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DOCUMENTS D ’ URBANISME

5. Réalisation d’inventaires par les communes

Nous avons vu que la loi prescrit la réalisation d’une analyse globale de la situation existante portant entre autres sur le cadre urbanisé, et ce au moyen d’un inventaire. Le règlement grand-ducal du 28 juillet 2011 concernant le contenu de l’étude préparatoire d’un plan d’aménagement général d’une commune (chapitre 2) prévoit en sa première section une analyse globale de la situation existante qui doit impérativement comporter (article 3) certains points parmi lesquels la protection du patrimoine culturel peut être décelée. Il s’agit entre autres de la structure urbaine, des servitudes concernant la protection des sites et des monuments ainsi que l’environnement humain.

Une circulaire ministérielle n° 2719 relative à l’élaboration des plans d’aménagement généraux et l’inventorisation du patrimoine culturel bâti datée du 8 juillet 2008 a informé les communes qu’elles devront accepter une nouvelle mission.

Elle s’appuyait

- sur les articles 2, d et 7 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain ;

- sur l’article 10, 7° du règlement grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu de l’étude préparatoire à présenter lors de l’élaboration ou la mise à jour d’un PAG ;

- sur l’article 3 du règlement grand-ducal du 25 octobre 2004 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune.

La circulaire transmettait l’instruction aux communes de procéder à cette inventorisation dans le cadre des travaux de révision des plans d’aménagement généraux qu’elles étaient en train d’effectuer avec l’appui de bureaux d’études.

Un courrier daté du 22 septembre 2008 du SYVICOL (Syndicat des Villes et des Communes Luxembourgeoises) émet cependant l’opinion que les articles sur lesquels se base la circulaire « ne permettent cependant pas de conclure que les communes sont responsables de la réalisation d’un inventaire du patrimoine culturel bâti ».

Le même courrier remarquait que le projet de loi n° 4715 restait « complètement muet sur un éventuel rôle des communes en matière d’inventorisation, alors que son objet est justement de clarifier les procédures et les rôles des différents acteurs dans le domaine de la conservation du patrimoine ».

Le courrier insistait également sur la nécessité d’un « savoir technique pointu et [d’]une connaissance de l’histoire de l’art, de l’architecture et de l’histoire tout court du Luxembourg ».

Il soulignait avec force le besoin d’évaluation objective : « Il est illusoire de croire qu’en obligeant les bureaux d’études à s’adjoindre les services de personnes diplômées en architecture ou en histoire de l’art pour effectuer cet inventaire – même en dispensant à

ces dernières une formation rapide – un travail de qualité et une approche cohérente et harmonisée sur l’ensemble du territoire national puissent être assurés ».

Conformément à une de ses missions (Loi du 25 juin 2004 portant réorganisation des instituts culturels de l’État) qui lui demande « de proposer et de surveiller la création de secteurs sauvegardés ainsi que de plans d’aménagement d’agglomérations intéressant le patrimoine architectural national » (art. 16, point 8), le Service des sites et monuments nationaux est intervenu afin d’ « accompagner » les communes dans leur étude préparatoire au PAG. Un document reprenant la description de cet accompagnement et son état d’avancement a été publié par le SSMN. Ce document signale que « C’est avec son plan d’aménagement général qu’une commune doit ainsi définir quel sort elle réserve au patrimoine architectural (...) ».

Ce document du SSMN a été intitulé dans un premier temps « réalisation d’inventaires, ensemble avec les communes, des immeubles dignes de protection » puis dans un second temps « réalisation d’inventaires, par les communes, ensemble avec le Service des Sites et monuments nationaux, des immeubles dignes de protection ». Le premier intitulé laissait croire que la responsabilité de l’établissement d’inventaire reposait sur le service de sites et des monuments donc sur l’État, lecture qui s’oppose aux termes mêmes de la loi qui charge les communes d’analyser la situation existante.

Le SSMN « cherche le contact avec les communes, ceci afin de les sensibiliser pour les missions » que la loi et ses règlements d’application leur fait supporter. Dans le cadre des missions dont il est chargé en tant qu’institut culturel, il « accompagne et aide les communes en la matière ».

