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AUTRES MÉCANISMES DE PROTECTION

3. L’expropriation pour cause d’utilité publique

La définition de l’expropriation pour cause d’utilité publique est la suivante. Il s’agit d’une procédure administrative et judiciaire par laquelle l’administration utilise son pouvoir de contrainte pour obtenir la propriété d’un tiers en vue de la réalisation d’un objet d’intérêt général.266 Il s’agit de la principale dérogation au principe de protection de la propriété privée.

Il apparait qu’il faut concilier deux droits distincts, l’intérêt public et le droit des particuliers ; cette opposition sera résolue moyennant juste et préalable indemnité attribuée au propriétaire privé de son droit.

L’article 16 de la Constitution, modifié récemment, prévoit que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant une indemnité, dans les cas et manières établis par la loi. » C’est le terme préalable qui a disparu après que la Cour constitutionnelle ait déclaré contraires à la Constitution les articles 28 et 36 de la loi du 15 mars 1979.

L’article 3 de la loi du 15 mars 1979 prévoit que « Les tribunaux ne peuvent prononcer l’expropriation qu’autant que l’utilité publique en a été déclarée dans les formes établies par la loi ».

Les formes de la déclaration consistent :

1) soit dans une loi, soit dans un arrêté grand-ducal pris après délibération du conseil de Gouvernement, le Conseil d’État entendu, lorsque l’expropriation est poursuivie à la demande de l’État ;

2) dans un arrêté grand-ducal pris après délibération du conseil de Gouvernement, le Conseil d’État entendu, lorsque l’expropriation est poursuivie à la demande d’une commune ou d’un établissement public et sur avis conforme du Conseil d’État, lorsque l’expropriation est poursuivie à la demande d’un établissement d’utilité publique ou d’un particulier.

L’utilité publique légitimant le recours à la procédure d’expropriation n’est pas définie par la loi.

                                                                                                               

265 L’abus de droit et les concepts équivalents : principes et applications actuelles, actes du 19e colloque de

droit européen de Luxembourg (6-9 novembre 1989), Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, 199).

266 Gaston VOGEL, Encyclopédie judiciaire de droit luxembourgeois, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 212 citant

R.M. à M. Collin, juncto débats Sénat, 19 mars 1992, suppl. T.O., p. 282 , J. Ferbos et A. Bernard, eod., p. 521.

La notion ne s’apprécie pas de manière abstraite, indépendamment d’un projet de travaux précis et de conclusion d’une enquête publique.

La doctrine luxembourgeoise renvoie aux revues de jurisprudence française en la matière. L’arrêt Ville Nouvelle Est (C.E. fr., 28 mai 1971) indique qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs en regard de l’intérêt qu’elle présente ».

Il s’agit d’effectuer « une mise en regard des avantages que comportera la réalisation de la finalité d’intérêt général et des inconvénients de l’expropriation hic et nunc ».267

L’examen de deux questions précède la pesée des avantages et des inconvénients du projet :

- Le projet répond-il bien à une finalité d’intérêt public

- L’expropriation était-elle bien nécessaire à la réalisation du projet.

L’expropriation constitue une grave atteinte au droit de la propriété qui ne peut être permise qu’en cas de nécessité absolue. Le juge administratif est appelé à apprécier s’il existe d’autres solutions que l’expropriation pour satisfaire le besoin d’intérêt public considéré, cette appréciation rentrant dans le cadre du contentieux de l’excès de pouvoir pour défaut d’utilité publique (CA 22-1-98)

L’expropriation pour cause d’utilité publique est clairement visée par le droit du patrimoine culturel luxembourgeois.

En vertu de l’article 6 de la loi du 18 juillet 1983, le Gouvernement en conseil peut poursuivre au nom de l’État l’expropriation d’un immeuble qu’il soit déjà classé ou qu’il soit proposé pour le classement. Les communes ont la même faculté.

L’État ou les communes peuvent faire de même pour les immeubles dont l’acquisition est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble qui est déjà classé ou qui est proposé pour le classement.

