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L’intégration de la protection de l’environnement dans la Constitution luxembourgeoise

DOCUMENTS D ’ URBANISME

1. L’intégration de la protection de l’environnement dans la Constitution luxembourgeoise

La Constitution luxembourgeoise « organise les droits fondamentaux et les libertés publiques destinées notamment à protéger le citoyen contre d’éventuels excès de pouvoir de la part de l’État et elle détermine par ailleurs la façon dont s’exercent les pouvoirs de l’État »233.

Elle établit aux articles 113 et 95ter la hiérarchie entre ses dispositions et les lois qui doivent être « portées en sa vertu »234, c’est-à-dire celles-ci doivent être en tous points conformes à la Constitution (principe de la supériorité de la Constitution par rapport aux lois ordinaires). Ce principe implique que, d’une part, ni les lois édictées ni a fortiori les actes réglementaires pris par le pouvoir exécutif ne peuvent suspendre l’application de la Constitution, voire échapper à celle-ci, et, d’autre part, que les règles de la Constitution s’imposent à chaque loi prise en son exécution.235

La constitution constitue une des sources des règles nationales en matière de droit de l’environnement, avec les lois et les règlements, comme toutes les autres matières du droit.236

La révision constitutionnelle du 29 mars 2007 a introduit l’article 11bis dans la Constitution luxembourgeoise qui dispose que « l’État garantit la protection de l’environnement humain et naturel, en œuvrant à l’établissement d’un équilibre durable entre la conservation de la nature, en particulier sa capacité de renouvellement, et la satisfaction des besoins des générations présentes et futures (…)237 ». Il s’agit du seul

                                                                                                               

233 COUR ADMINISTRATIVE DE LUXEMBOURG, Le juge administratif et le droit de l’environnement, Congrès de

Carthagène, 2013, p. 1.

234 Ibid. 235 Ibid.

236 Le deuxième « pan » des sources nationales en matière de droit de l’environnement est constitué par les

lois et règlements ; les principales lois en vigueur en matière de droit de l’environnement, spécifiquement de droit du patrimoine naturel, sont :

- loi du 14 juillet 1983 portant approbation de la Convention Benelux en matière de conservation de la nature et de protection des paysages, signée à Bruxelles, le 8 juin 1982

- loi du 10 août 1993 relative aux parcs naturels

- loi du 31 mai 1999 portant institution d’un fonds pour la protection de l’environnement - loi du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles

- loi du 25 novembre 2005 concernant l’accès au public à l’information en matière d’environnement - loi du 24 juillet 2006 portant approbation de la Convention européenne du paysage, ouverte à la

signature, à Florence, le 20 octobre 2000

- loi du 20 avril 2009 relative à la responsabilité environnementale et à la réparation des dommages environnementaux

- loi du 5 juin 2009 portant création de l’Administration de la nature et des forêts

237 Le second alinéa de l’article 11bis dispose qu’ « Il [l’État] promeut la protection et le bien-être des

article de la Constitution luxembourgeoise consacré à la matière du droit de l’environnement et sa création révèle la prise en compte des « exigences de l’environnement naturel ».

L’introduction de cet article a sans doute pour origine la conjonction des exigences internationales et – surtout – communautaires sans oublier l’action de la société civile (groupements de défense de l’environnement entre autres) et l’opinion publique. Il semble intéressant d’analyser de manière succincte quelles sont les implications de son introduction dans la loi fondamentale du Luxembourg.

Il semble que celle-ci peut être interprétée comme la volonté de protéger le patrimoine naturel et également le cadre de vie, à tout le moins une partie de ce dernier.

La jurisprudence concernant cet article est sommaire. La Cour constitutionnelle s’est prononcée dans son arrêt 46/08 du 26 septembre 2008238 à propos des articles 5, al. 3 et 10 al. 3 de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la modification de constructions érigées dans la « zone verte » d’une commune subordonnées, d’une part, à autorisation du Ministre et, d’autre part, à une affectation conforme à la loi. Plus spécifiquement, elle a contrôlé la conformité de dispositions précitées aux articles 10bis al. 1, 11 al. 6, 11 bis et 16 de la Constitution.

Elle rappelle à l’occasion que l’ « article 11bis de la Constitution charge l’État de garantir la protection de l’environnement humain et naturel » et qu’ « en édictant une législation qui restreint la possibilité de construire des ouvrages dans certaines zones dignes de protection, l’État exécute la mission lui conférée par la disposition constitutionnelle en question ».

Elle souligne toutefois, eu égard à l’article 16 de la Constitution qui garantit la protection du droit de propriété et prohibe l’expropriation autrement que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, qu’ « un changement dans les attributs de la propriété qui est substantiel à ce point qu’il prive le propriétaire de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation ».