Le SSMN a proposé des formations, entrepris des tâches de communication, des entrevues et des analyses de terrain. Ces actions ont été « menées par le SSMN ensemble avec des représentants communaux dont beaucoup de maires ».

Le but étant que les communes repèrent et protègent par le PAG les immeubles et ensembles dignes de protection.

Le SSMN a également entrepris d’accompagner les communes dans la rédaction de la partie écrite de leurs PAG : définitions, raisons, secteurs en général, bâtiments à conserver, volume et alignement, sites et murs. Ainsi, le SSMN espère être associé lors des autorisations et avis lors, par exemple, de travaux de construction, reconstruction, agrandissement, etc.

Par exemple, le PAG de la commune de Betzdorf prévoit dans les “zones de secteurs sauvegardés” que « tous travaux de construction, reconstruction, agrandissement, transformation ou de rénovation ainsi que tout ajout d’élément nouveau, contribuant d’une façon notable à modifier l’aspect extérieur d’un bâtiment, définis dans les articles qui précèdent, peuvent être soumis pour avis au Service des Sites et Monuments Nationaux (SSMN) et à l’approbation du bourgmestre, qui s’oriente pour sa décision selon l’avis du SSMN. » (partie écrite des zones de secteurs sauvegardés, constructions à conserver et des alignements et volumes à respecter).

Les dispositions concernant l’aménagement du territoire ont eu pour conséquence de réorienter totalement la politique d’inventaire du SSMN. C’est lors des études préparatoires aux plans d’aménagement général des communes que se font désormais les enquêtes de terrain et l’inventorisation du patrimoine culturel bâti. Ce sont les communes qui sont censées endosser la responsabilité d’un tel inventoriage, puis de la protection dans leurs documents d’urbanisme et d’aménagement. L’État ne conserve

qu’un rôle d’accompagnateur en ce qu’il est exercé par l’institut culturel sous tutelle du ministère de la Culture, le Service des sites et monuments nationaux.

Il s’agit d’un changement complet d’orientation. La systématique et la cohérence d’un inventaire mené par l’État n’existent plus que dans une forme réduite, l’accompagnement des communes. La démarche descendante (top-down) établie au plus haut niveau de gestion des affaires publiques (l’État) n’existe plus que, en quelque sorte, de manière résiduaire. Il s’agit, à l’heure actuelle, d’une démarche qui pourrait être qualifiée d’ascendante (bottom-up), voire de mixte. Ce type de démarche, d’après la majorité des professionnels consultés, aboutit à un inventoriage hétéroclite et à un choix de biens susceptibles de protection dans beaucoup de cas plus partisan que scientifique. Il conduit, dans un pays aux dimensions territoriales réduites, à ne pas assurer à l’échelle du territoire de sélection harmonisée voire uniforme des biens susceptibles d’être protégés. Cela ne peut a fortiori déboucher que sur une protection inégale d’une commune à l’autre, au sens où cette protection, locale et par les plans d’aménagement général, dépend en définitive d’une décision politique elle aussi locale et empreinte d’opportunité.

C. LA POLITIQUE URBAINE

Il n’existe pas de politique urbaine explicite au Luxembourg. Toutefois, comme les questions urbaines revêtent une importance croissante, elles sont intégrées dans les réflexions qui ont lieu dans plusieurs domaines stratégiques de la politique nationale et locale. Ces politiques urbaines, si elles ne visent pas directement le patrimoine culturel, peuvent avoir un impact certain sur ce dernier.

Au niveau national et comme la politique urbaine a un caractère transversal, elle fait partie des compétences de plusieurs départements ministériels : le Département de l’Aménagement du territoire du Ministère du Développement durable et des Infrastructures (1), le Ministère du Logement en tant qu’autorité de tutelle du « Fonds pour le développement du logement et de l’habitat » dont la mission comprend la promotion de la qualité du développement urbain (2), ou encore le Ministère de l’Économie et du Commerce extérieur en tant qu’autorité de gestion des fonds FEDER (3).

