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Les études sur l'engagement dans le travail

Chapitre 2 : L'engagement au travail

2.4. Les études sur l'engagement au travail

2.4.2. Les études sur l'engagement dans le travail

Avant 1960, on étudiait peu l'engagement dans le milieu du travail, sauf en psychologie et en sociologie (Klein et al. dans Klein, Becker et Meyer, 2013). Mais, dans ces deux disciplines, il n'y avait pas de définition de l'engagement, puisque, selon Howard Becker, elles n'en avaient pas besoin. L'intérêt de la sociologie et de la psychologie envers cet objet d'étude était de voir comment les individus adhèrent à des actions collectives par leur engagement dans des institutions sociales.

C'est dans les années 1960, jusqu'au début des années 1970, que l'engagement dans le milieu du travail commence à avoir plus d'attention. Dans ces années, Becker publie une étude sur la loyauté des employés. D'autres études se font sur les attitudes et le changement d'attitude, et l'on voit des questionnements sur la manière que la perception de la récompense et sa difficulté d'obtention influencent l'attachement à l'organisation (Klein et al. dans Klein, Becker et Meyer, 2013). On commence à distinguer des types d'engagements, et plusieurs auteurs font des typologies de types d'engagements.

Du début des années 1970 à la moitié des années 1980, on voit une continuité et une nouvelle perspective basée sur une vue attitudinale de l'engagement : « The attitudinal perspective focuses on how individuals identify or relate to the commitment target. » (Klein et al. dans Klein, Becker et Meyer, 2013 : 6) On voit alors beaucoup d'études sur l'engagement et l'intention de quitter des travailleurs.

De la moitié des années 1980 aux années 2000, les études portent leur attention sur la compréhension de l'engagement selon plusieurs cibles. Au lieu d'étudier l'engagement envers l'organisation, on étudie l'engagement envers une cible. La psychologie prend une place plus grande dans cet objet d'étude; on laisse une plus grande place au rôle du cognitif dans l'explication de la formation et de l'influence de l'engagement. En 1991, Meyer et Allen présentent leurs trois types d'engagements (affectif, normatif, en continu). Les recherches récentes visent une clarification et une intégration de ces types. On tente de

distinguer et d'articuler les liens entre l'engagement et les construits qui y sont liés, comme l'identification et la motivation.

Ce qu'on remarque, c'est que plusieurs auteurs voient l'engagement de différentes façons. Certains, souvent en psychologie, le voient comme une attitude. Pourtant, « Being committed to a target is distinct from the summary judgment of how favourable (or unfavourable) one views that target. » (Klein et al. dans Klein, Becker et Meyer, 2013 : 9) Un individu n'a pas besoin d'avoir une vision favorable d'une chose pour y être engagé. D'autres voient l'engagement comme une force. Les antécédents de l'engagement créent de la pression, qui lient l'individu à la cible. D'autres vont le voir comme un lien. L'engagement serait un état psychologique reflétant la force de notre lien à la cible d'engagement. Mais, les liens ne sont pas tous de l'engagement. Par exemple, l'attachement à la cible est distinct de l'engagement. D'autres, dont Howard Becker, voient l'engagement comme un investissement ou un échange. Il serait de nature économique, comportementale, sociale ou une combinaison de tout cela. Cependant, pour Klein et al., l'investissement ou l'échange sont des antécédents de l'engagement, dans le sens qu'ils amènent de l'engagement, mais ce n'est pas de l'engagement en soi. D'autres chercheurs le voient comme une identification, c'est-à-dire l'identification d'un individu à une organisation. D'autres le voient comme une congruence entre les buts ou les valeurs de l'individu et de la cible de l'engagement. Ceci ressemble plus à un antécédent de l'engagement, comme pour l'identification. Il est possible d'être engagé sans qu'il y ait de concordance entre les valeurs et les buts. Cela facilite l'engagement, mais ce n'est pas une condition nécessaire. D'autres voient l'engagement comme une motivation : « Motivation is typically defined as a set of internal and external forces that initiate behaviour and determine its form, direction, intensity, and duration. » (Klein et al. dans Klein, Becker et Meyer, 2013 : 15) Comme l'engagement est parfois vu comme une force, sa démarcation d'avec la motivation n'est souvent pas claire. La motivation est un résultat de l'engagement, mais pas l'engagement en soi. Quelqu'un peut être très engagé, mais peu motivé. D'autres voient l'engagement en continu, c'est-à-dire le désir ou l'intention de continuer, ou un non-désir de sortir de la cible. Par exemple, une étude de ce type définirait l'engagement comme le désir de vouloir demeurer membre de l'organisation. Pourtant, le désir de rester est un résultat de l'engagement, et non pas un élément de celui-ci.