Cependant, en l’espèce, la Cour remarque que « loin de constituer une expropriation ou d’y équivaloir, les dispositions en question ne font qu’aménager voire alléger les interdictions qui résultent du classement d’un terrain en zone verte » et la Cour en déduit que les articles de la loi visée n’aboutissent pas à une expropriation et ne sont donc pas contraire à l’article 16 de la Constitution.

En l’occurrence, la Cour conclut que les articles visés de la loi modifiée du 19 janvier 2004 font partie de la législation ayant pour objet la protection de l’environnement humain et naturel, et que, conséquemment, ceux-ci ne sont pas contraires à l’article 11bis de la Constitution.

Le constat s’impose. La description du domaine que recouvre l’environnement humain et naturel n’a pas été entreprise ni par la jurisprudence – trop maigre en la matière – ni par la doctrine luxembourgeoise.

Il s’agirait de comprendre ce que recouvrent certains termes de l’article 11bis de la Constitution, spécialement si l’environnement humain peut être compris également au sens de « cadre de vie », et, par exemple, inclure le patrimoine architectural (protection du patrimoine culturel immobilier) ou l’esthétique du bâti.

                                                                                                               

L’article équivalent de la Constitution belge (art. 23) dispose que « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment : (...) 4° le droit à la protection d’un environnement sain ; 5° le droit à l’épanouissement culturel et social. »

Le libellé de cet article ne doit pas être lu de manière réductrice239 qui "pourrait donner à penser que le droit reconnu tendrait seulement à assurer la protection de la santé humaine contre les pollutions et ne se préoccuperait pas de la conservation de ces composantes de l’environnement que sont, d’une part, la faune et la flore et, d’autre part, le patrimoine architectural et les paysages"240. Les travaux préparatoires à la révision constitutionnelle montrent que le constituant aurait entendu donner à la notion d’environnement une portée très large entre autres « assurer un bon aménagement du territoire ». La jurisprudence a semble-t-il confirmé cette interprétation large: l’esthétique d’un paysage est incluse même si ce paysage n’a pas fait l’objet d’une mesure de protection particulière.

Les travaux parlementaires luxembourgeois disponibles ne font état que d’une discussion principalement sur la nature de l’obligation de l’État et, quant aux termes, sur la notion de « développement durable ». L’exposé des motifs du projet de révision initial de l’article 11 (n° 3923, 1994) signale que ce paragraphe vient « afin de concrétiser un engagement pris de longue date de consacrer le respect de l’environnement dans la Charte fondamentale » et « ce texte s’inspire de la Constitution bavaroise. »

Il s’agit d’un objectif à valeur constitutionnelle (Staatsziel) ; l’État aura donc une certaine marge de manœuvre pour veiller à l’équilibre entre la conservation de la nature, d’un côté, et les (autres) besoins des générations présentes et futures, de l’autre. Selon un des constitutionnalistes de l’Université du Luxembourg, la conservation du patrimoine culturel relève essentiellement du deuxième pôle et pourra donc se voir assigner des limites, si elle est susceptible de nuire à la protection de l’environnement naturel.

Il convient, en l’absence d’indications tangibles241, de ne considérer cet article comme ne protégeant qu’indirectement le patrimoine culturel sous l’appellation « environnement humain ». Il s’agit en outre ni plus ni moins d’une question d’interprétation.

Il s’agit à présent de s’interroger sur une éventuelle « constitutionnalisation » de la protection du patrimoine culturel au Grand-Duché de Luxembourg. Cette introduction dans la constitution avait, semble-t-il, été proposée par feu le Professeur Pierre Pescatore ; nous n’avons pourtant pas eu de confirmation « scientifique » à ce sujet.

                                                                                                               

239 Francis HAUMONT, « Le droit constitutionnel belge à la protection d’un environnement sain. Etat de la

jurisprudence », in RJ-E, n° spécial, 2005, p. 41

240 B. JADOT, « Le droit à l’environnement », p. 259, cité dans F. HAUMONT, op. cit., p. 42.

241 Le juriste luxembourgeois a pour habitude d’être plutôt pragmatique ; voy. à ce sujet « III. Le juriste »,

COLLECTIF D’AUTEURS DU GROUPE LUXEMBOURGEOIS DE L’ASSOCIATION HENRI CAPITANT, « Culture et droit civil

en Luxembourg », in ASSOCIATION HENRI CAPITANT DES AMIS DE LA CULTURE JURIDIQUE FRANÇAISE, Droit et culture : journées louisianaises, Bruxelles, Bruylant, 2010, (coll. Travaux de l’Association Henri Capitant

2. Le développement de la protection du patrimoine naturel : son

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