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S'engager envers le modèle coopératif

Chapitre 5 : L'engagement dans le milieu coopératif

5.2. Les différentes cibles d'engagement

5.2.6. S'engager envers le modèle coopératif

Le modèle coopératif prennait une certaine importance pour tous les répondants. Leur engagement envers celui-ci dépend cependant de chaque personne. Pour la plupart, bien qu'ils accordaient une importance à ce modèle et l'encourageraient dans leur achat, ils ne le faisaient pas en raison du manque de proximité des coopératives dans leur milieu de vie ou leur quartier.

Myriam, par exemple, n'accordait pas une plus grande importance au modèle coopératif, mais aux valeurs d'une entreprise. Cependant, elle précisait que le fait d'être une coopérative vient changer tout le reste, notamment les valeurs de l'entreprise :

Il y a sûrement des gens avec qui c'est super le fun travailler qui ont les mêmes valeurs sans être une coop là, mais il y en a peut-être moins Ahahah! Peut-être que ça change pas tant, tant que ça, mais ça change tellement tout dans l'entreprise qu'on le sent souvent. Ça change qu'est-ce qu'on va commanditer, ça change, ça change un million d'affaires. Ça fait que dans le fond, on le vit tout le temps même si on y pense pas tout le temps. Même si on l'a pas tout le temps dans tête qu'on est une coop. (Myriam, Barberie)

Simon partageait à peu près la même idée sur le modèle coopératif : « Il y a quelque chose qui est assez unique à travailler dans un endroit qui est une coop, pas juste parce que c'est une coop, mais indirectement c'est parce que c'est une coop. Tout le monde s'implique, les clients qui savent que c'est une coop sont… sont un peu enchantés, il y a une espèce de fidélité qui est venue, on le voit. » Simon, Barberie) Myriam encourageait le milieu coopératif en participant à des événements par le biais de la Barberie et en parlant de la coopérative à d'autres, notamment du fonctionnement de la Barberie. Elle mentionnait cependant que la Barberie en fait plus pour le milieu coopératif qu'elle même : « Tu sais, on est un point de dépôt de la coopérative la Mauve pour les paniers bio. On en achète un

panier bio, on le fait tirer parmi nos clients. Moi, je n'ai pas de panier bio de La Mauve. » (Myriam, Barberie) Pour Laurence, le fait que les décisions soient prises par les personnes sur le plancher était ce qui importe le plus dans la structure coopérative : « Tu sais, souvent les décisions vont vraiment euh… révéler ce qui est important pour nous en tant que serveur ou en tant qu'employé, tu sais, justement. Si tu as quelqu'un qui prend une décision, qui fait des choix, tu sais, pour l'entreprise, mais qui n'est pas sur le plancher ou qui ne voit pas vraiment comment ça marche, bien des fois ça a juste pas rapport, tu sais. » (Laurence, Barberie) Elle accordait une importance au fait que ce soit une coopérative en raison de la cohésion que le modèle crée : « Je pense que ça me fait plaisir de travailler dans un environnement qui est une coop. Justement, je sens qu'il y a beaucoup plus de cohésion entre les employés et entre les membres, tu sais. Et les non-membres là. Euh… j'ai l'impression qu'il y a plus un environnement de famille aussi là. » (Laurence, Barberie) Sa connaissance du commerce était sa raison principale d'y travailler, mais le fait que ce soit une coopérative avait aussi une importance : « Ça me disait de vivre l'expérience d'une coopérative et d'en savoir un peu plus. Tu sais, de voir à quoi ça a l'air de l'intérieur là. » (Laurence, Barberie) Maintenant qu'elle a travaillé dans ce type d'entreprise, elle se demande si elle va réussir à trouver un autre emploi avec d'aussi belles conditions : « C'est sûr qu'une fois que tu as vécu, peut-être, le modèle de la coopérative, bien les autres modèles de travail qui sont pas des coops, c'est peut-être toujours un peu décevant après avoir vécu cette expérience-là. » (Laurence, Barberie) Elle a avoué ne pas connaître les coopératives à Québec. Pour cette raison, elle ne savait pas si elle encourageait réellement le modèle en dehors de cet emploi. Dans le cas de Simon, au-delà des liens de sa coopérative d'habitation et de la Barberie avec d'autres coopératives, il disait ne pas être en lien avec d'autres coopératives au moment de l’entrevue.

