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Les coopératives de consommation

Chapitre 2 : L'engagement au travail

2.1. Les différents modèles coopératifs

2.1.1. Les coopératives de consommation

Les coopératives de consommation sont des coopératives qui ont comme mission de fournir des produits et des services accessibles, de qualité et au meilleur prix possible. Le client peut devenir membre, et ainsi avoir une part sociale de la coopérative lui permettant d'avoir un contrôle sur les produits et les services développés. Ces coopératives ont un très grand nombre de membres, puisque n'importe qui, à tout moment, peut devenir membre et ainsi avoir droit de vote lors de l'AG. L'individu devenant membre a droit à une part des surplus annuels de la coopérative, qui lui est versée sous forme de ristourne selon le montant qu'il a dépensé dans la coopérative au cours de l'année financière. Pour bien comprendre le rôle du membre dans ce modèle, on peut se fier au manifeste du CSC de 1940 : « Dans une coopérative le peuple ne gère pas lui-même directement. Il choisit des experts pour accomplir cette gestion, mais en se réservant le droit de les diriger et de les contrôler comme aussi de diriger et de contrôler la marche générale de l'entreprise (par l'assemblée générale et le bureau des directeurs). » (Simard et Allard, 2013 : 257)

Ces premières coopératives étaient des coopératives agricoles, qui avaient pour but d'aider les fermiers à contrôler leur marchandise (Quarter, 1992) : « La formule coopérative s'ajustait extrêmement bien à l'idéologie dominante de l'époque : nationalisme traditionnel, méfiance à l'égard du capitalisme, anticommunisme intégral et corporatisme modéré; elle se

prêtait également fort bien à la sauvegarde du pouvoir des élites traditionnelles. » (Labrecque, 1986 : 197) Contrairement aux coopératives ouvrières, elles n'avaient pas de contrôle démocratique des membres. Elles demeuraient sous le contrôle de l'élite local qui contrôlait le CA. Elles s’appuyaient sur la doctrine de l'Église. On ne voulait cependant pas d'un projet global :

Même chez les leaders de la coopération, on n'espérait ni ne souhaitait mettre en place des organisations qui engloberaient toute l'économie, qu'il s'agisse de coopératives de consommation ou d'autres; c'est plutôt la formation d'un secteur coopératif qui était proposée, comme instrument de promotion économique des Canadiens français, de défense contre les abus d'un capitalisme qu'on ne voulait cependant pas éliminer ou comme rempart contre le communisme. (Labrecque, 1986 : 199)

Selon Labrecque, ce modèle aurait dû mourir dans les années 1960, lorsqu'on donna à l'État la fonction de s'occuper du développement économique. Mais, la logique anti-capitaliste apparaît, avec les magasins Cooprix. À la fin des années 1960, la fédération des magasins coop veut ouvrir dans les milieux urbains pour concurrencer l'entreprise privée : « Le caractère distinctif des établissements issus de la Fédération se situe dans la lignée du consumérisme : protection accordée au consommateur, membre ou non, par l'information sur les produits, suppression de certains procédés manipulateurs de marketing. » (Labrecque, 1986 : 200) On vise à avoir un client informé et rationnel dans une grande surface. Il s'agit d'une vision critique modérée, qui coïncide avec la montée du nationalisme québécois. Une autre voie aux magasins Cooprix apparaît au même moment, qui rompt avec le modèle traditionnel. Ce sont des commerces plus petits et les membres, au nombre restreint, font le travail qui est ailleurs fait par le personnel. Dans ce modèle, « les produits sont vendus au prix coûtant, une cotisation uniforme défrayant les coûts d'opération, et aucune ristourne n'est distribuée. » (Labrecque, 1986 : 200) Ce modèle refuse la consommation et le capitalisme et exclut la possibilité pour la coopérative d'accumuler du capital. Il s'agit des clubs coopératifs de consommation.

Dans les mêmes années, Métro et Provigo arrivent sur le marché et viennent montrer que les coopératives ne sont pas les seules à avoir un caractère québécois et francophone. Le nationalisme économique peut aussi se faire ailleurs que dans les coopératives. Les coopératives restent l'expression d'une solidarité, mais « [i]l y a tout lieu de croire […] que les valeurs de l'action collective, indispensables à la formation et au maintien des

coopératives, perdent actuellement du terrain au profit de l'action individuelle et de la recherche de la réussite personnelle. » (Labrecque, 1986 : 204) La confiance dans leur réussite s'est cependant émoussée avec l'incapacité d'intégrer les jeunes dans les organisations.

En 1982, la fédération des magasins coop fait faillite. Cela entraîne des fermetures et la vente de coopératives locales. Cet échec est marqué par « l'incapacité de résister à une concurrence trop inégale des grandes entreprises privées, que celles-ci fonctionnent sur le mode de succursales, de franchises ou à partir de regroupements d'épiciers indépendants. » (Labrecque, 1986 : 195) À ce moment, il y a l'entrée de Super Carnaval dans le marché québécois de l'alimentation, ce qui amène un changement de culture économique. Face à ce changement, les coopératives de consommation ont été incapables de maintenir ou de reconstruire leur propre culture économique.

Le caractère non capitaliste a amené trop de tension, et le marxisme-léninisme a tué certains projets. Depuis, on reste méfiant envers le capitalisme, mais sans vouloir le supprimer. On veut que les coopératives prennent plus de place, mais sans avoir un monopole coopératif ou étatique. Les coopératives sont vues par les membres comme devant d'abord aider les gens qui ont des difficultés financières. « [D]ans les grandes coopératives, les rapports employeurs/employés tendent à calquer ceux qui existent dans l'entreprise privée; pour les dirigeants, les coopératives sont au service des membres, et les employés de leur côté ne semblent pas attribuer de mérite particulier au caractère coopératif des organisations pour lesquelles ils travaillent. » (Labrecque, 1986 : 210) Dans la recherche de Labrecque, tous les employés interrogés ont dit qu'ils voient leur coopérative comme une entreprise comme les autres, même s'ils en sont tous membres.