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Le sentiment d'appartenance à la coopérative

Chapitre 4 : Travailler dans une coopérative, de l'embauche à la démission

4.4. Le sentiment d'appartenance à la coopérative

Il est surprenant de voir à quel point tous les répondants semblent très bien intégrés à leur équipe de travail. Plusieurs parlent même de leur équipe de travail comme étant une grande famille. Ces rapports dépassent souvent le cadre du travail. Bien entendu, il existe certaines différences dans cette communauté selon la coopérative et les répondants. Ces distinctions seront présentées.

À la Barberie, l'entreprise semble être une seule et même famille. Même les employés non membres semblent y être intégrés, comme Laurence le montre : « Je pense que les gens sont beaucoup plus proches, il y a souvent des partys de gang, c'est tous des amis de longue date. » (Laurence, Barberie) Tous les répondants se sentent appartenir à l'entreprise et accordent une importance à leurs collègues. Laurence voit cependant sa situation différente de celles des autres, puisqu'elle n'est que saisonnière : « C'est sûr qu'on va juste rester au niveau de c'est le fun, on s'entend tous bien, puis il n’y a pas de problème, tu sais. Mais j'imagine que quand ça fait 6, 7, 8 ans que tu es dans une coop et que tu prends des décisions avec le même monde, bien c'est sûr que tu les connais bien les employés et je le vois bien qu'il y a des… des mésententes entre des gens, et que ce n’est pas tout le monde qui s'apprécie autant que la saisonnière peut aimer tout le monde. » (Laurence, Barberie) Bien que la proximité peut créer certaines frictions, les employés ont intérêt à rester informer et à faire de leur mieux étant donné la proximité de leurs collègues. Ils travaillent fort tous ensemble et veulent être fiers de ce qu'ils accomplissent. Myriam, pour sa part, trouve que le profil des travailleurs est assez homogène : « je travaille avec des gens […] qui ont quand même les mêmes valeurs que moi pas mal souvent là. Tu sais, même dans mes loisirs, ça se reflète. Tu sais, c'est vraiment euh, on se ressemble beaucoup beaucoup. » (Myriam, Barberie)

Chez MEC, certaines affinités semblent se créer parmi certains employés : « C'est probablement la place où j'ai travaillé que j'ai le mieux connectée avec mes collègues. » (Étienne, MEC) Comme le nombre d'employés est plus grand, cette affinité ne se produit

pas nécessairement avec tout le monde, mais avec une bonne partie des collègues immédiats. De plus, ces affinités semblent dépasser les échelons. Les répondants ont tous mentionné la proximité de leurs supérieurs. Ceux-ci ne sont pas exclus de la communauté : « Ils essaient quand même de garder ça assez horizontal. Tu sais, les superviseurs viennent dîner avec nous autres.[…] Tu sais, les superviseurs sont sur le plancher avec nous. Ils ne restent pas souvent dans leurs bureaux. » (Charles, MEC). Cependant, il peut être quand même ardu de s'intégrer à cette communauté : « Ça a pris un certain temps de bien m'intégrer. C'est vraiment un groupe qui sont très… un noyau très dur en fait. Puis des gens qui se connaissent vraiment bien, puis ça a été un peu plus long pour s'intégrer à l'équipe. » (Charles, MEC) Comme Charles, Annie a trouvé l'entrée à la coopérative un peu difficile : « C'est que le milieu du plein air, c'est assez intimidant. […] Tu sais, c'est beaucoup show off de qui qui en sait le plus puis qui a fait les trips le plus hot, tu sais. Ça m'a pris du temps avant de me sentir moins intimidée par le monde qui était full connaisseur et quand même show off. » (Annie, MEC) Le fait d'être entouré de personnes qui partagent sa passion semble cependant créer un très grand sentiment d'appartenance à la coopérative : « Tous mes collègues, genre telle personne va faire de l'escalade de glace, eille, viens-tu? Ou on part en canot en fin de semaine, viens-tu? C'est tout le temps connaître des gens qui ont les mêmes intérêts que toi aussi là. » (Annie, MEC) Annie sent cependant qu'elle pourrait être plus attachée à un plus petit milieu de travail : « Quand tu es dans un plus petit milieu, moi en tout cas, je trouve que je me sens plus concernée, je me sens plus chez nous. » (Annie, MEC)

