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1.2 La PMA au Québec : pratiques, méthodes et définitions

1.2.1 Au-delà du progrès, les enjeux sociaux

Depuis leur apparition, les nouvelles technologies reproductives, et la procréation assistée dans son ensemble, ont été l’objet de plusieurs critiques et ont soulevé de nombreux débats, lesquels peuvent à leur tour être considérés comme un témoin important de l’évolution et de la transformation des représentations liées à la famille et à la reproduction. Les enjeux soulevés concernent principalement: les risques physiques et psychologiques que comportent certaines

15 Sur son site internet, la clinique de fertilité Ovo dresse la liste de tout ce qui est dorénavant couvert par la RAMQ en matière de PMA : http://www.cliniqueovo.com/ovo-fertilite/index.asp?page=prix_couts_fertilite

techniques (pour la femme impliquée ou encore pour l’enfant à naître); l’encadrement des interventions pratiquées dans les cliniques privées et l’intervention technique sur la conception de l’être humain; la transformation des représentations sociales de la filiation; le risque de dérapage du désir d’enfant érigé en droit à l’enfant; la connaissance des origines pour les enfants nés d’un don de gamètes.

Dès la fin des années 1980, plus précisément en 1989, le gouvernement canadien met sur pied La

Commission Baird, chargée d’étudier les progrès de la médecine reproductive, d’évaluer ses

répercussions sur la santé et la recherche et de proposer des politiques et des mesures d’encadrement et de surveillance des pratiques dans les cliniques de fertilité. Après quatre ans d’études, la commission accouche de son rapport final16 dans lequel elle émet de multiples recommandations17. Au fil des ans, plusieurs de ces recommandations ont fait l’objet de contestations soit parce qu’elles ne respectaient pas les compétences constitutionnelles des deux paliers de gouvernement ou encore parce qu’elles n’arrivaient pas à rallier tous les acteurs impliqués. À ce jour, l’encadrement des activités cliniques fait toujours défaut et la plupart des pratiques demeurent non réglementées ou sont laissées entre les mains des cliniciens. Avec l’entrée en vigueur récente de la Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de

procréation assistée, cette situation pourrait progressivement changer puisque le gouvernement

du Québec prévoit un meilleur encadrement et une supervision plus étroite des activités médicales des cliniques de fertilité.

Avant même la mise sur pied de la Commission Baird, le Conseil du statut de la Femme s’intéressait à la procréation assistée et cherchait à sensibiliser la population aux enjeux relatifs aux nouvelles technologies reproductives et à leurs impacts sur l’intégrité physique et l’autonomie reproductive des femmes. Dès 1987, le Conseil organise un forum international sur

16 CANADA - COMMISSION ROYALE SUR LES NOUVELLES TECHNIQUES DE REPRODUCTION, 1993,

Un visage à prendre en douceur : Rapport final de la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, Ottawa : La Commission.

17 Le rapport recommandait la mise sur pied d’une commission nationale sur les techniques de reproduction dont le rôle serait de mieux encadrer les services et les pratiques dans les cliniques de fertilité. Il recommandait également de criminaliser le clonage, la vente d’ovules, de sperme ou d’embryons et la commercialisation des mères porteuses. Le comité se positionnait en faveur du financement de la PMA par le régime d’assurance maladie, mais de façon restrictive : selon lui, les inséminations artificielles devraient être gratuites et accessibles à toutes les femmes, mais l’accès à la FIV devrait être limité aux femmes qui ont les trompes bloquées.

