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Les sept principes coopératifs

Chapitre 4 : Travailler dans une coopérative, de l'embauche à la démission

4.3. Les connaissances sur le modèle coopératif

4.3.1. Les sept principes coopératifs

Cette section présente les sept principes coopératifs, et la manière dont l'entreprise coopérative y répond, d'après l'information ressortie des questions sur le fonctionnement de la coopérative. Nous remarquerons alors que certains répondants connaissent certains des principes coopératifs, puisqu'ils ont donné des réponses allant dans ce sens, mais que leur vision d'une coopérative comprend des principes beaucoup plus précis que ce que l’on retrouve dans la réalité.

1 er principe : L'adhésion volontaire et ouverte à tous

Ce principe est assez simple. Dans toutes les coopératives étudiées, l'adhésion était en effet ouverte à tous. Tout travailleur peut devenir membre à la Barberie, pourvu qu'il ait un poste permanent. Simon précise qu'il n'y a que le Directeur général qui ne peut devenir membre, mais que la Barberie travaille à changer ce règlement pour qu'il puisse le devenir.

Tout client peut devenir membre de la coop Zone; et toute personne peut devenir membre de MEC et ainsi pouvoir acheter. Cette adhésion est aussi volontaire, puisque personne n'est forcé de devenir membre. Une personne peut très bien travailler chez Pantoute ou à la Barberie sans être membre de la coopérative. Denis l'explique très bien pour sa coopérative : « Il y en a qui étaient là au moment de la formation et qui ont préféré attendre. Il y en a qui ont embarqué plus tard, il y en a qui réfléchissent encore, et il y en a qui n’embarquent pas. » (Denis, Pantoute) Une personne peut aussi acheter chez Zone sans avoir à devenir membre de la coopérative. La grande distinction de ce principe se voit cependant chez MEC. Un client ne peut acheter s'il n'est pas membre et les travailleurs doivent être membre s'ils veulent travailler chez MEC.

2 e principe : Un pouvoir démocratique exercé par les membres

Chacune des coopératives répond à ce principe puisqu'elles ont toutes une AG pour décider des grandes orientations et elles élisent toutes un CA parmi les membres pour gérer la coopérative. Il existe cependant une différence dans la fréquence de ces assemblées selon le type de coopérative. Alors que les membres de la Barberie et de la librairie Pantoute parlent

de trois à quatre AG par année, la coop Zone et MEC se limitent à une instance par année. Cela est peut-être dû au plus petit nombre de membres des coopératives de travail, qui permettent une prise de décision plus facile en groupe. De plus, comme cette AG est réservée aux travailleurs, ils ont peut-être plus intérêt à se rencontrer souvent pour échanger.

Chez Pantoute, l'AG élit un CA pour gérer la coopérative de travailleurs actionnaires et des représentants pour siéger au CA de la librairie. Les membres ont un plein contrôle sur leur coopérative, mais comme des personnes externes possèdent aussi des parts de l'entreprise, ils n'ont pas le plein contrôle des décisions prises au CA de la librairie.

À la Barberie, le CA prend la plupart des décisions, et consulte les membres au besoin en AG. Simon précise qu'il a le droit de vote sur absolument toutes les décisions qui sont prises dans l'entreprise, et que le CA est beaucoup plus démocratique que dans une entreprise privée : « Si je suis sur le CA, c'est parce qu'on a jugé que c'était bon de m'avoir sur le CA. Pas parce que j'ai juste fait l'application puis que n'importe qui peut y aller. » (Simon, Barberie) Pour Laurence, le processus décisionnel coopératif est mieux, puisqu'il se trouve plus près de la base :

Tu sais souvent les décisions vont vraiment euh… révéler ce qui est important pour nous en tant que serveur ou en tant qu'employé tu sais justement. Si tu as quelqu'un qui prend une décision, qui fait des choix, tu sais, pour l'entreprise, mais qui n’est pas sur le plancher ou qui ne voit pas vraiment comment ça marche, bien des fois ça n’a juste pas rapport, tu sais. […] Tandis que dans une coop comme ça, les gens qui prennent les décisions, ils travaillent sur le plancher donc ils savent précisément c'est quoi qu'on a de besoins et qu'est-ce qui marche, qu'est-ce qui marche pas tu sais, ça fait que c'est pratique. (Laurence, Barberie)

Même si elle n'est pas membre et qu'elle n'a aucun poids dans la décision définitive, elle sent que son opinion est écoutée et prise en compte à la Barberie.

