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Posture du chercheur face à la religion comme objet

Cadre théorique

Section 2 : De roulement de l’enque te

1.1. Outils de collectes de données 1 Observation participante

1.1.3. Posture du chercheur face à la religion comme objet

Existe-t-il plus délicate tentative que celle de vouloir étudier une religion ? La demeure l’un des objets les plus insaisissable par sa nature même qui semble l’interdire à l’objectivation389. En effet, la religion est l’un des rares objets de recherche ou la neutralité le

chercheur, son extériorité par rapport à lui ainsi que la distanciation seront sujets à débat. En réalité, l’étude de la religion exige un certain engagement de la part du chercheur. Qui dit en- gagement parle naturellement de prise de position… Il existe généralement, deux postures que tiennent les chercheurs qui s’intéressent au fait religieux : il s’agit soit d’adopter une position du dedans soit, d’opter pour celle du dehors. Les deux postures étant naturellement porteuses de valeurs et s’appuient sur des standards interprétatifs.

Opter pour la posture du dedans, l’étudier en mettant en avant sa position de croyant, de membre de la religion. D’aucuns diront que c’est la position la plus logique pour saisir le sens e l’activité religieuse dans la mesure où « elle n’est vraiment accessible qu’à celui qui la voit du dedans »390. Si cela est, il serait légitime de se poser la question de savoir, qu’est-ce qui

différencieraient alors les récits d’expériences d’un illuminé d’une religion de celui du scienti- fique qui se dit observer ce qui lui est proche ? Dans ce cas, le chercheur sans s’en rendre compte serait alors tenté de n’insister que sur les faits visibles et englobés de sa compagnie qui n’entachera en rien sa foi…

D’un autre côté, la position du dehors qui témoigne d’une extériorité du chercheur face à l’objet. Elle prendre deux aspects : dans un premier temps, on a celle du chercheur membre d’une autre religion qui en étudie une étrangère. Ce dernier pourrait être tenté par un certain zèle comparatif qui le conduira à ne vouloir montrer ou même insister sur les limites de la religion étudiée en sous-entendant la supériorité, un plus grand dynamisme dans la sienne391

. Mis à part ce risque « religiocentrique »392

, il y a le fait que déjà croyant et imprégné de la foi d’une congrégation quelconque il lui sera, tout comme le premier, difficile de s’en départir

389 Objectiver la religion supposerait lui trouver une rationalité, ce qui est difficile à faire dans la mesure où

comme nous le verrons, il exigera du chercheur une posture bien particulière.

390 Milton Yinger, Religion, Société, Personne, Paris, Les Éditions Universitaires, 1964, p. 11. 391 Nous faisons allusion aux propos de Weber sur l’Islam.

392 Par ce néologisme, nous traduisons la volonté de vouloir dégager les caractéristiques d’une religion en se

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pour aller plus en profondeur dans son analyse du sens voire des motivations des principes généraux de l’activité religieuse.

Enfin, nous avons celle du chercheur qui est en dehors de toute religion. Ce dernier por- tera souvent l’athéisme comme paradigme d’analyse de la religion. Il trouvera son objectivité ou la scientificité de ce qu’il en se distinguant par ce qu’il n’est pas c’est-à-dire croyant ou adepte d’une religion. C’est un peu la même posture que nous tenons face aux confréries reli- gieuses. En effet, dès les premières lignes de ce travail, nous nous somme présenté non pas comme irréligieux mais comme n’appartenant à aucune confrérie même si, nous assumons une réelle sympathie envers ce qu’elles sont et ce qu’elles représentent aux yeux de ceux qui sont la substance de ce travail. Cette posture de chercheur sympathisant traduit une volonté de vouloir comprendre et aller au fond des choses afin de saisir au mieux ce qui est à la base du succès de ces ordres religieux dans le Sénégal contemporain.

Le chercheur qui se singularise par la position du déni, rejette ainsi tout sens, toute ra- tionalité à l’action religieuse contemporaine. Il sera tenté de prendre l’« athéologie » comme paradigme. Dans ce cas, le chercheur se sentira comme engagé dans la sempiternelle opposi- tion entre rationalité du libre penseur et les œillères obscurantistes du religieux, comme aime à le rappeler le philosophe français Michel Onfray. Pour ce dernier, « l’obscurantisme, cet humus des religions, ce combat avec la tradition rationaliste occidentale »393. Il passera à la

lueur de cet ouvrage, comme une critique acerbe de la religion. Sur ce sujet, Milton Yinger se posera une question forte intéressante à nos yeux : « quelles peuvent être les conséquences d’une étude objective de la religion basée sur la foi, sinon sur l’affaiblissement de cette foi ? »394

.

