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Les angoisses familiales comme source du besoin religieu

Cadre théorique

Section 1 : Proble matique

1.2. La question de la transmission

1.2.2. Les angoisses familiales comme source du besoin religieu

La famille n’est pas le havre de paix auquel on peut naturellement penser. C’est souvent un lieu de compétition et de privation. Une organisation dans laquelle il est interdit à certains le droit de faire des choix et d’être ce qu’ils ont choisi de devenir. Selon Jacques Lacan,

La famille paraît comme un groupe d’individus unis par une double relation biologique : la génération, qui donne les composants du groupe, les condi- tions de milieu que postule le développement des jeunes et qui maintiennent le groupe pour autant que les adultes générateurs en assument la fonction321.

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L’adulte qui a subi avec succès les épreuves initiatiques, est chargé d’éduquer les plus jeunes. La pédagogie initiatique de l’enseignement traditionnel prend en compte l’ensemble des activités humaines. Les classes d’âges se présenteront alors comme des fraternités d’hommes ou de femmes du même âge au sein d’une même société. L’apprentissage s’organise de façon stricte et rigoureuse, tout en laissant place à des activités économiques et ludiques, qui devront permettre de renforcer la solidarité et l’entraide entre membres d’une même classe.

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Dans bien des cas, la famille se présente comme un immense champ de bataille où il est refusé à certains la liberté d’être eux-mêmes et de construire librement leur bonheur. L’invisibilité et la négation exercées commencent au sein même de la cellule de base. Il est fréquent que le jeune, en phase de réalisation, se retrouve, contre son gré, pris dans l’engrenage d’un conflit de type « œdipien » initié par un parent qui craint de « sortir du re- gard » et donc, de perdre son prestige au profit d’une progéniture qui, en grandissant, acquiert autorité et admiration de son entourage. Sa volonté sera de nier toutes les réalisations de ce dernier, en commençant par détruire la réputation de son enfant afin de tuer toute admiration que l’environnement pouvait nourrir envers lui. Esseulé et dos au mur, car réagir serait une façon de se condamner définitivement au sort du « honni qui a osé porter un jugement ou maudire son ascendant »322, il va penser des moyens et stratégies pour canaliser cette colère

débordante et éviter ou esquiver la délicate perfidie d’une autorité qui cherche à détruire son image pour exister et conserver le regard admiratif sur lui. Le rapport des âges met le sénior, dans une position de pouvoir contre laquelle il ne pourrait se rebeller.

Face à cela s’ajoute l’origine de cette hostilité donnant naissance aux sentiments et haine et à l’effort d’invisibilisation, la mère Rebecca qui, sans doute, n’ayant su régler ses complexes de castration, ne supportant pas l’audace d’un descendant qui n’accepte pas de se mettre sous tutelle, elle va alimenter une rivalité, si c’est un garçon avec le père, afin de se positionner en arbitre et en recueil d’avis et d’impressions de chacune des parties. Ce qui va lui conférer, non seulement un rôle de médiatrice, à défaut, mais elle conservera son existence et son importance dans la famille dont elle deviendra le socle. Tout n’est en définitive qu’une lutte pour l’obtention et la conservation d’un pouvoir, celui d’exister.

Le fait que la plupart de nos enquêtés cherchent la source de leur malheur dans cette ins- titution nous conduira à une réflexion sure « le devenir anthropologique de la famille »323. Autrement dit, il nous reviendra d’interroger le sens et les types de relations qui y sont au- jourd’hui entretenues. En effet, la question que l’on se pose, à la lueur de ce qui s’est dit tantôt sur le sort des jeunes dans leur milieu d’origine, avec le texte de Lacan comme principale source d’interprétation, serait de savoir comment penser l’actualité de l’appartenance fami- liale ? Faudrait-il la saisir comme la manifestation, à tout instant, de notre adhésion à travers l’intériorisation des formes hiérarchiques et l’acceptation de la domination de ses tenants ? En d’autres termes, doit-on apporter la preuve de notre ancrage et de notre affection à travers la soumission absolue et l’acceptation de la négation de soi, voire de l’invisibilité ? Serions-

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Respect du quatrième commandement : « Tu honoreras ton père et ta mère ».

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nous, dans ce cas, libre de choix et d’actions face au groupe ou devrions-nous, pour le rassu- rer, manifester une certaine forme de dépendance envers lui ? C’est-à-dire montrer que nous sommes déterminés par ses orientations et que sans lui, rien n’est plus possible.

Selon Jacques Lacan, l’institution familiale est organisée comme un ensemble de repré- sentations inconscientes - ou imagos - marquées par les deux pôles du paternel et du mater- nel324

. De ce fait, la symbologie qui se cache derrière cette organisation sociale suppose l’acceptation de l’autorité de ces derniers et de leur volonté toute puissante pour acquérir un droit à l’épanouissement325. Lacan ne cessera pas, tel que le note Élisabeth Roudinesco, « de

regarder la famille comme un tout organique, et il n’hésitait pas à fustiger le déclin de l’imago paternelle si caractéristique à ses yeux de l’état désastreux de la société européenne de la fin des années 1930 »326.

324

Élisabeth Roudinesco, Lacan, envers et contre tout, Paris, Seuil, 2011, p. 57.

325

Élisabeth Roudinesco, op. cit., pp. 42-43.

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Section 3 : Objectivation

1. Introduction

Il n’est pas toujours fréquent de parler de soi dans le champ de la recherche. Il l’est, beaucoup plus, de parler des autres, sans procéder à une certaine analyse du « je » qui écrit. Tout d’abord, il est très rare de voir des travaux de sociologie ou d’anthropologie s’écrire sous la forme d’une égologie327 avec l’usage du « je » qui, en réalité, traduit une distanciation exa-

cerbée du producteur face à ce qu’il écrit. Plutôt, une certaine répulsion de sa condition de chercheur qu’il veut, coûte que coûte, nier. Or, il est important que le chercheur assume sa présence, mais également sa posture sur le terrain ainsi que son rapport avec son objet. Pour ce faire, il se doit d’analyser ce « je » qui écrit afin de saisir ou de comprendre, entre autres, pourquoi avoir traité son objet de la façon dont il l’a traité. Quelles sont les circonstances de son existence qui lui auront inspiré ce type de questionnements particulier, qui a été à la base de sa production ?

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