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La participation aux instances

Chapitre 4 : Travailler dans une coopérative, de l'embauche à la démission

4.3. Les connaissances sur le modèle coopératif

4.3.3. La participation aux instances

La participation aux instances est variable des répondants d'une coopérative à l'autre. D'abord, les travailleurs des coopératives de consommation semblent moins intéressés par les instances que ceux des coopératives de travail. Cela est probablement dû au plus grand contrôle décisionnel que peuvent avoir les travailleurs d'une coopérative de travail.

À la coopérative Zone, sauf le répondant gestionnaire, les deux autres n'ont jamais participé à aucune instance de la coopérative, bien qu'ils en soient membres. Pour Frédéric, les changements qu'il souhaite apporter à la coopérative concernent l'organisation de son travail, et ces changements ne se votent pas en AG, qui prend des décisions plus larges, mais dans son équipe de travail :

Je vous dirais que les changements à la structure que je propose, je peux le faire sur mon quart de travail avec mon gérant […]. Donc, de me présenter à l'assemblée générale, ce serait comme mélanger mon opinion à travers une masse, ce qui n’est pas nécessairement avantageux. C'est, ça peut être avantageux pour des clients qui observent des changements qui pourraient être apportés et qui peuvent l'apporter, mais moi comme je vous dis, je peux le faire sur une base régulière. (Frédéric, Zone)

Il participe donc aux changements organisationnels de l'entreprise, mais pas par les instances officielles. Pour Maxime, il sent un sentiment d'appartenance très grand au magasin de la basse-ville, mais pas à la coop Zone en général. Comme l'instance a lieu au pavillon Maurice-Pollack, il ne sent pas l'envie de se déplacer pour y assister, même s'il sait qu'il y a droit. Il a l'impression que la haute-ville prend des décisions pour la basse-ville, et qu'il ne fait pas partie du magasin de la haute-ville : « du secteur Charest finalement, je sentais plus un truc coopératif entre les gens, tu sais […] sauf qu’on dirait que ça allait, plus haut, c'était des boss tu sais. Ce n’est pas plus haut c'est un conseil d'administration qui dirige le directeur général, c'était, c'était un directeur général qui décide, tu sais, puis qu'ils font ce qu’ils veulent avec la coopérative, tu sais. » (Maxime, Zone) Il rêverait tout de même d'y amener une délégation de membres de la basse-ville pour montrer leur mécontentement : « J'ai fantasmé de pouvoir aller à l'assemblée générale pour pouvoir comme parler du point de vue [des travailleurs du magasin de la basse-ville]. […] Il n’y a pas de moment où est-ce que même des employés à temps plein disaient on va aller, on va aller en parler en assemblée générale. » (Maxime, Zone)

Chez MEC, aucun des répondants n'a assisté à une instance, tout simplement parce que celle-ci a lieu à Vancouver. Même s'ils avaient un intérêt à y participer, cet intérêt n'est pas assez grand pour effectuer le voyage. Ils votent tous cependant pour les membres du CA, ce qui se fait en ligne. Mais les trois répondants avouent ne pas accorder beaucoup d'intérêt aux instances de la coopérative, qu'ils considèrent comme trop éloignées de leur base locale. Charles, par exemple, préfère s'impliquer à l'extérieur de son travail : « Je m'implique déjà trop à l'extérieur du travail, ça fait que jamais je ne m’impliquerai au travail, tu sais. C'est comme… je n’ai pas le temps, tu sais. Si je ne m’impliquais pas à l'extérieur, est-ce que je m'impliquerais à l'intérieur? Peut-être. » (Charles, MEC)

À la Barberie, les deux membres participaient à toutes les instances. Laurence n'y avait bien entendu pas droit, n'étant pas membre de la coopérative. Elle aurait cependant aimé pouvoir participer davantage :

Je pense que j'avais aussi un peu cette vision-là au lieu de, ah bien, je vais être employée dans une coop, ça fait que même si je ne suis pas membre, je vais quand même participer, je vais avoir l'impression de m'impliquer tu sais, mais en fait, je pense que comme on n’est pas membre, c'est un peu une job comme une autre. Dans le sens où on n’a pas vraiment l'impression d'être impliqué dans, dans les processus décisionnels ou dans quoi que ce soit tu sais. On est considéré, mais on n’est pas vraiment impliqué.(Laurence, Barberie)

Les deux autres s'impliquaient amplement, voyant une grande utilité aux instances pour y prendre des décisions et faire évoluer la coopérative : « Bien, c'est le moment le plus important pour jouer son rôle de membre. Ça fait que je ne vois pas comment un membre pourrait ne pas être à l'assemblée générale. » (Myriam, Barberie) Si ce n'était pas de la coop, Myriam ne croit pas qu'elle se serait présentée sur un CA : « Je ne pensais pas non plus être jamais sur un CA. Là je suis sur un CA depuis [plusieurs années]. » (Myriam, Barberie) Elle dit aussi s'impliquer dans plusieurs comités à la Barberie. L'AG est importante pour « prendre le pouls de l'état financier, l'état coopératif, où on en est, avec ce qui se passe, de voir les dernières décisions qui sont prises […] qu'est-ce qu'on veut, où est- ce qu'on va […] pouvoir rejeter certaines décisions qui sont prises. » (Simon, Barberie) Simon et Myriam s'y impliquaient d'ailleurs beaucoup pour faire valoir leur point de vue. Au-delà des instances, il y a aussi l'implication hors instance : « Je dépanne l'ordinateur du bar […] je vais coller des affiches pour un événement » (Simon, Barberie). Ce sont des tâches qu'il dit faire, car il veut que la Barberie se porte bien.

À la librairie Pantoute, les trois répondants ont tous assistés à toutes les AG depuis le début de la coopérative. Bien qu'il n'y ait pas assez d'instances à leur goût, ils y voient une utilité pour gérer leur prêt et développer la coopérative. Celle-ci est toujours en création et les instances sont, en plus d'un lieu de prise de décision, un lieu d'apprentissage sur le modèle coopératif. Ils y apprennent de nouveaux éléments à chaque rencontre et les administrateurs tentent d'informer les membres dans un souci de transparence. Le changement de modèle leur permet d'ailleurs une meilleure participation à la vie de l'entreprise : « Il y a une souplesse qu'on n’avait pas, à cause du modèle. Là, le modèle est un peu plus souple. Qui permet beaucoup plus, moins de pression sur certaines choses, qui permet de travailler,

d'être léger et de faire ce qu'on aime faire et de bien le faire. Et, il y a un aspect que moi je ne voyais pas. On parle chiffre. On nous embarque dans le truc, tu sais. […] L'année passée on était à ça, maintenant on est à ça. On n’avait pas ça avant! » (Denis, Pantoute)