Au MEC, Étienne trouvait que le modèle était bien en soi : « Je me dis que s'il y a une personne à la tête, puis c'est fait pour l'enrichir lui, bien tu fais plaisir à une personne. Tandis que si tu as un groupe de personnes, bien tu fais plaisir à plusieurs personnes. » (Étienne, MEC) Cependant, les valeurs que MEC met de l'avant sont plus importantes pour lui que le fait que ce soit une coopérative : « Je sais que c'est une coopérative MEC, mais ça, c'est… ça change rien. Si je travaille pour une compagnie puis que les valeurs de la compagnie… Est-ce que c'est influencé par le fait que c'est une coopérative? Peut-être, mais c'est pas parce que c'est une coopérative que ça a changé rien pour moi. » (Étienne,

MEC) Annie avait elle aussi le même avis : « Le fait que ce soit une coop, c'est pas nécessairement cet aspect-là qui m'a attirée, mais tu sais c'était le plus là. Tu sais, je me disais entre travailler chez MEC ou travailler genre [nom d'une grande chaîne de magasins], le MEC est clairement plus cool, puis tu as l'impression qu'ils s'occupent plus de ses employés aussi. » (Annie, MEC) Charles, pour sa part, accordait une grande importance au modèle coopératif : « Essentiellement, ma vie tourne pas mal autour du milieu coopératif et communautaire. » (Charles, MEC) Il était en lien avec plusieurs coopératives, dont il utilisait les services : « Le mot coopérative m'accroche et m'habite quand même donc, normalement, je vais préférer aller là plutôt qu'à un autre. » (Charles, MEC)

Chez Zone, Maxime avait une bonne connaissance du modèle coopératif et souhaitait l'encourager :

Le modèle, moi, à la base, me plaît. Que, que tout le monde soit propriétaire un peu et soit responsable un peu de ça. Je trouve que, tu sais, puis exemple, les profits soient redistribués dans, dans la communauté ou du moins pour faire pour que le magasin aille mieux finalement, tu sais. Je suis membre de Mountain Equipment Coop, tu sais. Puis, même si je sais qu'ils ont pas tout le temps les meilleurs deal, tu sais, ça me, je me sens impliqué d'aller acheter, en fait. De faire grandir cette communauté-là, tu sais. […] Puis exemple, quand j'apprends qu'ils veulent déménager un magasin ailleurs, puis tu sais, ça vient me toucher, puis, tu sais, j'ai envie d'écrire, de dire je suis pas d'accord, tu sais, je suis un membre puis je suis pas d'accord. Mais travailler dans une coopérative, ça vient juste à avoir un, on peut dire mettre un peu plus le pied dedans, tu sais. J'aime mieux travailler justement à faire grandir un projet commun que de faire grandir les, l'argent de quelqu'un en particulier, tu sais. […] J'ai peut-être plus l'impression de travailler justement un peu dans quelque chose qui, qui m'appartient d'un côté, tu sais. Que d'être un employé à quelqu'un, tu sais. (Maxime, Zone)

C'est par le fait que le commerce est une coopérative qu'il trouvait sa motivation au travail : « Même si j'étais pas impliqué, ou si j'avais pas de rabais employé spécial, mais j'avais quand même l'impression de travailler pour les étudiants, que de travailler euh, que de travailler pour un patron. […] Moi, je savais que je travaillais dans une coopérative, et c'est ce qui me motivait. » (Maxime, Zone) Il disait avoir moins aimé travailler dans certains projets, même si les tâches l'intéressaient davantage parce qu'il travaillait justement pour quelqu'un : « Tu sais, j'aimais travailler là, mais tu sais, je me disais pas, hey, je vais faire grandir l'entreprise. […] Tu sais, je vais le faire, je vais aimer le faire, si j'aime faire ça, mais genre, je peux pas me dire, je me suis jamais senti appelé à faire grandir une

compagnie qui n'était pas mienne, tu sais. » (Maxime, Zone) Frédéric, pour sa part, disait encourager du mieux qu'il le peut le modèle coopératif, mais que sa situation financière ne lui permettait pas nécessairement :

C'est sûr que coopérative ou non, on a pas nécessairement toujours autant d'argent qu'on aimerait avoir. Ça fait que quand on magasine quelque chose, on magasine pour des prix qui sont avantageux. Je vais toujours avoir le réflexe par contre d'aller voir c'est quoi les prix qui sont disponibles pour nous, mais si un item est la moitié du prix ailleurs, c'est sûr que je vais être tenté d'aller le prendre ailleurs. […] Je dirais qu'on regarde toujours les prix ailleurs, mais on essaie autant que possible de rester dans les coopératives, mais c'est sûr qu'en étant consommateur, on essaie d'avoir ce qui est à notre avantage aussi. (Frédéric, Zone)

Benoît, pour sa part, avait une grande affection pour le modèle coopératif, mais il posait certaines limites à sa vision du modèle : « Je ne vois pas le modèle coopératif comme un dogme. Beaucoup de monde, le modèle, c'est crois ou meurs. Nonon, une entreprise privée, c'est viable, c'est correct. Et un OSBL, c'est correct aussi. C'est un instrument que les gens se sont donné, ils ont choisi un modèle plus qu'un autre. » (Benoît, Zone) Même s'il avait plusieurs critiques envers le modèle, il disait y croire profondément : « J'y crois. Je la critique beaucoup. […] Il y a un politicien qui avait dit ça. Je pense c'était un premier ministre ou whatever. C'est un très mauvais système, mais c'est le meilleur que je connaisse. Je trouve que c'est un beau modèle qu'on devrait utiliser ailleurs. » (Benoît, Zone) Il disait tenter d'encourager le plus possible le modèle coopératif dans ses achats, mais il y posait une limite :

