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S'engager envers l'entreprise

Chapitre 5 : L'engagement dans le milieu coopératif

5.2. Les différentes cibles d'engagement

5.2.4. S'engager envers l'entreprise

Dans les deux coopératives de travail, les répondants étaient très engagés envers l'entreprise. À la Barberie, cet engagement dépassait le cadre du travail : « Le monde, ils le savent que je l'aime mon entreprise Ahah! J'en parle euh, j'en parle beaucoup, je parle des projets, je parle des événements au bar, je les partage sur Facebook, tu sais. » (Myriam, Barberie) Laurence a postulé à cet emploi en raison de l'appartenance qu'elle avait déjà avec ce milieu en tant que cliente : « J'étais comme une cliente régulière, je connaissais tous les employés depuis longtemps, je connais, tu sais, la plupart de mes bons amis aussi c'est des clients réguliers là-bas. Je connaissais l'ambiance aussi, tu sais. Je savais déjà que le monde était vraiment sympathique. » (Laurence, Barberie) Elle accordait une plus grande importance à son travail à la Barberie qu'aux autres emplois qu'elle a occupés dans sa vie, mais elle ne croyait pas que ce soit parce qu'il s'agit d'une coopérative. C'est en raison de sa proximité avec ses collègues et l'horizontalité du commerce. Cette horizontalité fait qu'elle avait plus envie de bien faire son travail : « C'est pas comme si t'avais un boss qui allait venir, justement, te dire : telle affaire, peux-tu ne pas le faire comme ça? Parce que lui il l'a vue ou un employé l’a dit. Mais là, tout le monde le sait, tu sais, parce que l'autre personne ouvre, parce que tout le monde prend les décisions ensemble. […] C'est sûr que j'accorde bien plus d'importance à bien faire les choses parce que ça se dit. » (Laurence, Barberie) Elle mentionnait la plus grande humanité de ce commerce, par rapport à d'autres : « J'ai vraiment l'impression qu'on est vraiment considéré en tant qu'être humain avant d'être employé, tu sais. Plus que dans n'importe quel autre job. Je me sens beaucoup moins comme un numéro de série que dans d'autres travails. » (Laurence, Barberie) Cette démocratisation au travail, qui fait que Laurence se sentait considérée par l'entreprise, fait aussi qu'elle a développé un intérêt pour ce travail, ce qu'elle n'a pas eu dans d'autres emplois :

Je me sentais jamais concernée dans mes autres jobs, tu sais. Si je travaillais dans un café et il manque de telle affaire ou de telle affaire, ça marche pas bien, je m'en foutais un peu parce que je suis pas impliquée, je suis pas considérée, ça fait que je me considérerai pas non plus, tu sais. J'avais comme un peu une espèce de rébellion contre le fait de me soucier de quoi que ce soit de la business, tu sais. Parce qu'il y avait un boss qui souvent vivait une espèce de power trip. Ça fait que c'est comme, si tu as des soucis, gère les tout seul. Mais la coop, vraiment, je me sens super impliquée par les problèmes. Comme on reçoit le picoleur là, qui est comme une infolettre à chaque semaine de voici ce qui se passe, voici ce qu'il faut arranger. Je me connais, j'ai l'impression que dans mes autres jobs, je l'aurais même pas lu là. Mais là, je le lis, s'il y a des affaires à changer, et bien, j'ai envie de le faire. » (Laurence, Barberie)

Simon accordait lui aussi une grande importance à son travail et souhaitait y rester. Il avouait s'impliquer à la Barberie d'une manière qu'il n'aurait jamais fait dans une autre entreprise :

Mon implication est recommandée, reconnue, pas exigée en ce moment, ce qui devrait, mais on travaille là dessus. Ça veut dire que je peux, je me considère presque obligé de participer à des choses auxquelles je ne participerais pas nécessairement dans une entreprise qui n'est pas une coop. Comme par exemple des corvées annuelles, des participations comme le CA. Tu sais, je me sentirais aucunement intéressé par le CA d'une entreprise commerciale. (Simon, Barberie)

