le mieux la perspective dans laquelle nous tentons d’inscrire ce mouvement serait de convoquer la notion d’ « ascétisme intramondain » développée par Max Weber dans ses analyses sur les origines du capitalisme. Dans une analyse consacré à ses travaux, Alain Bihr écrira que :

L’ascétisme intramondain » inventé et diffusé par le calvinisme, mais aussi par certaines sectes puritaines, méthodistes, piétistes et anabaptistes. Au sein du calvinisme, du fait de sa curieuse théorie de la prédestination, le fi- dèle ne peut échapper à l’angoisse de son salut, s’assurer de bénéficier de la grâce divine nécessaire à ce dernier, qu’en se vouant corps et âme à sa

240 Marabout sénégalais, petit-fils du fondateur du mouridisme et chef du parti politique P.V.D. (Parti pour la

vérité et le développement). Il a soutenu tous les régimes et aujourd’hui encore s’active en politique même s’il a laissé la direction du parti à son épouse.

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propre réussite économique, tout en respectant évidemment la loi divine. Car l’élu se distingue précisément par le fait qu’il manifeste et accroît la gloire de Dieu par son action dans le monde même : par le fait que, tout en vivant scrupuleusement selon la loi divine, il contribue à la prospérité du monde en assurant le succès de ses entreprises terrestres, et notamment de ses entreprises professionnelles, par un travail acharné et un effort de tous les instants qui sont tenus, par conséquent, pour un véritable devoir reli- gieux. En somme, pour le calviniste, celui qui, grâce à son labeur acharné et à sa vie ascétique, réussit dans les affaires tout en respectant la loi divine travaille « ad majorem Dei gloriam » (pour la plus grande gloire de Dieu) ; et sa réussite atteste, de ce fait, qu’il bénéfice de la grâce divine et qu’il est assuré de son salut241.

Ainsi, la volonté des membres des mouvements religieux autonomes, à l’image de ceux traités par Weber demeure d’être à tout instant en relation, voire en intimité avec la divinité, le savoir sacré. Dans cet esprit, ils cultivent la fertilité d’esprit et se livrent à des interprétations et délivrent des paroles de sens sur des thèmes divers. Ils témoignent, dès lors, une grande fidélité aux préceptes sûfi et islamique, au sens large. Il écrira lui-même que :

L’ascèse protestante intramondaine – ainsi peut-on résumer ce qui a été dit jusqu’à présent – s’est opposée de toutes ses forces à la jouissance ingénue des possessions, elle a restreint la consommation, en particulier la consom- mation de luxe. En revanche, elle a eu pour effet psychologique de lever les obstacles que l’éthique traditionnelle opposait à l’acquisition des biens, de rompre les chaînes qui entravaient la recherche du gain, non seulement en la légalisant, mais en la considérant comme directement voulue par Dieu (au sens où nous l’avons exposé)242.

Cependant, et c’est là tout ce qui leur est reproché par les puristes, leurs efforts et les résultats de leur ascétisme mystique sont particulièrement adressés au monde extérieur, comme une sorte de prosélytisme inavoué. En effet, dans leurs comportements quotidiens, la jeunesse inscrite dans le ñaseen, à travers son effort de visibilisation procède à une sorte d’extension de soi. Elle oriente ses valeurs et les acquis de son initiation mystique vers

241 Alain Bihr, « Les origines du capitalisme selon Max Weber », in Interrogation, Revue pluridisciplinaire de sciences humaines et sociales, n° 2, « La construction de l’individualité », juin 2006, (le 15 juin 2014).

http://www.revue-interrogations.org/Les-origines-du-capitalisme-selon,370

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l’extérieur. Une façon certaine de conformer les deux types d’espaces et de d’harmoniser deux formes d’êtres sociaux en un seul pour habiter un monde moderne.

De la sorte, le fait d’être conscient et de reconnaitre la nécessité de cultiver a profon- deur religieuse et mystique et de se présenté dans l’espace comment comme un sujet sous inspiration divine (un ami de Dieu ou comme détenteur de sa connaissance ou d’un savoir émanant de lui) lui impose des objectifs plus universels et plus sociaux. Weber abordera cette façon de penser son être religieux en termes de « rationalisation de l’activité sociale ». Ce principe que nous abordons dans ce travail, en des termes psychanalytique à travers celui d’intellectualisation traduit chez ce dernier : « notre capacité à recourir à la technique et à la

précision, ce processus ratifiant également l’amorce du « désenchantement du monde »243.

Reconnaissons, tout de même, à l’instar d’Enes Ergene sur le sens des mouvements re- ligieux à contenu religieux comme le fethullaci, que ces notions wébériennes ne peuvent plus « aujourd’hui appréhender largement la profondeur de la dynamique rationnelle et sociale » de la jeunesse à travers le sens et l’orientation qu’elle confère à son engagement religieux.

Il est vrai et nous le reconnaissons que la religiosité ou l’action religieuse, en général s’appréhende la plupart du temps dans une dimension collective qui donne sens et pertinence. Ce qui lui permettait de rester dans la définition traditionnelle de la religion en termes de reli-

gare, ce qui fait le lien. La tendance actuelle en fait une activité plus individuelle et l’inscrit

dans une dimension plus intime dans la mesure où l’individu recherche un rapport plus pro- fond avec la sacralité, non pas dans le sens de se détacher du monde, mais se montrer meilleur que les autres. Il s’agit pour lui d’apporter une valeur différentielle sur soi, construire et impo- ser un regard conforme aux normes et exigences de la bienveillance fondamentale. De là, la figue du mystique actuelle ne sera plus celle d’un homme éloigné et indifférent face aux choses de la vie, mais plutôt une star des bonnes valeurs et de bonne façon de paraître en so- ciété. Il est celui qui parvient à trouve l’équilibre entre la vie moderne et l’inscription mysti- co-religieuses.

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Mazuir Françoise, « Le processus de rationalisation chez Max Weber », in Sociétés 4/2004, no 86, pp. 119- 124.

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