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Les coopératives de travail

Chapitre 2 : L'engagement au travail

2.1. Les différents modèles coopératifs

2.1.2. Les coopératives de travail

Les coopératives de travail fonctionnent différemment des coopératives de consommation. Elles sont gérées démocratiquement par les membres travailleurs, qui en sont les propriétaires collectivement. Pour être membre, on doit être un travailleur embauché par la coopérative. Le membership de ce modèle est donc limité à ses travailleurs, et dans certains cas, à d'anciens travailleurs. Le but principal de cette coopérative est de fournir des emplois aux membres en générant une activité économique. Cela permet aux salariés d'avoir un

contrôle sur leurs conditions de travail et tout ce qui touche leur milieu de travail. Ce modèle fonctionne davantage dans une perspective d'autogestion d'une entreprise par ses travailleurs. Ce sont des coopératives plus idéalistes, où les travailleurs visent un contrôle de leur travail, plutôt qu'une soumission au management (Quarter, 1992). Pour devenir membre, on doit avoir traversé la période de probation en tant que membre auxiliaire (Réseau COOP, 2013).

Ce modèle manquerait cependant de vision à long terme, puisque les membres travailleurs n'auraient pas nécessairement intérêt à trouver de nouveaux membres, puisque cela diviserait les profits par plus de membres (Levac, 2011). Selon Levac, les travailleurs seraient moins enclins à investir dans leur coopérative dans une vision à long terme puisqu'ils n'en profiteraient pas directement, car ces profits iraient aux futurs travailleurs. Les travailleurs auraient plus d’intérêt à se partager les bénéfices entre eux, sous forme de hausse de salaire ou de prime, qu’à les mettre en réserve (Richez-Battesti et Defourny dans Defourny et Nyssens, 2017). Les travailleurs plus âgés ont d’ailleurs moins d’intérêt à investir dans la coopérative, puisqu’ils n’en obtiendront aucun bénéfice à leur retraite : « En particulier, plus le travailleur est âgé ou proche d’un départ éventuel, plus son horizon temporel pour jouir de bénéfices futurs liés à un investissement sera réduit en comparaison d’une possibilité immédiate de rémunération accrue de son travail. » (Richez-Battesti et Defourny dans Defourny et Nyssens, 2017 : 93) De plus, les travailleurs courent un risque que des actionnaires externes n’auraient pas : « les travailleurs n’ont pas la possibilité de répartir leur force de travail entre différents emplois et donc de diversifier leurs risques comme peuvent le faire des capitalistes qui répartissent aisément leurs investissements en capital entre diverses sociétés. » (Richez-Battesti et Defourny dans Defourny et Nyssens, 2017 : 93)

Ce modèle apporte cependant des bénéfices aux travailleurs, en leur permettant de s’identifier davantage à leur entreprise et à sa réussite. Ils perçoivent d’ailleurs une plus grande possibilité de tirer un avantage financier par leur participation. Cela permet aussi aux travailleurs de développer et de conserver des capacités entrepreneuriales. Malgré des débuts plus laborieux, les entreprises gérées par les travailleurs de 10 à 100 employés obtiendraient de meilleurs scores que les entreprises capitalistes de même taille (Richez- Battesti et Defourny dans Defourny et Nyssens, 2017). Cependant, au-delà de 100

travailleurs, elles ne se distingueraient plus, au niveau de leur performance, des entreprises capitalistes.

La plus vieille coopérative de ce titre qui existe au Québec est l'imprimerie Harpell à Montréal. Au moment de prendre sa retraite, Harpell a transformé son entreprise en coopérative dans le but de laisser le contrôle à ses employés. Quelques cas ont tenté l'expérience, mais le phénomène reste assez rare : « Others have walked down that path, but evidence suggests that idealism will not inspire many owners to convert their enterprise to cooperative ownership. Conversions result from favourable government policies that provide incentives to both owners and interested workers. » (Quarter et Hannah dans Quarter et Melnyk 1989 : 75) Souvent, les gouvernements vont se commettre à l'achat par les employés lorsque la fermeture risque d'être un danger pour la communauté, sinon on ne tentera rien.

Les coopératives forestières fonctionnent aussi selon ce modèle. Dans le cas des reprises d'entreprises, ce type de coopératives a plus de mal à perdurer, puisqu'elles se forment surtout dans des secteurs à bas capital, pour éviter une fermeture. Les ouvriers n'ont pas nécessairement les moyens de capitaliser l'entreprise adéquatement. La coopérative doit alors chercher du financement à l'externe, à haut taux d'intérêt. Elle est parfois obligée de donner un droit de vote aux investisseurs pour les intéresser dans le projet. Les travailleurs perdent alors leur contrôle sur l'entreprise (Quarter, 1992).

Il s'agit d'un modèle qui, bien que pouvant sembler idéal pour un travailleur, demande beaucoup d'implication puisque « les employés doivent conjuguer une vision de salarié, orientée vers le maintien de la qualité des emplois, une vision de gestionnaire, orientée vers la rentabilité de l'entreprise, et celle d'entrepreneur, orientée vers la recherche de perspectives de développement » (Bisson, 2013 : 1). Dans ce modèle, la direction générale embauche les employés de la coopérative. Les employés, eux, élisent les administrateurs en AG et les administrateurs engagent (et congédient) la direction générale. L'autogestion de ce modèle dépend de la capacité des employés de gérer leur coopérative par eux-mêmes, et de s'assurer d'un fonctionnement down-top. Dans le cas d'un directeur général prenant énormément de place, la structure démocratique peut être remise en cause.

L'idéal de ces coopératives pose parfois problème. Comme certaines entreprises ont l'idée de donner un salaire égal à tout employé, certains emplois peuvent se retrouver payés beaucoup plus cher dans le secteur privé. Pour cette raison, très peu de gens avec des habiletés managériales veulent y travailler (Quarter dans Quarter et Melnyk, 1989). En raison des manques de fonds et des difficultés de développement, les travailleurs doivent souvent donner énormément de temps.