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Les différentes façons de s'engager dans le modèle coopératif

Chapitre 5 : L'engagement dans le milieu coopératif

5.4. Les différentes façons de s'engager dans le modèle coopératif

L’engagement selon différentes cibles et selon différents types qui a été présenté permet d’effectuer des regroupements. On arrive alors à quatre différents types de personnes s’engageant dans le milieu coopératif. Bien entendu, il s'agit d'idéaux types, et aucun des répondants ne correspond tout à fait à l'un de ces types. Il s'agit d'une grille d'analyse permettant de voir de quelles manières différentes personnes peuvent s'engager dans le milieu coopératif.

Cette typologie est divisée selon un premier axe, qui est l'appartenance au mouvement coopératif. Cet axe correspond au fait de vouloir, ou non, demeurer dans l’entreprise coopérative. On y retrouve, d’un côté, des personnes qui ne sont que de passage dans une coopérative et, de l’autre, des personnes qui souhaitent y faire carrière. En effet, le temps qu'une personne souhaite passer dans une entreprise change sa manière de s'impliquer. Ce n'est pas un phénomène propre aux coopératives puisque, comme il a été exposé au chapitre deux, les études sur l'engagement au travail se sont longtemps penchées sur l'intention de quitter des employés. Il y est dit qu'un employé qui a l'intention de quitter l'entreprise risque de moins s'impliquer dans son travail et d'y effectuer le strict minimum. Les entrevues nous ont en effet fait voir que les personnes qui ne sont que de passage s’impliquent de manière différente que celles qui souhaitent y faire carrière. Cependant, cela ne permet pas de dire que les employés de passage en font moins. Les entrevues montrent que ces répondants, par rapport aux autres, s'engagent de manière différente. Le but n’est pas de quantifier ou de mesurer l’engagement, mais de déceler la forme qu’il prend.

Comme deuxième axe, nous avons la cible de l'engagement. L’engagement peut être interne à l’entreprise, c’est-à-dire qu’il se fait à l’intérieur de l’organisation, ou externe à l’entreprise. Dans ce second cas, l’engagement ne se fait pas pour l’entreprise, mais pour quelque chose (une cause par exemple) qui lui est extérieur. En effet, certains répondants sont très engagés envers leur entreprise, mais ne seront pas impliqués à l'extérieur de celle- ci. En comparaison, d'autres répondants ont un engagement limité dans leur travail, mais s'engagent envers d'autres causes qui leur tiennent à cœur. Cet engagement externe peut être, selon le cas, en concordance avec les valeurs de l’entreprise ou opposées à celles-ci. Avec ces deux axes, on arrive à créer quatre types distincts de personnes qui s’impliquent dans le milieu coopératif :

De passage dans une coopérative Souhaite y faire carrière Engagement interne à

l'entreprise Engagement dans son travail au jourle jour

Engagement et implication pour le bien de l'entreprise

Engagement externe à

l'entreprise Engagement envers une causesociale

Engagement selon les valeurs coopératives

Parmi les répondants qui ne sont que de passage dans l'entreprise, on retrouve deux types de répondants : ceux qui s'engagent au jour le jour dans leur travail et ceux qui s'engagent envers une cause extérieure à l'entreprise. En effet, les répondants de passage dans leur coopérative ne sont pas vraiment impliqués dans leur travail au-delà des tâches qu'ils ont à effectuer. Ils ne participent pas à des comités au travail et ne mentionnent pas participer à des activités organisées par l'entreprise. Cependant, cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas engagés dans leur entreprise. En effet, en raison de l'affection qu'ils ont pour l'entreprise (notamment pour le modèle coopératif), ils s'engagent tout de même intensément dans leur travail au quotidien. C'est le cas par exemple de Laurence, qui disait faire son possible pour améliorer ses façons de faire pour le bien de l'entreprise. C'est aussi le cas de Frédéric, qui disait travailler sur l'organisation du travail pour ainsi être en mesure de mieux servir les clients. Ce dernier ne s'impliquait pas dans les instances officielles de la coopérative Zone, mais il s'impliquait tout de même dans son travail dans le but de le rendre plus efficace. On ne peut donc pas dire que ces répondants, qui n'investissent pas les structures officielles de l'entreprise, ne sont pas engagés envers l'entreprise. Ils le sont, mais c'est un engagement

qui est moins structuré et qui se vit plus au jour le jour, par les défis qu'ils tentent de relever au quotidien pour améliorer leur efficacité ou l'ambiance au travail.