À la librairie Pantoute, les répondants mentionnent tous que la librairie est leur famille, mais avec quelques divergences. Pour l'un, il s'agit du magasin pour lequel il travaille. Il précise que plusieurs collègues sont devenus des amis. Cependant, bien qu'il y ait des échanges constants entre les employés des deux magasins, il se sent moins près des travailleurs de la basse-ville, qui ne partagent pas son quotidien. À propos du magasin dans Saint-Roch, il dit : « J'aime moins le milieu, j'aime moins le euh… c'est comme si je m'éloignais. C'est comme des cousins ahahah. J'imagine que je m'y ferais, mais je ne pense pas que j'aimerais quitter ma famille pour aller habiter avec des cousins. » (Marc, Pantoute) Malgré la proximité des deux magasins, la distance semble amener certains problèmes dans la création d'une communauté coopérative plus large. Pour Guillaume, il n'y a pas vraiment de différence entre les deux magasins : « C'est la même équipe, c'est la même gestion, c'est

la même gang […] l'esprit Pantoute est le même. […] Et pour nous, ce n’est pas, ce n’est pas une bannière, tu sais, c'est la maison mère et la petite sœur. C'est le même Pantoute, c'est la même famille. » (Guillaume, Pantoute) Denis aussi ne voit pas de différence entre la communauté des deux magasins. Lorsqu'il s'est fait demander ce qu'il perdrait en quittant l'entreprise, il a répondu ceci : « Ce que je perdrais, je vais te dire, c'est cette communauté- là de gens qui, depuis 10 ans, sont à peu près les mêmes. Avec qui j'ai, avec qui j'ai créé des liens super forts. » (Denis, Pantoute)

Chez Zone, on remarque la même difficulté. Maxime a mentionné qu'il se sentait très près de ses collègues et de ses supérieurs du magasin de Saint-Roch et qu'ils constituaient une grande équipe. Cependant, le rapport n'est pas le même avec le haut de la pyramide qui se retrouve en haute-ville. Ces derniers sont vus comme gérant de l'extérieur, et imposant des décisions au magasin de la basse-ville sans les consulter. Il y a bel et bien une communauté d'appartenance, mais elle a lieu dans le magasin, et non dans la coopérative. On retrouve la même chose au pavillon Maurice-Pollack, où les répondants semblent très près de leurs collègues, mais ne mentionnent pas les autres magasins présents dans la ville de Québec. Frédéric précise d'ailleurs qu'il n'aimerait pas travailler dans un autre magasin que celui du Maurice-Pollack : « Dans le fond, admettons le magasin central, toute la structure est là. Ça fait qu’admettons, quelqu'un qui travaille au centre ville, qui a un problème avec la vente d'ordinateur se retrouve à appeler, ça met des délais, puis ce n’est pas quelque chose que j'aime faire. Si je suis avec un client et il y a une situation problématique, le technicien, je peux aller le voir en bas tout de suite, ou l'appeler, lui en parler et il va monter. » (Frédéric, Zone) Bien que ce soit une seule et même coopérative, les communautés diffèrent d'un magasin à l'autre, et certains se sentent assujettis aux décisions prises par le centre.

Les répondants sentent donc une appartenance au magasin pour lequel ils travaillent, mais, dans le cas des coopératives ayant plusieurs lieux de vente, cette appartenance ne semble pas dépasser le cadre du magasin pour lequel ils travaillent. Ils sont cependant très attachés à leurs collègues de travail, peu importe la coopérative, auxquels ils réfèrent parfois en terme de membre d’une seconde famille.