Les différents chercheurs ont une vision différente de ce qu'est l'engagement. Comme les entreprises ne recherchent plus d'employés qui passeraient leur vie dans la même entreprise, on ne peut plus s'attendre à ce qu'un employé soit engagé à long terme envers une entreprise. Des études montraient que pour que les employés soient engagés envers l'organisation, l'organisation devait s'engager envers eux (Meyer dans Klein, Becker et Meyer, 2013). À la fin des années 1990, on pense que l'engagement des employés est mort. Mais, un tel changement dans les entreprises ne peut se faire sans l'engagement des employés. Le changement organisationnel a le potentiel de réduire l'engagement, mais il a besoin de l'engagement pour s'implanter. L'engagement n'est donc pas mort ou malade, il apparaît sous différentes formes. Il réside dans l'individu. C'est « an internal force (mindset) that binds an individual to a target (social or nonsocial) and/or to a course of action of relevance to that target. » (Meyer dans Klein, Becker et Meyer, 2013 : 40) Il peut être influencé par des facteurs internes (comme la personnalité, les valeurs) ou externes (normes, expériences de travail). Cette force est expérimentée comme un état d'esprit conscient : « This mindset can be one of desire (affective commitment), obligation (normative commitment), perceived cost (continuance commitment), or some combination of these. The nature of the mindset has important implications for the quality of the relationship with a target and/or of the ensuing behaviour. » (Meyer dans Klein, Becker et Meyer, 2013 : 39) Par exemple, l'engagement est de meilleure qualité quand les parties s'engagent les unes envers les autres par un désir plutôt que par une obligation ou la peur de ce qu'elles pourraient perdre. Un individu devrait avoir plus envie d'aller au-delà du terme spécifique d'un engagement quand il choisit librement un champ d'action que lorsqu'il sent de la pression ou se sent piégé. Même si l'état d'esprit est conscient, il peut y avoir des influences inconscientes pour justifier des décisions passées ou pour maintenir une image de soi stable, par exemple. Mais l'attitude est compatible avec le comportement. Elle est considérée comme une manifestation de l'état d'esprit de l'engagement.

Pour Meyer, l'engagement est une force qui lie quelqu'un à une cible. On ne peut arriver à le mesurer en raison de sa complexité, et il ne faut pas se limiter à ne mesurer que les états d'esprit. Pour d’autres auteurs, on peut et on doit mesurer la force de l'engagement. Celle-ci se voit dans le sens du devoir et les obligations. Mais, pour Meyer, le sens du devoir et les obligations sont un reflet de l'état d'esprit. Au final, l'essence de l'engagement reste un trou

noir. Il s'agit d'un objet qu'on ne peut mesurer directement, mais seulement indirectement via des états d'esprit.

Malgré les multiples perspectives où l'engagement a été étudié, il reste un seul et unique concept : l'engagement : « commitment, whether defined as a bond or a force, is a unidimensionnal concept that can result from and be shaped by multiple factors, be directed at multiple targets, and be experienced in multiple ways (e.g. different mindsets) with different consequences. » (Klein, Becker et Meyer, 2013 : 429) Même si son noyau est unidimensionnel, plusieurs aspects du phénomène sont multidimensionnels. Certains ont tenté de mettre des variables en relation avec l'engagement, dont l'âge, le genre et l'éducation, mais leur corrélation s'est toujours montrée faible ou inconsistante. Il manque cependant de recherches qualitatives pour voir ce que l'engagement signifie dans une culture.