la question des nouvelles technologies de reproduction18 et s’interroge sur les impacts relatifs à la médicalisation et à la technicisation de la reproduction19. Au même titre que la Commission Baird il y a un peu plus de vingt ans, le Conseil réclamait (et réclame toujours) un meilleur encadrement des techniques de procréation assistée. Il déplore que l’on fasse miroiter les performances de certains traitements contre l’infertilité sans avoir au préalable étudié en profondeur les conséquences possibles de certaines technologies sur la santé des femmes ou des enfants à naître. Dans son dernier avis (2010) le CSF commente l’adoption du projet de loi 26 (Loi sur les activités cliniques et de recherche en matière de procréation assistée) sur quatre de ses aspects : d’abord, il rappelle la nécessité de prévenir les problèmes d’infertilité et de mieux informer la population de la baisse de la fertilité féminine avec les années; il s’inquiète des problèmes de chevauchement du secteur public et du secteur privé dans l’octroi des services en procréation assistée; il mentionne l’importance de se doter de structures de contrôle et d’évaluation des techniques pratiquées; et finalement, il relève l’absence de référence au droit des enfants à connaître leurs origines et propose de réfléchir à une solution pour ces enfants (CSF 2010). Notons également que le CSF ne s’oppose pas au financement de la procréation assistée, mais déplore l’absence de consultations publiques et le flou entourant les normes qui doivent encadrer le financement et la pratique de la PMA.

Récemment, la Commission de l’éthique de la science et de la technologie20 (CEST) s’est elle aussi penchée sur la question de la procréation assistée en abordant trois de ses pratiques : le don de gamètes et le don d’embryons, la gestation pour autrui et le diagnostic préimplantatoire. La Commission, dont le mandat était d’analyser les enjeux éthiques et les valeurs de la société qui y sont reliées en matière de PMA, met en évidence dans son rapport les intérêts parfois divergents

18 FORUM INTERNATIONAL SUR LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE LA REPRODUCTION, 1988,

Sortir la maternité du laboratoire : actes du forum international sur les nouvelles technologies de la reproduction organisé par le Conseil du statut de la femme et tenu à Montréal les 29, 30 et 31 octobre 1987 à l’Université Concordia, Québec : Le Conseil.

19 En contexte québécois, les travaux précurseurs de L. Vandelac (1987, 1994, 1996) et les études empiriques de F. R. Ouellette (1987) et de G. Daudelin (1991) sur les questions d’infertilité, de procréation assistée et sur les enjeux qu’elles impliquent ont participé à une meilleure connaissance du contexte social dans lequel a évolué et s’est développée la PMA au Québec.

20 COMMISSION DE L’ÉTHIQUE DE LA SCIENCE ET DE LA TECHNOLOGIE, 2009, Éthique et procréation

assistée : des orientations pour le don de gamètes et d’embryons, la gestation pour autrui et le diagnostic préimplantatoire, Québec, 234p.

des acteurs impliqués dans la PMA et propose de privilégier le bien-être de l’enfant, la dignité de la personne humaine, l’égalité, l’autonomie reproductive et la vie privée. Elle rappelle que le ‘‘droit à l'enfant’’ n’a pas d’existence légale et que le gouvernement n'a pas à répondre aux demandes de tous les couples qui veulent un enfant: « l’accès aux techniques de procréation

assistée n’est plus seulement lié à un diagnostic d’infertilité, mais repose, de manière plus large, sur le désir d’avoir un enfant. Graduellement, le désir d’enfant tend à vouloir se transformer en un ‘‘droit à l’enfant’’ et comporte donc le droit d’utiliser tous les moyens possibles afin d’en bénéficier » (CEST 2009 : xvi). Au final, la Commission formule 19 recommandations dans son

rapport. En mars 2010, Edith Deleury, Présidente de la CEST, dans une lettre d’opinion publiée sur le site même de la Commission21, soutenait que la décision du gouvernement de doter le

Québec d’un système universel en matière de procréation assistée et d’inclure les traitements de fertilité dans la liste des services de santé offerts gratuitement allaient à l’encontre de l’esprit des analyses proposées à travers les recommandations de la Commission. En effet, celle-ci insistait sur la nécessité de demeurés prudents et sélectifs quant aux promesses de financement de la procréation assistée.

Si la PMA s’est, jusqu’à ce jour, principalement préoccupée de répondre au désir d’enfant des parents, elle devra, dans les années à venir, reconsidérer ses positions et se préoccuper davantage des droits et des intérêts des enfants à naître. Cette question est d’ailleurs au centre de nombreux débats concernant la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes: de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer que les règles qui régissent l’accès à l’information pour ces enfants soient les mêmes qu’en adoption.

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