Un certain nombre de documents politiques à caractère stratégique ont pris en considération la dimension urbaine. Ce fut le cas du Plan Directeur de l’Aménagement du Territoire et le concept intégré des transports et du développement spatial (IVL) Le Département de l’Aménagement du territoire du Ministère du Développement durable et des Infrastructures participe activement aux diverses activités organisées par les présidences successives de l’Union et s’efforce d’intégrer les thèmes et recommandations traités dans les projets et documents nationaux. L’initiation du projet de la Cellule nationale d’Information pour la Politique Urbaine (CIPU) en est un exemple. Son objectif principal est de permettre l’échange entre les discussions relatives à la politique urbaine du niveau européen et du niveau local, d’inciter les acteurs urbains locaux de participer à ces discussions et d’encourager la reprise des principes et objectifs discernés au niveau européen par le niveau local.

La dernière présidence allemande de l’Union s’est concentrée sur l’approche intégrée du développement urbain en élaborant la « Charte de Leipzig sur la ville européenne durable ». La présidence française à son tour a initié un processus de mise en œuvre de la charte de Leipzig en proposant d’élaborer un référentiel de la ville européenne durable, preuve d’une continuité dans les différentes contributions.

Parfois des projets plus concrets sont entamés au cours des présidences, comme par exemple le « réseau de connaissances européen dans le domaine de la politique urbaine » EUKN (European Urban Knowledge Network) qui a été élaboré par la Présidence néerlandaise et auquel le ministre luxembourgeois de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a décidé de participer dès 2004.

Les pôles urbains et le rôle des villes dans l’organisation territoriale

Trois pôles urbains sont à distinguer au Grand-Duché de Luxembourg : d’abord l’agglomération monocentrique de la capitale (Luxembourg-ville) et ensuite deux agglomérations polycentriques, l’une au sud dans l’ancien bassin minier (englobant les villes d’Esch-sur-Alzette, Differdange et Dudelange) et l’autre au nord, à savoir la « Nordstad » (réunissant les villes et les communes de Bettendorf, Colmar-Berg, Ettelbruck, Erpeldange, Diekirch et Schieren)216.

Les villes ou centres de développement et d’attraction, comme elles sont nommées dans le Programme Directeur, sont un élément constitutif pour la politique d’aménagement du territoire. Ces centres de développement et d’attraction (CDA) sont des centres urbains ou localités avec des équipements en services qui leur permettent d’assurer une fonction d’approvisionnement pour eux-mêmes et leurs alentours. L’ensemble des CDA forme ainsi un système hiérarchisé et cohérent se basant sur le principe de la déconcentration concentrée (telle que définie dans le Programme Directeur). Les trois types de CDA sont ceux d’ordre supérieur, ceux d’ordre moyen et ceux régionaux.

Le développement du territoire luxembourgeois se base donc sur un système de CDA qui, selon le principe du rayonnement des centres urbains, aura des répercussions sur les territoires adjacents. Vice versa on peut dire que tout développement d’une aire particulière passe par les CDA de la zone en question217.

Les principaux facteurs d’impact et défis du développement urbain sont multiples. Il s’agit non exhaustivement de la croissance démographique, de l’économie et du marché de l’emploi, du logement et habitat, de l’organisation territoriale et de l’urbanisation, de la mobilité et, enfin, de l’environnement urbain.

Il convient de souligner une transformation en profondeur de la société et les pressions qui en découlent sur l’environnement naturel et humain.

« Par goût et par tradition, la population luxembourgeoise aspire majoritairement à vivre dans une maison individuelle récente, construite en zone périurbaine et rurale, et dont elle est propriétaire. L’évolution du marché foncier, en termes de disponibilité et de prix du terrain, l’éloigne de plus en plus des centres urbains traditionnels. De nouvelles zones résidentielles, rubans de constructions le long des routes ou lotissements, se développent un peu partout à travers le pays. Ce phénomène, qualifié de « rurbanisation » en milieu rural, entraîne un « mitage » croissant des paysages naturels et amplifie la densification du réseau routier et autoroutier. « Cette transformation en profondeur que connaît la société luxembourgeoise dans son mode de vie, s’est traduite

                                                                                                               

216 MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR,DIRECTION DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE LURBANISME, Grand-Duché

de Luxembourg. Programme Directeur de l’Aménagement du Territoire, adopté par le Gouvernement

luxembourgeois le 27 mars 2003, Décision du Gouvernement en Conseil arrêtant le programme directeur

d’aménagement du territoire.

par une consommation d’espace sans précédent au cours du dernier quart de siècle. Cet étalement urbain résulte tout autant des nouvelles formes d’habitat très diluées déjà évoquées, que du développement de nouvelles zones d’activités, sans oublier la densification du réseau routier »218.