Chez Zone, l'AG élit un CA, qui élit un comité exécutif. Dans les règlements, il est stipulé que la majorité du comité doit être constitué d'étudiants. Le comité exécutif doit ensuite embaucher et superviser le directeur général. Benoît mentionne la transparence de Zone, qui montre l'ouverture de la coopérative envers les membres. En raison de ce fonctionnement, Benoît considère que la gestion d'une entreprise privée est beaucoup plus simple :

Parce que ce qui te guide, c'est l'argent. Puis si ce n’est pas l'argent, je pense que la personne ne comprend pas ce qu'elle doit faire là, parce qu'une entreprise, par définition, elle est là pour faire des bénéfices. Ici, ce qui te guide, bien tu as trois pôles. Tu as l'économique, tu as le social, puis tu as l'environnement, et il n’y a rien qui est priorisé par rapport à un, ça fait que c'est beaucoup plus complexe. Combien d'argent devrait faire la Coop? […] Combien tu redonnes au milieu? […] Ce n’est pas clair, tu sais. Ça fait que tu fais un peu d'un, tu fais un peu de l'autre, mais c'est plus complexe. (Benoît, Zone).

Au MEC, les membres ont la possibilité d'élire les membres du CA par Internet, en raison de l'étendue territoriale de la coopérative. Il s'agit de la seule coopérative qui permet une élection à distance. Outre l'élection du CA, il est plus difficile pour les membres d'exercer leur pouvoir puisque l'AG a lieu à Vancouver.

3 e principe : La participation économique des membres

Dans chacune des coopératives, le membre débourse un montant pour obtenir une part de la coopérative et en tire par la suite des avantages. La seule exception est la librairie Pantoute, qui, en raison de sa jeunesse, n'a pas eu le temps de développer des avantages aux membres. Pour la coop Zone, on parle de rabais sur la facture lors de l'achat; chez MEC, les membres reçoivent une ristourne à la fin de l'année financière selon le montant dépensé, et à la Barberie, les travailleurs ont droit à un retour sous forme de salaire à la fin de l'année financière.

À la coop Zone, Benoît parle de la finalité des coopératives, qui est la grande différence avec l'entreprise privée : « C'est-à-dire qu'au lieu que ce soit un ou des individus plus limités qui s'enrichissent, bien tu essaies de faire quelque chose de mieux pour la société. » (Benoît, Zone) Frédéric mentionne que les membres ont droit à un service lorsqu'ils ont un problème avec un ordinateur par exemple, sans débourser : « ça nous fait plaisir de les servir sur le coin du comptoir sans leur faire payer quoi que ce soit » (Frédéric, Zone). 4 e principe : Autonomie et indépendance

Chacune des coopératives est autonome. Elles peuvent appartenir à certains mouvements ou à certaines fédérations, mais cela est toujours selon le choix des membres. Il est d'ailleurs possible pour les membres de se désaffilier d'une fédération si elle ne répond plus à un désir des membres. Cela a été le cas de la coop Zone, qui s'est désaffiliée de la coop fédérée il y a

quelques années. Ce sont les membres qui ont décidé librement de ne plus faire partie de cette fédération.

