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AUTRES MÉCANISMES DE PROTECTION

B. L’ INTÉRÊT PUBLIC

2. Patrimoine culturel immatériel (UNESCO)

C’est par la décision 5.COM 6.27301 de novembre 2010 que, dans le cadre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a inscrit la procession dansante d’Echternach sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

La procession dansante d’Echternach est décrite comme suit : « Chaque année, le mardi de la Pentecôte (fête religieuse chrétienne), a lieu dans le centre-ville moyenâgeux [sic] d’Echternach, la plus ancienne ville du Luxembourg, la procession dansante d’Echternach (Iechternacher Sprangprëssioun). Documentée dès l’an 1100, la procession a pour fondement le culte de saint Willibrord, moine et fondateur de l’Abbaye d’Echternach, vénéré pour ses activités missionnaires, ses bienfaits et son don de guérir certaines maladies. Malgré l’opposition de l’Église due aux éléments païens de la procession, ses interdictions successives n’ont pas empêché son extension à la région entière et à toutes les catégories sociales. La procession commence de bon matin dans la cour de l’ancienne abbaye, en présence des plus hautes autorités ecclésiastiques du pays et de nombreux autres pays. Les chanteurs récitent des litanies, suivis de quelque 8 000 danseurs, divisés en 45 groupes selon un rituel transmis de génération en génération. Elle s’achève par un office dans la basilique. La procession actuelle est un événement religieux profondément ancré dans la tradition qui s’exprime par la prière, les chants et la danse, forme historique du culte. De nos jours, la procession, soutenue par les autorités civiles et religieuses, rencontre un succès croissant malgré la sécularisation, avec en moyenne chaque année 13 000 pèlerins provenant du Luxembourg et des régions avoisinantes. »302

L’UNESCO dans sa décision faisait remarquer les points suivants :

- l’ancrage dans la communauté d’Echternach de la procession dansante, transmise de génération en génération, procurant à ses participants et au public un sentiment d’identité et de continuité ;

- la possibilité que l’inscription de la procession dansante d’Echternach sur la Liste représentative puisse contribuer à sensibiliser à l’importance de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au Luxembourg et dans le monde entier, tout en favorisant le respect de la créativité humaine ;

- les diverses mesures de sauvegarde qui ont été prises à différents niveaux, telles que la création d’un musée de l’abbaye et d’un centre de documentation, proposées avec l’engagement exprès de la communauté et de l’État ;

                                                                                                               

300 Adoptés par la 17e Assemblée générale de l’ICOMOS le 28 novembre 2011.

301 Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, Comité intergouvernemental de

sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, document 5 COM, ITH/10/5.COM/CONF.202/Décisions, Cinquième session, Nairobi (Kenya), 15-19 novembre 2010, Décisions.

- que « le processus de candidature a impliqué la participation des autorités civiles et l’œuvre Saint-Willibrord, organisme responsable de la procession, et leur consentement libre, préalable et éclairé est démontré » ;

- que « la procession dansante d’Echternach est incluse depuis 2008 dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel tenu par la Commission nationale du Luxembourg pour la coopération avec l’UNESCO ».

L’État luxembourgeois est État partie à la Convention précitée (cf. supra). Celle-ci définit le terme « sauvegarde » de la manière suivante : « les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine ».

Pour rappel, la Convention prévoit à son point III « Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à l’échelle nationale » certaines mesures.

L’article 11 (« Rôle des États parties ») prévoit d’une part que l’État partie doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire et, d’autre part, que parmi les mesures de sauvegarde l’État s’engage à identifier et définir les différents éléments du patrimoine culturel immatériel présents sur son territoire, avec la participation des communautés, des groupes et des organisations non gouvernementales pertinentes.

L’article 12 concernant les inventaires prévoit quant à lui que « Pour assurer l’identification en vue de la sauvegarde, chaque État partie dresse, de façon adaptée à sa situation, un ou plusieurs inventaires du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire » et que « Ces inventaires font l’objet d’une mise à jour régulière ».

L’État partie a par ailleurs (§ 2) l’obligation, lorsqu’il présente périodiquement son rapport au Comité, de fournir des informations pertinentes concernant ces inventaires. L’UNESCO prévoit en outre d’autres mesures de sauvegarde à son article 13, cela pour assurer la sauvegarde, le développement et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel présent sur le territoire de l’État partie.