La conséquence première de cette vague d’urbanisation est une réduction continue et irréversible des espaces naturels et une régression du milieu rural proprement dit. De plus, ce phénomène entraîne insensiblement une perte des identités régionales et une « banalisation du territoire » à l’échelle du pays, qui résulte d’un traitement de moins en moins différencié des paysages urbains et naturels. »219

Quant à la qualité et aux modes d’utilisation des espaces naturels, plus spécifiquement à propos de la consommation en terrain qui augmente à un rythme élevé et du changement du caractère des paysages le constat qui était dressé valait pour la sauvegarde du patrimoine culturel. Le Programme directeur affirmait déjà qu’ « on assiste depuis deux décennies à une forte augmentation des dégradations et destructions du patrimoine archéologique et architectural, suite à la multiplication des chantiers de construction et à l’importante mécanisation des activités affectant le sous- sol. »220

Quant à l’équilibre entre la préservation du patrimoine ou la priorité du logement social, il semble bien précaire.

Dernièrement, une opposition s’est faite jour entre les ministères du Logement et de la Culture sur le sort à réserver à un ensemble d’immeubles situés sur le territoire de la commune de Diekirch. Les bâtiments formant cet ensemble ont été inscrits à l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux « en raison de leur intérêt historique, architectural et esthétique » et témoigne selon toute vraisemblance de l’histoire sociale, à tout le moins locale. Le nœud gordien est situé au niveau de l’efficacité énergétique de ces bâtiments qui augmenterait sensiblement la facture de ses locataires. La dite efficacité énergétique fait dire à certains qu’il faut sacrifier purement et simplement ces immeubles afin d’en construire d’autres plus efficace de ce point de vue. Du côté des experts du SSMN, pour la conservation de l’ensemble, il est tenu compte de l’énergie grise d’une éventuelle démolition, de l’intégration dans le paysage urbain, de l’intérêt culturel de l’ensemble, de la possibilité d’une rénovation douce. Du côté adverse, il est notamment fait état de l’insalubrité des bâtiments, de leur stabilité, du surcoût à la rénovation, de la densification – argument tiré selon le SSMN de l’argumentaire des promoteurs privés.

Cependant, il y a un pas qui a été franchi quand ceci peut être lu : « Pour les locataires qui comptent souvent le moindre euro à la fin de chaque mois, les considérations esthétiques sont un luxe réservé à ceux qui en ont les moyens » et finalement « Les Ayathollah des chefs d’œuvres en péril n’impressionnent personne, pas plus que leur théories fumeuses : comme si on choisissait de faire ses courses au Aldi ou d’habiter un HLM ». Cet extrait du d’Lëtzebuerger Land, n° 21 du 24 mai 2013221 appelle plusieurs réflexions tant la mauvaise foi et le manque de connaissance ne sauraient se combattre

                                                                                                               

218 Romain DIEDRICH, « Objectifs de l’aménagement du territoire au Luxembourg », in Raumordnung in

Luxemburg/Aménagement du territoire au Luxembourg, Éditions Guy Binsfeld, Luxembourg, 2011, coll.

OpenScience, p. 37.

219 Romain DIEDRICH, op. cit., p. 34.

220 Programme Directeur de l’Aménagement du Territoire, op. cit., p. 53.

221 Véronique POUJOL, « HLM en péril. Préservation du patrimoine ou priorité au logement social »,

par le silence. Le directeur du SSMN a légitimement exercé son droit de réponse dans le d’Lëtzebuerger Land du 7 juin 2013222.

Des rénovations douces ont déjà été accompagnées par le SSMN dans des cas similaires (CIPA Rham – Luxembourg-Ville).

Les possibilités de co-financement Fonds pour les monuments historiques et Fonds du logement doivent être soutenues permettant ainsi la réaffectation en logements sociaux d’immeubles qui ont un intérêt historique ou artistique au sens large.

D. L’EFFET RENFORÇANT DES RECOMMANDATIONS INTERNATIONALES

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