5 e principe : Éducation, formation et information des membres sur la nature et les avantages de la coopération

Chaque coopérative éduque ses membres de différentes façons. À la Barberie, une répondante a dit que chaque année, les membres avaient la possibilité de participer à des ateliers de formation continue sur la coopération. Chaque mois, les employés reçoivent aussi une infolettre présentant les nouvelles de la coopérative et un bulletin financier. Chez MEC, lors de leur entrée en poste, les nouveaux employés suivent une formation sur l'avantage MEC quant à son modèle de gestion, etc. À la librairie Pantoute, les membres sont en ce moment même en train d'apprendre ce qu'est un modèle coopératif puisque leur coopérative est toujours en création. À chaque rencontre, les membres en apprennent un peu plus sur les obligations d'une coopérative et la gestion de ce modèle d'entreprise. La Coop Zone a, quant à elle, financé la création d'une chaire de recherche sur les coopératives.

À la Barberie, Simon affirme avoir participé à des conférences sur le fonctionnement des coopératives de travail et des formations plus général sur les coopératives. Myriam, pour sa part, dit que plusieurs formations sont offertes en lien avec l'économie sociale. Cela leur permet d'échanger avec d'autres milieux : « C'est le fun. On entend parler, admettons, de comment ils font ailleurs. Moi j'aime bien ça savoir comment ils font ailleurs, parce que ma seule expérience, c'est ici. Puis on est plusieurs à avoir comme seule expérience coop la Barberie. Ça fait que c'est le fun entendre parler les autres comment qu'ils gèrent tel défi ou comment justement, comment ils fonctionnent. » (Myriam, Barberie)

À la coop Zone, Maxime a amené des critiques au principe d'éducation, de formation et d'information des membres et de la manière dont la coopérative y répond. Il explique n'avoir jamais été mis au courant de la tenue des AG et n'avoir même jamais rencontré le CA même s'il travaillait à la coopérative. D'ailleurs, il dit ne pas avoir été formé pour expliquer aux clients ce qu'est une coopérative : « Imprimer une carte coop puis la vendre, c'est le plus que… c'est le plus que j'ai eu de formation sur la coopérative là finalement ou le modèle coopératif finalement. » (Maxime, Zone) Frédéric, pour sa part, dit qu'il n'a lui aussi pas été formé sur ce qu'est une coopérative par la coop Zone : « C'est sûr qu'à

l'intérieur du travail, on n’est pas formé sur c'est quoi une coopérative. On est formé sur c'est quoi le travail. » (Frédéric, Zone) Benoît a pour sa part soulevé que la coop Zone a financé la mise sur pied de la Chaire en développement coopératif dans la faculté des sciences de l'administration, pour permettre aux étudiants d'administration d'apprendre le modèle coopératif lors de leurs études : « Mais tu sais, on se disait que les étudiants qui sortaient de la faculté d'administration, ils savaient même pas c'est quoi une coop. […] Ça fait que l'objectif, c'est de dire, de la Chaire, c'est de créer des outils pour les autres profs pour enseigner le modèle coopératif à l'intérieur de leurs cours. » (Benoît, Zone) La coop Zone permet en ce sens l'éducation sur le modèle coopératif.

6 e principe : Coopération entre les coopératives

La Barberie et la coop Zone offrent toutes deux des rabais particuliers aux coopératives. La librairie Pantoute n'a toujours pas d'entente de ce type, mais Denis, membre du CA, trouvait que ce serait une excellente idée. Chez MEC, par contre, s'ils font de l'intercoopération, rien n'est sorti des trois entrevues.