- adopter une politique générale visant à mettre en valeur la fonction du patrimoine culturel immatériel dans la société et à intégrer la sauvegarde de ce patrimoine dans des programmes de planification ;

- désigner ou établir un ou plusieurs organismes compétents pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire ;

- encourager des études scientifiques, techniques et artistiques ainsi que des méthodologies de recherche pour une sauvegarde efficace du patrimoine culturel immatériel, en particulier du patrimoine culturel immatériel en danger ;

- adopter les mesures juridiques, techniques, administratives et financières appropriées visant à :

• favoriser la création ou le renforcement d’institutions de formation à la gestion du patrimoine culturel immatériel ainsi que la transmission de ce patrimoine à travers les forums et espaces destinés à sa représentation et à son expression ;

• garantir l’accès au patrimoine culturel immatériel tout en respectant les pratiques coutumières qui régissent l’accès à des aspects spécifiques de ce patrimoine ;

• établir des institutions de documentation sur le patrimoine culturel immatériel et à en faciliter l’accès.

L’organisation internationale ajoute quelques obligations de moyens contenues dans l’article 14 à propos de l’éducation, de la sensibilisation et du « renforcement des capacités ».

L’État doit s’efforcer d’assurer la reconnaissance, le respect et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel dans la société, en particulier grâce à :

- des programmes éducatifs, de sensibilisation et de diffusion d’informations à l’intention du public, notamment des jeunes ;

- des programmes éducatifs et de formation spécifiques au sein des communautés et des groupes concernés ;

- des activités de renforcement des capacités en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et en particulier de gestion et de recherche scientifique ; et

- des moyens non formels de transmission des savoirs ;

L’État doit également d’une part maintenir le public informé des menaces qui pèsent sur ce patrimoine ainsi que des activités menées en application de la présente Convention ainsi que, d’autre part, promouvoir l’éducation à la protection des espaces naturels et des lieux de mémoire dont l’existence est nécessaire à l’expression du patrimoine culturel immatériel.

Enfin la Convention insiste sur la participation des communautés, groupes et individus (article 15).303

Il est à remarquer que le patrimoine culturel immatériel est intégré dans les considérations du Rapport du Groupe d’experts chargé de réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs publics et les communautés religieuses ou philosophiques au Grand-Duché de Luxembourg.304 Il aborde les fêtes religieuses (point IV, lettre P). Selon le rapport, celles-ci peuvent être l’occasion, comme les fêtes publiques et culturelles, d’interventions financières afin de prendre en charge les coûts de cérémonies, de réception, d’illuminations, d’installation de tribune, etc. Le rapport signale en outre qu’un article budgétaire intitulé « Fêtes publiques, religieuses et culturelles » est prévu à cette fin au sein du budget des Bâtiments publics ; le montant total (pour les fêtes publiques, religieuses et cultuelles) était de 137 057 euros en 2010 tandis que les budgets 2011 et 2012 étaient de 125 000 euros (projet de budget 2012). Les interventions sont toutefois limitées; l’intervention dans le cadre de fêtes religieuses se traduisant par des frais liés au Te Deum à la cathédrale à l’occasion de la fête nationale (5 000 euros) et la décoration florale à l’occasion de la fête patronale de la police (150 euros).

Plusieurs points sont à souligner.

                                                                                                               

303 Dans le cadre de ses activités de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, chaque Etat partie

s’efforce d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus qui créent, entretiennent et transmettent ce patrimoine, et de les impliquer activement dans sa gestion.

304 Rapport du Groupe d’experts chargé de réfléchir sur l’évolution future des relations entre les pouvoirs

publics et les communautés religieuses ou philosophiques au Grand-Duché de Luxembourg, commandé par le Département des Cultes du Ministère d’État, Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg, octobre 2012. p. 68.

Les communautés, les groupes et les organisations non gouvernementales n’ont pas pris part au processus de détermination des éléments du patrimoine culturel immatériel au Luxembourg.

L’inventaire national du patrimoine culturel immatériel tenu par la Commission nationale du Luxembourg pour la coopération avec l’UNESCO n’a qu’une existence théorique. Il n’est au demeurant pas accessible au public, par exemple sur l’Internet. Il n’y a pas d’organisme compétent désigné pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, alors même que plusieurs acteurs sont déjà présents, soit à l’échelle du territoire – la Section linguistique, de folklore et de toponymie (actuellement intitulée Section de linguistique, ethnologie et onomastique) de l’Institut Grand-Ducal –, soit dotées d’objets particuliers comme certaines associations sans but lucratif (par exemple en relation avec l’ONG Conseil International des Organisations de Festivals de Folklore et d’Arts Traditionnels, elle-même en relation avec l’UNESCO).

Nous ne sommes pas non plus au courant de programmes éducatifs à large échelle (nationale) destinés à sensibiliser la jeunesse à la protection du patrimoine culturel immatériel tant au Luxembourg qu’à l’étranger. Cependant, pour le cas précis d’Echternach, la création et le maintien d’un véritable centre d’interprétation, ainsi que l’implication des communautés n’est nullement négligeable et souligne à quel point d’autres efforts pourraient être consentis pour que l’État respecte du mieux possible ses engagements.

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