Dans le post-fordisme, l'engagement au travail se fait en complément de celui-ci. Il s'agit de préparer les réunions, de préparer ses propres évaluations, bref de tout ce qui déborde du temps de travail rémunéré. Pour que l'individu s'engage, le travail doit avoir un sens pour lui. Lorsque l'emploi amène trop de pression pour de la rapidité, « [l']impression est de ne plus y trouver personnellement de sens à investir et de voir les finalités de l'activité se vider de leur contenu pour se réduire à l'intérêt du seul employeur » (Ughetto, 2005 : 141). Pour Meyer et Allen, un employé engagé correspond à « one who stays with the organization through thick and then, attends work regularly, puts in a full day (and maybe more), protects company assets, shares company goals, and so on » (Meyer et Allen, 1997 : 3). On peut penser qu'un individu est engagé, alors qu'il ne l'est pas vraiment. Par exemple, si un jeune employé obtient rapidement des promotions, mais qu'ensuite il stagne, il est engagé puisqu'il ne quitte pas l'entreprise, mais il ne le fait pas nécessairement pour l'entreprise, mais parce qu'il n'aurait pas ce qu'il a déjà gagné ailleurs. C'est pourquoi il faut étudier l'engagement selon ses différentes entités. Meyer et Allen divisent l'engagement attitudinal et comportemental. Il est important d'étudier l'attitude, puisque les intentions de l'individu influent sur son comportement. Ainsi, un individu qui a l'intention de quitter une entreprise va moins s'impliquer envers celle-ci que quelqu'un qui désire y rester (Koslowsky, 1991). On ne peut étudier l'engagement des personnes sans prendre en compte leurs intentions.

Dans un contrat, selon Giraud (2011), la seule forme d'engagement est la soumission. Cependant, dans un contrat de travail, il est possible de résister par l'absentéisme ou autre. Ainsi, le travail est plus que de la soumission volontaire. L'engagement peut être implicite, comme lorsqu'une personne fait la même chose chaque jour. Lorsqu'elle cesse de le faire, l'engagement est rompu. L'engagement, dans ce cas-ci, se construit sous forme de routine : « L'engagement n'a pas besoin d'avoir été dit pour exister et être opposable à celui qui est alors perçu comme quelqu'un qui se défausse, qui fait défection, qui trahit. » (Giraud, 2011 : 74)

Dans la branche de la psychologie du travail, les auteurs vont s'intéresser aux attitudes des individus qui favorisent la citoyenneté organisationnelle. L'individu qui fait preuve de citoyenneté organisationnelle est engagé dans l'organisation; il est satisfait de son travail et s'implique dans son groupe de travail. L’individu faisant preuve d'entraide : « désigne chez une personne la volonté d'assister les membres de son organisation lorsque ceux-ci rencontrent des difficultés ponctuelles dans leur activité professionnelle » (Paillé, 2008a : 146). Cet individu fait preuve d'esprit d'équipe; ce qui correspond à « la volonté d'une personne de ne pas se plaindre en tolérant les inconvénients et les abus inévitables générés dans l'exercice d'une activité professionnelle » (Podsakoff, 2000 cité dans Paillé, 2008a : 146). Dans cette lignée, l'engagement peut se faire envers de multiples cibles, dont le groupe de travail, le supérieur, les valeurs du groupe, etc. L'implication au travail est ici « la manière dont un employé considère son activité professionnelle comme une dimension importante pour lui et qui contribue à donner du sens à son existence » (Paillé, 2008a : 147). Un individu qui s'implique dans son travail va effectuer la tâche avec soin et va intervenir rapidement en cas d'imprévu. Il va fournir un effort pour la qualité et la productivité, tout en ayant un intérêt au travail.