La Barberie, lorsqu'elle doit faire appel à des professionnels (construction, électricité, etc.) décide aussi de favoriser des entreprises coopératives pour ce genre de contrat : « Les premières personnes avec qui on va faire affaire, ça va être des coops, si ce n’est pas coop, et bien c'est définitivement local et dans la communauté assez immédiate. » (Simon, Barberie) La Barberie est aussi souvent consultée, en raison de sa notoriété, par des personnes qui veulent fonder des coopératives de travail. Elle est membre du Réseau COOP.26 Myriam dit aussi que la Barberie est membre de la table des micro-brasseries coopératives et qu'une bière coopérative a été brassée par ces différentes coopératives : « C'est quand même plaisant là, boire de la bière brasser coop, mais par plus qu'une micro. […] Elle était brassée en collaboration là. Une fois elle a été brassée ailleurs, une fois elle a été brassée ici. Puis il y a physiquement quelqu'un de chaque brasserie coop qui venait la brasser. » (Myriam, Barberie)

À la coop Zone, Frédéric mentionne que l'entreprise offre un prix spécial aux coopératives qui font affaire avec eux : « On leur fait des prix spéciaux à cause que c'est pour de

26 Le Réseau de la coopération du travail du Québec (Réseau COOP) est une coopérative de solidarité qui a pour

mission de favoriser le développement du plus grand nombre possible de coopératives de la coopération du travail. (http://www.reseau.coop)

l'entraide là. On ne leur fait pas nécessairement le prix membre ou le prix entreprise. On leur fait un prix coopérative. » (Frédéric, Zone)

À la Librairie Pantoute, le modèle coopératif est trop jeune pour qu'on ait développé des liens avec d'autres coopératives, mais ils ont cependant eu de l'aide pour partir sous ce modèle : « On a eu de l'aide de Desjardins, truc sur les coopératives, le mouvement des coopératives quelque chose. Ils nous ont greffé quelqu'un qui nous a coachés. Puis il nous a aidés à nous promener dans cette affaire-là, à monter le truc. On est toujours coaché. » (Denis, Pantoute).

La coopération peut cependant être plus simple à faire avec des entreprises privées qu'avec d'autres entreprises coopératives. Par exemple, un répondant dit qu'il serait plus simple pour sa coopérative de faire affaire avec un magasin de plein air privé qu'avec le MEC en raison de sa gestion qui est en partie à Vancouver.

7 e principe : Engagement envers la communauté

Les quatre entreprises étudiées sont très engagées dans la communauté. La Barberie participe à plusieurs festivals pour démocratiser la bière de micro-brasserie et le modèle coopératif; la coop Zone s'implique dans différents projets de développement durable sur le campus de l'Université Laval; MEC organise beaucoup d'activités dans la ville pour inciter les gens à bouger; et la librairie Pantoute fait rayonner la culture dans la ville de Québec. La Barberie participe à différents regroupements dans le quartier Saint-Roch. Myriam précise que la Barberie tente, le plus possible, d'acheter local.

La coop Zone redonne beaucoup à l'Université Laval en créant des événements sur le campus. Avec sa nouvelle division qu'est Zon'Orange, la coop s'engage aussi envers les producteurs locaux.

La librairie Pantoute s'engageait envers la communauté bien avant de devenir une coopérative. Denis parle de ses débuts à la librairie ainsi : « Quand je suis arrivé, il y avait déjà aussi cette forme de promotion là de la culture, de la littérature, parce que c'était la seule librairie où il se faisait des lancements de livre en librairie. C'est la seule où il se faisait des causeries. C'est-à-dire qu'on invitait des auteurs à venir parler de leurs œuvres, et

ça, c'est important pour la culture, c'est important pour la ville, et c'est important pour la littérature au Québec. » (Denis, Pantoute)

MEC redonne pour sa part une partie de ses profits à la communauté :

Chaque magasin redonne un certain pourcentage de leur profit à la communauté. Souvent, c'est des activités, des fois c'est de la promotion de… disons de certains milieux. […] Il y a une redistribution euh… genre des concours pour redistribuer de l'argent à des organismes qui eux font de la préservation et de la sensibilisation à l'environnement. Puis nous (les employés), c'est nous qui amenons les choix pour euh, de ces organismes-là. […] Admettons, toi, tu viens faire une présentation puis nous, les employés, ensemble, on vote après pour l'organisme qu'on préférerait avoir (Charles, MEC)