D'autres répondants de passage s'engagent pour leur part davantage à l'extérieur de leur coopérative qu'à l'intérieur de celle-ci. C'est le cas par exemple de Charles qui était impliqué dans plusieurs causes sociales, mais qui précisait ne pas être intéressé à s'impliquer à son travail. Pour ces répondants, la coopérative est un emploi comme les autres, mais qui a l'avantage de rejoindre davantage leurs valeurs sociales. Ainsi, ils ne s'impliquent pas dans leur travail puisqu'ils ne s'y voient pas à long terme, mais s'y sentent tout de même parties prenantes puisque l'entreprise véhicule les mêmes valeurs qu'eux. Plutôt que de s'impliquer dans une structure formelle de leur entreprise, ces répondants vont préférer s'impliquer à l'extérieur de celle-ci. C'est le cas par exemple d'Étienne, qui organise ses propres activités de plein air plutôt que de participer à l'organisation des activités du MEC. C'est aussi le cas d'Annie, qui s'est fait des contacts avec le milieu communautaire grâce au MEC, mais qui ne s'est pas impliquée envers ces organismes par le biais du MEC. À l'opposé, nous avons les employés qui souhaitent continuer à travailler dans leur coopérative. Certains d'entre eux s'impliquent pour le bien-être de l'entreprise pour laquelle ils travaillent, et d'autres vont plutôt s'engager plus largement envers les valeurs qu'ils associent au modèle de l'entreprise. Les employés de cette catégorie s’impliquant à l'intérieur de l'entreprise le font différemment que ceux qui ne sont que de passage. Cette différence est due au fait que ces employés s'impliquent dans l'entreprise au-delà des tâches courantes au jour le jour. C'est le cas par exemple de Denis, qui s'est impliqué dans le changement organisationnel de l'entreprise pour le bien de celle-ci. C'est aussi le cas de Myriam et Simon, qui s'impliquent dans différents comités à la Barberie. Cette implication vise avant tout l'entreprise, mais est beaucoup plus large que leur poste de travail. On peut aussi placer Guillaume et Marc dans cette catégorie, qui acceptent de participer à des conférences pour la librairie. Bien que cette tâche ait aussi une visée culturelle, qui est de faire rayonner la culture dans la ville de Québec, ces répondants le font en tant que libraires de chez Pantoute, et non à titre personnel. Il s’agit d’un engagement qui est pris au-delà de leur tâche de libraire, mais qui reste tout de même associé à la librairie. Les employés précisent d'ailleurs qu'ils ne le feraient pas si ce n'était pas de Pantoute. Dans la même idée, on peut placer les répondants de la Barberie, qui ont pour tâche de représenter la Barberie dans les festivals. Cette tâche de représentation a pour but de faire découvrir la bière de

micro-brasserie, mais elle ne peut être séparée du poste occupé à la Barberie. Ainsi, ce type d'engagement ne peut vraiment être considéré comme un engagement externe à la coopérative, même s’il s’effectue physiquement à l’extérieur des murs de l’entreprise. Finalement, comme dernier type, nous avons les répondants qui souhaitent rester dans leur coopérative et qui s'impliquent à l'extérieur de celle-ci. Le répondant de l'échantillon qui correspond le mieux à ce type est Benoît. Celui-ci est bien impliqué dans son entreprise, mais son implication dépasse le cadre de son emploi. En effet, son implication se fait aussi dans d'autres projets extérieurs à la coopérative Zone, mais qui y restent associés par les valeurs véhiculées, dont le développement durable et la gouvernance locale. Ces engagements ne concernent pas le poste qu'il occupe à la coopérative, et, contrairement à l'organisation de conférence par les libraires de Pantoute ou le fait de représenter la Barberie dans un festival, ces engagements sont pris à titre personnel, et non en tant que gestionnaire dans la coopérative Zone. Son implication dans d'autres comités ou d'autres projets se fait plutôt en raison de l'adhérence qu'il a envers le modèle coopératif et les valeurs véhiculées par celui-ci. Ces engagements, en ce sens, ne peuvent être vus comme étant dissociés de son travail dans une coopérative, mais comme y étant complémentaires. Cette implication est différente de celle envers les causes sociales puisque l'implication envers une cause n'est pas vue comme séparée de l'implication au travail. Les différents projets auxquels il est impliqué, que ce soit à l'extérieur de Zone ou à l'intérieur, sont vus comme étant une implication vers un même but. À l’opposé, dans le cas de Charles, l'implication qu'il pourrait avoir chez MEC est plutôt vue, pour lui, comme une implication au jour le jour, ou qui ne dépasse pas le cadre de l'entreprise, alors que l'implication à l'extérieur de l'entreprise est vue comme dépassant le cadre de l'entreprise. Il voit l'engagement au travail comme opposé à son engagement, alors que Benoît le voit comme complémentaire. On pourrait dire, pour simplifier, que l'engagement envers une cause sociale permet à l'individu de s'impliquer dans quelque chose qui l'anime, alors que l'engagement selon les valeurs coopératives permet de dépasser l'engagement au travail.