Même si, dans sa façon de parler, on pourrait penser que l'entreprise l'oblige à s'impliquer, il précise que ce n'est pas le cas : « Je suis intéressé parce que la coop rend ça intéressant. J'ai envie de le faire par envie d'implication aussi. » (Simon, Barberie) Tout comme Laurence, il a de la difficulté à dire si c'est le fait que le commerce soit une coopérative qui le rend aussi intéressant :

J'aime beaucoup l'endroit. Je pense pas que c'est nécessairement parce que c'est coopératif. Je pense que l'endroit est comme il est un peu parce que c'est coopératif, mais mon, mon changement vient pas juste de ça. J'adore la Barberie, je suis un fier ambassadeur de la Barberie tout le temps. […] Chaque fois que j'ai représenté la Barberie dans des événements, j'ai tout le temps été très content de le faire. Puis ceux qui me voient derrière le bar le soir à la Barberie considèrent que je suis dans mon élément, ce qui n'était pas tout le temps le cas. (Simon, Barberie)

L'implication dans l'entreprise implique du temps bénévole, ce qu'il acceptait de faire sans problème parce qu'il y croyait : « On fait toutes des heures qui sont pas payées. Moi sur le CA, je suis pas payé. […] C'est à peu près 7 heures par mois que je donne à la Barberie en étant sur le CA qui n'est pas rémunéré. » (Simon, Barberie) Il précisait que « Si c'était pas

une coop, je le ferais pas. Quoi que je l'ai déjà fait dans d'autres jobs, mais c'est parce que l'atmosphère était vraiment sympathique, puis que je voulais améliorer les conditions de travail là. Mais, en fait, ça pourrait peut-être répondre à la question, j'ai jamais fait ça avec plaisir autant, avant d'être à la Barberie. » (Simon, Barberie)

Les trois répondants de Pantoute étaient très attachés à la librairie. Leur attachement venait, en partie, de la notoriété de l’entreprise : « La librairie Pantoute, bien c'est comme une institution au Québec. […] Il y a des Français, des Belges qui nous connaissent. Alors travailler, tout libraire, en fait, rêve de travailler chez Pantoute souvent parce que, justement, à cause de l'aura qu'il y a, que la librairie a acquis au fil des ans. » (Marc, Pantoute) Denis voyait aussi Pantoute comme une librairie à part : « Quand je suis entré chez Pantoute, c'était la seule librairie que je me voyais travailler. » (Denis, Pantoute) Ils y étaient engagés avant le changement organisationnel, mais la nature coopérative semble les accrocher encore plus à l'entreprise : « On a peut-être plus envie, ou, disons de, de participer au-delà des heures de travail, je parle, ou de travailler sur des projets, ou faire des heures sup, ou de donner de son temps parce que ça nous appartient, tu sais. » (Guillaume, Pantoute) Marc mentionnait pour sa part ceci : « C'est sûr que j'accorde plus d'importance qu'avant. Je pense que tout le monde fait un peu mieux son travail qu'avant aussi. À envie de mieux le faire. » (Marc, Pantoute) Denis voyait le changement comme une continuité de ce qu'était Pantoute : « Moi, je suis déjà, je travaille déjà pour Pantoute, qui pour moi est toute dans ma vie là. C'est ça. Et je suis dévoué à la librairie, à mes collègues. Dans ma tête, il y a bien des années, on est déjà une communauté. Une communauté, un club, une gang. C'est la même chose que la coop. » (Denis, Pantoute) Il a pris la décision de s'impliquer sur le CA de la coopérative pour mieux comprendre cette structure et pouvoir l'expliquer aux autres : « J'ai voulu déjà faire partie du CA parce que je voulais comprendre. […] Je veux être sûr que tout le monde comprenne aussi. […] Je veux comprendre, pour que les autres comprennent et pour savoir où on s'en va. » (Denis, Pantoute)