Il existe plusieurs dimensions différentes à la citoyenneté organisationnelle. Organ (1988 présenté dans Jena et Goswami, 2014) en voit cinq. D'abord, il y a l'altruisme, qui est le fait d'aider les autres avec le travail. Ensuite la courtoisie, qui est le fait d'aider à prévenir un problème relié au travail. Il y a aussi l'esprit sportif, qui est de tolérer les inconvénients inévitables et ce qui est imposé au travail sans se plaindre et remplir un grief. Il y a ensuite la vertu civique, qui est la participation responsable dans le processus politique de l'organisation (comme la participation aux réunions). Finalement, il y a la conscience, qui est d'aller au-delà du minimum requis dans le rôle qui est attribué à l'individu au sein de

l'organisation. Pour avoir une bonne citoyenneté organisationnelle, il faut avoir une vision plus collective et mettre du temps à aider les autres plutôt que se concentrer uniquement sur ses objectifs personnels.

Comme l'engagement est lié au système de valeurs acquis lors du processus de socialisation, il est nécessaire d'étudier la place que prend le travail pour la personne ciblée (Gadbois, 1973). L'engagement affectif est « le fait pour une personne de s'identifier aux valeurs de son organisation, de faire des efforts importants dans son travail pour contribuer à sa réussite et enfin de vouloir en rester membre » (Paillé, 2008b : 26). Ainsi, un individu qui a un attachement émotionnel envers son organisation va être engagé, puisqu'il s'identifie à cette organisation.

Dans la branche de la sociologie du travail, les auteurs vont plutôt tenter de trouver ce qui, dans l'organisation, amène l'individu à s'impliquer. Une personne impliquée ne correspond pas nécessairement à l'idéal que l'entreprise se fait de l'implication : « Les personnes impliquées sont celles qui posent des questions, voire contestent fortement ce qui se passe. Cet engagement n'est pas de la discipline ou de la soumission aux règles […] » (Thévenet dans Neveu et Thévenet, 2002 : 11). L'implication ne peut résulter de l'entreprise : « Seules les personnes peuvent s'impliquer. La seule chose que l'entreprise peut faire, c'est satisfaire aux conditions nécessaires de l'implication mais il dépendra toujours des personnes qu'elles soient suffisantes. » (Thévenet dans Neveu et Thévenet , 2002 : 12) Pour faciliter l'implication, les actions de l'entreprise doivent être cohérentes, elle doit s'engager vis-à-vis de l'individu et permettre aux employés de considérer l'entreprise comme la leur. En ce sens, l'implication n'est pas de la satisfaction puisque les choix cohérents n'amènent pas toujours de la satisfaction. Ainsi, « une personne très impliquée dans son poste a plus de chances d'être soit très satisfaite, soit très insatisfaite (en fonction de son degré de réussite), alors qu'une personne non impliquée est susceptible d'avoir des réactions émotionnelles moins extrêmes vis à vis des mêmes expériences de travail » (Peyrat-Guillard dans Neveu et Thévenet, 2002 : 87).

Le problème des études sur l'engagement et l'implication sont la redondance des termes utilisés (Charles-Pauvers et Peyrat-Guillard, 2012). Différents concepts, selon les auteurs, renvoient à la même dimension. Pour cette raison, il est difficile de lier ensemble différentes recherches touchant à l'implication ou à l'engagement au travail. Certains

auteurs ont tenté de venir à bout de cette redondance en créant de nouveaux instruments et de nouvelles définitions, mais comme les autres études ne vont pas nécessairement dans ce sens, la redondance perdure. Certains auteurs laissent tomber des éléments, d'autres en rajoutent. Certains vont même utiliser un même terme (celui d'attitude par exemple) pour refléter des choses différentes (Charles-Pauvers et Peyrat-Guillard, 2012). Neveu a proposé de distinguer l'implication et l'engagement, mais d'autres auteurs, comme Morrow, ont tout intégré dans le concept d'implication. D'autres recherches vont utiliser le concept d'engagement organisationnel pour faire référence aux mêmes éléments que Morrow (Charles-Pauvers et Peyrat-Guillard, 2012). Cela oblige les auteurs travaillant sur l'implication (ou l'engagement) à justifier leur terminologie et à délimiter ce qu'ils utilisent dans ces concepts. Lapalme et Doucet (2004) ont d'ailleurs remarqué que plusieurs auteurs ne prennent pas la peine de préciser ce qui entre et n'entre pas dans leurs différentes cibles.