Les présentations faites des deux positions possibles du chercheur avec la religion comme objet semble nous édifier sur la réponse. Dans tous les cas, les conséquences seraient désastreuses pour l’humanité en général, surtout dans le Deuxième cas. En effet, pourrions- nous envisager la vie humaine sans la foi ? La réponse ne saurait être affirmative dans la me- sure où la foi serait ce qui donne sens et force à l’homme, ce qui lui permet de supporter et d’espérer des lendemains meilleurs dans une vie dont il ne maîtrise pas les aléas. De plus, serait envisageable qu’un chercheur puisse envisager et finir une recherche, quel qu’en soit le domaine, sans un minimum de foi ? En réalité, ce que l’on attendra de lui, ce ne sera en aucun cas de juger du vrai ou du faux, de la pertinence ou de l’absurdité qu’inspirent les principes généraux d’une religion mais tout simplement de saisir de l’intérieur, une vision du monde et

393 Michel Onfray, Traité d’athéologie, Paris, Grasset, p. 30.

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d’en rendre compte. Il peut s’agir de son expérience comme de celle des autres dans tous les cas, il lui faudra rester fidèle aux interprétations des « expérienceurs ».

Une vision du monde ne se saisissant que de l’intérieur, le chercheur est obligé de pos- séder une foi395

. Apprendre à se doter d’une foi, à l’image de ses enquêtés, sera ce qui permet- trait donc au chercheur de pouvoir rendre compte avec fidélité, autant de son expérience que de celle des enquêtés. Tel un funambule, il cherchera l’équilibre sur la fine corde de la pro- duction scientifique, portant sur ses épaules, à la fois le poids de ses « obligations objecti- vantes »396, ainsi qu’une certaine connivence avec les croyances religieuses des enquêtés. Au-

trement, tout en restant dans le principe de la distanciation, devra toutefois refuser « l’affaiblissement de sa foi ». La foi apparaîtra ainsi comme un outil important qui lui per- mettra de saisir la symbolique ainsi que le sens des principes généraux de l’objet étudié, afin d’en capter toutes ses fonctions et fonctionnalités assignées.

Sans verser dans une quelconque prétention, nous estimons avec J. Wach que : « seul celui qui connaît la religion parce qu’il la pratique sous une forme ou une autre, est à même de dire quelque chose d’utile à son sujet ». Ceci ne veut certainement pas dire que ceux qui n’ont pas connu d’expérience religieuse dans leur vie intime n’auront rien à dire sur la religion ou ne pourront pas énoncer un discours pertinent sur elle, bien au contraire. En effet, si ces der- niers optent pour une démarche compréhensive ils le peuvent tout comme l’a fait Maurice Duval au Mandarom. Dans ce chef d’œuvre ethnographique, Duval, incroyant déclaré raconte ses quatre années d’immersion auprès d’une secte controversée Mandorom de la religion au- miste. Le plus intéressant dans cet ouvrage est qu’il commence par relater l’histoire de sa re- cherche, les problèmes rencontrés pour se faire accepter par le groupe mais également des problèmes et des pressions qu’il a subies de la part de personnes hostiles à cette religion. La question centrale qui s’en est dégagée était de savoir s’il était possible d’aborder une étude compréhensive, sachant que cela pourrait être considéré comme une attitude partisane. Com- ment dans ce cas, avoir le recul, la distance nécessaire pour mener une enquête de ce type.

S’il s’est attiré les foudres de ses pairs à la sortie de son ouvrage, il n’en demeura pas moins que sa position était de monter qu’il était possible d’être irréligieux et de travailler à comprendre le fait religieux de l’intérieur. Même si le risque serait d’être perçu comme par le lecteur non-avisé comme converti. Ce qui est sûr, pour en finir avec ce débat, restant con-

395 Posséder dans le sens de pouvoir être en mesure de comprendre ce que c’est que d’avoir la foi, ce que c’est

que d’appartenir à une communauté religieuse afin d’en saisir toute la symbolique et les significations qui se dégagent de leurs comportements quotidiens.

396 Nous nommons ainsi toutes les obligations et comportements, autant épistémologiques que purement person-

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forme à ce qu’écrit Milton Yinger, « certaines précisions ne peuvent être apportées sur une religion donnée que par celui qui la pratique, mais les observations d’un autre genre peuvent être faites par des gens qui ne partagent pas la même foi, et d’autres investigations peuvent être entreprises par celui qui… »397

. Cependant, Milton Yinger rajoutera à ce sujet que : « le savant ne préjugera d’aucune de ces observations, car chaque manière d’aborder le problème peut lui fournir des données précieuses pour élaborer sa théorie personnelle de la religion »398

.

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