Chez les coopératives de consommation, on peut remarquer de l'engagement envers l'entreprise, mais elle semble plus faible. Cependant, comparés à d'autres emplois que les répondants ont occupés par le passé, ils se sentaient beaucoup plus attachés à l'entreprise coopérative : « Si on me demande de parler de ma job, ça va être plus positif que si on me le demandait quand je travaillais dans d'autres emplois où j'ai travaillé. » (Étienne, MEC) Il faut cependant préciser que, dans le cas de MEC par exemple, les employés n’étaient que

de passage. Bien qu'ils aiment l'entreprise, leur engagement envers celle-ci reste cependant limité. Étienne par exemple disait ici : « Je trouve que c'est une belle entreprise. Peut-être que j'aimerais ça m'impliquer un moment donné, tout dépendant d'où me mène ma vie. » (Étienne, MEC) Les répondants étaient engagés envers l'entreprise, en tant que client, avant d'y travailler : « Les employés avaient toujours l'air vraiment souriants, vraiment accueillants, puis à chaque fois que j'allais chez MEC j'étais contente d'y aller. » (Annie, MEC) Les rabais offerts par MEC aux employés font que ceux-ci restent fidèles à l'entreprise : « Je consomme plus chez MEC qu'avant. Mais euh je consomme plus chez MEC parce que j'ai un rabais puis que je suis là 25 heures par semaine. Ça fait que je finis toujours par me trouver quelque chose. » (Annie, MEC)

Dans le cas de la coop Zone, tout comme au MEC, l'ambiance de travail amène un intérêt pour l'entreprise : « En fait, j'aime la clientèle qui était là. En fait, nous c'était une clientèle et étudiante et surtout artistique. Plus tout ce qui était du centre-ville, donc c'était très dynamique. » (Maxime, Zone) Maxime aimait le magasin, auquel il était très attaché : « Ce que moi je trouve vraiment bien avec coopérative Zone, surtout sur Charest en bas, en fait, c'est un magasin d'artiste. Qui est vraiment euh, qui est de très bonne qualité quand même là. […] C'est quand même un service de proximité, parce qu'on a pas besoin d'aller admettons à Fleur de Lys. […] C'est un excellent magasin d'art, donc les gens de Québec passent par là, tu sais. » (Maxime, Zone) Il disait avoir rencontré beaucoup d'artistes qu'il suit maintenant grâce à la coopérative : « J'ai rencontré d'autres, d'autres artistes que je vois encore en fait qui sont devenus dans mon cercle de connaissance artistique si on peut dire. Que j'ai rencontré à la coopérative. » (Maxime, Zone) Pour Frédéric, son engagement envers l'entreprise découlait de la réputation qu'il y a obtenue au fil des années et du fait qu'il s'agit d'une petite entreprise : « La coop Zone, c'est une petite entreprise. Tout le monde se connaît là dedans. […] J'ai l'impression que, j'ai déjà regardé pour d'autres emplois. Est-ce que mon horaire correspondrait mieux, est-ce que je serais mieux payé ailleurs, puis c'est toujours des très grosses entreprises comparées à la coop. C'est sûr qu'à la longue, peut-être, mais en rentrant là, moins. Je sentirais pas un sentiment d'appartenance tant que ça à autre chose. » (Frédéric, Zone) C'est aussi les services qu'il était en mesure de procurer qui font qu'il souhaitait rester chez Zone :

Je fais une comparaison vite avec le magasin Best Buy. J'ai des amis qui travaillent là bas et j'ai déjà considéré ça comme emploi. Puis ils ont

absolument le droit de faire aucun service au client. Admettons que je vends un ordinateur, j'aime pas vendre quelque chose que je le sais que le client va revenir avec avec des problèmes. J'aime vraiment pas ça. Et quand il revient avec des problèmes, j'aime ça l'aider parce que c'est comme ma responsabilité en tant que telle, vu que c'est moi qui a recommandé ce produit-là. Admettons mon ami au Best Buy, s'il vend un ordinateur, quand le client revient avec des problèmes, il doit lui vendre une garantie ou le diriger vers le soutien technique directement. Il y a une structure très établie, et quand tu déroges de cette structure-là, il y a des conséquences qui se rattachent tout de suite. Ça fait que c'est comme, vu que c'est plus petit, puis vu qu'on est assez autonome, je peux faire un peu ce que je veux avec les clients. (Frédéric, Zone)