L’expropriation peut encore concerner, en tout ou en partie, des terrains, appartenant à des particuliers, sur lesquels, par suite de fouilles, de travaux, ou d’un fait quelconque, des vestiges, des inscriptions ou des objets pouvant intéresser l’archéologie, l’histoire ou l’art, ont été découverts. L’expropriation est poursuivie par le Gouvernement au nom de l’État (art. 30, loi du 18 juillet 1983).

Les prescriptions de la loi du 15 mars 1979 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique s’appliquent à la poursuite de l’expropriation.

La première conséquence est que l’utilité publique doit avoir été déclarée dans un arrêté grand-ducal pris après délibération du Gouvernement en conseil, le Conseil d’État entendu, lorsque l’expropriation est poursuivie à la demande de l’État ou d’une commune. De toute manière, l’expropriation s’opère par autorité de justice.

Les immeubles classés ayant fait l’objet d’une expropriation pour cause d’utilité publique peuvent faire l’objet d’une cession de gré à gré à des personnes publiques ou privées.

La disposition est plutôt surprenante tant il peut paraître paradoxal de procéder dans un premier temps à l’expropriation d’un propriétaire privé, pour cause d’utilité publique, et puis de rétrocéder le même immeuble à un autre propriétaire privé.

                                                                                                               

La ratio legis est que le législateur a estimé qu’un particulier pouvait en bien des cas être apte à assurer la conservation de l’immeuble protégé et de le réanimer de façon optimale.

L’État conserve des garanties car la rétrocession se fait moyennant un cahier des charges, approuvé par arrêté du Gouvernement en conseil, le Conseil d’État entendu, annexé à l’acte de cession.

Les travaux parlementaires montrent que les auteurs de la loi de 1983 estimaient qu’une véritable conservation du patrimoine culturel immobilier implique son intégration dans le cadre de la vie sociale et sa réanimation dans un contexte nouveau.268

La loi prévoit toutefois qu’une rétrocession n’est possible qu’après que l’ancien propriétaire aura été mis en demeure de présenter ses observations et de faire valoir son droit de préemption.

4. Le domaine public269

Il n’existe pas de définition légale du domaine public en droit luxembourgeois. Les orientations de la doctrine et la jurisprudence française et belge inspirent la jurisprudence luxembourgeoise en la matière.

Le tribunal d’arrondissement de Luxembourg dans une décision270 du 11 janvier 2008 considère « comme faisant partie du domaine public les biens qui sont affectés à l’usage du public, c’est-à-dire qui sont hors du commerce et ne peuvent faire l’objet ni d’une possession, ni d’une propriété privée ». Le tribunal estime que « les biens qui, par leur nature ou par leur aménagement, sont nécessaires à un service public » et ceux qui « sont directement affectés à la satisfaction d’un besoin public », font partie du domaine public.271

Trois critères sont mis en évidence par la définition272 : - l’appartenance à une personne publique ;

- l’affectation à l’utilité publique (affectation à l’usage direct du public ou à un service public) ;

- aménagement indispensable à l’exécution du service public de sorte que l’aliénation du bien compromettrait la continuité du service public.

Il en découle qu’il faut, pour qu’un bien meuble, par exemple, entre dans le domaine public, une décision de l’autorité compétente suivie d’une affectation réelle du bien meuble à sa destination, soit à l’usage de tous (bibliothèque publique, musée, etc.), soit à l’exécution des tâches de service public.273

Font partie du domaine public immobilier, notamment les cimetières, les églises, bibliothèques et musées publics, les statues ainsi que les fontaines décoratives.274

                                                                                                               

268 Doc. parl. 2191, exposé des motifs, page 2.

269 Marc THEWES, Thibault CHEVRIER, La gestion des biens du domaine public, conférence, 2010, 34 p., [en

ligne], http://www.droit.lu/wp-content/uploads/Domaine-public.pdf (page consultée le 25 novembre 2012) ; Rusen ERGEC, Droit public de l’économie en ce compris le patrimoine public, Luxembourg, ASBL Pasicrisie Luxembourgeoise, 2011.

270 Tribunal d’arrondissement de Luxembourg (3e Ch.), 11 janvier 2008, n° 95273 du rôle, jugement

n°5/2008, n.p.

271 Rusen ERGEC, op. cit., p. 202. 272 Idem.

273 Russen ERGEC, op. cit., p. 212. 274 Idem, p. 224

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