Ça prend deux choses pour que je prenne le modèle coopératif. Je le prendrais pas s'ils sont pas équivalents ou meilleurs. […] Mais c'est sûr que j'ai un petit penchant. […] Moi j'ai des convictions, puis je vis à la campagne, puis quand j'achète à ma petite quincaillerie du coin, et le dépanneur qui faisait office d'épicerie avant, je le sais que ça me coûte plus cher qu'ailleurs, mais j'y vais parce que si je fais pas ça et qu'ils s'en vont, bien, je vais probablement… Tu sais, c'est un peu une culture coopérative ça aussi. Donner un service, le monsieur te connaît, tu as besoin d'aide, il va t'aider. La quincaillerie, je sais pas, sur Père Bertrand, il va pas t'aider lui. Ça ça, c'est pas nécessairement des coopératives, mais c'est un peu le milieu, se prendre en charge. (Benoît, Zone)

Il mentionnait aussi l'importance que les employés du modèle coopératif endossent les valeurs de la coopérative, puisqu'ils ont un rôle d'ambassadeurs du modèle : « Je pense, travailler dans une coop, principalement c'est, un, faut que ça touche tes valeurs, faut tu en sois passionné, puis faut que tu t'amuses. Si tu as pas ça, tu sais, va travailler […] où

quelqu'un va te donner 2$ de l'heure de plus ou je sais pas trop quoi. […] Ça devient comme un peu aussi des ambassadeurs. Tu sais, si tu dis la coop c'est nul, c'est plate puis c'est des écolos machins, ça te fait pas des bons ambassadeurs. » (Benoît, Zone)

À la librairie Pantoute, les répondants étaient toujours en train d'apprivoiser le modèle, mais certains, dont Guillaume, y voyaient une bonne voie pour l'avenir : « J'ai vraiment l'impression de voir là un modèle qui pourrait être très porteur pour l'avenir. Et qui, de par sa structure, de par sa, la philosophie que ça sous-entend, quelque chose qui, je pense, pourrait amener beaucoup de solutions à un monde capitaliste qui est à mon avis gangrené par justement une espèce de poursuite néolibérale à outrance et tout ce que ça sous- entend. » (Guillaume, Pantoute) Même si Pantoute est à la bourse et qu'ils y sont actionnaires, il voyait une différence entre ce modèle et le modèle traditionnel :

Oui dans la coopérative on est actionnaire, mais il y a ce, comme je disais, ce côté plus humain, plus ouvert. C'est pas seulement quelque chose qui nous génère des profits. C'est notre entreprise, c'est quelque chose dans lequel on s'implique, quelque chose dans lequel on a à cœur. Donc, je me dis, si on pouvait avoir des modèles de ce genre-là plus largement, quand on pense à tout le stress, à tous les montants de dépression, de burnout, parce que justement les gens se sentent pris dans un cadre, parce qu'ils sentent qu'ils sont pas soutenus. (Guillaume, Pantoute)

Les trois répondants étaient déjà très engagés dans leur entreprise, et ce changement organisationnel est venu accentuer cet engagement : « D'avoir la possibilité d'être dans une coopérative, bien ça donne pratiquement un second souffle. Il y a vraiment quelque chose qui devient très proche, très personnel, très vibrant au-delà de ça, et en résulte, je dirais, oui, une espèce d'optimisme. » (Guillaume, Pantoute) Marc considérait que le modèle coopératif lui a permis d'avoir de nouvelles responsabilités dans l'entreprise : « On m'a accordé plus de responsabilités. Je, comme je me sens plus impliqué, justement [nom de sa nouvelle responsabilité] c'est assez récent. […] Bon, c'est une responsabilité que j'ai l'impression que j'aurais jamais eue auparavant. Puis là on est une coopérative puis chaque, il y a un lien de confiance qui s'est établi, ce qui a permis ça. » (Marc, Pantoute) Le changement de modèle a aussi pris une importance pour Denis : « En fait, la coop, c'est ce qui a entretenu mon, mon appartenance à Pantoute. » (Denis, Pantoute) Guillaume tentait de consommer le plus possible dans des coopératives, ce qu'il faisait par exemple en faisant son épicerie au IGA coop. Au-delà de cette coopérative par contre, il ne consommait pas vraiment dans d'autres coopératives : « C'est plus une question de proximité parce que j'en ai pas vraiment autour

de moi. Par contre, avoir la possibilité, c'est sûr que c'est un modèle que j'avoue vouloir encourager de plus en plus parce que je l'aime bien. » (Guillaume, Pantoute) Marc avait aussi la même approche : « Je vais toujours privilégier quand il s'agit d'acheter par exemple des trucs, n'importe quoi, bien si je vois une coopérative, je vais être content d'y aller, puis je vais les privilégier. » (Marc, Pantoute) Denis, pour sa part, n'accordait pas plus d'importance au modèle coopératif depuis : « Le fait que je suis dans une coop, est-ce que je vais dire ah! Je vais acheter mon café dans une coop? Pour le moment non. Parce que, je suis paresseux et que, là où je vais acheter, là où je consomme, c'est sur mon chemin. » (Denis, Pantoute)