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1.3 L’adoption en contexte québécois

1.3.1 L’enfant au centre : les nouveaux défis de l’adoption

L’adoption, en tant qu’institution sociale, ne date pas d’hier. Elle constitue une pratique quasi universelle de prise en charge d’un enfant par des personnes qui ne sont pas ses parents biologiques mais qui le traitent selon les normes locales de relations parent-enfant. Par contre, au fil des décennies, tant sur le plan local qu’international, l’adoption s’est transformée; elle est plus

30 Les procédures administratives et judiciaires concernant la décision d’adoption diffèrent selon que le pays d’origine de l’enfant est un État signataire ou non de la Convention sur la protection des enfants et la coopération en

matière d’adoption internationale. Si le pays d’origine de l’enfant a ratifié la Convention de La Haye, la décision du

pays pourra être reconnue administrativement par le Secrétariat à l’adoption internationale (SAI). Si le pays d’origine de l’enfant n’a pas ratifié la Convention de La Haye, la décision devra alors être reconnue légalement par la

Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

31 À titre informatif, voir annexe 7: une mère adoptive sur le site de l’Association des Familles Québec-Asie présente la ventilation des frais liés à un projet d’adoption en Chine.

encadrée et mieux surveillée, mais aussi de plus en plus centrée sur les besoins et la protection de l’enfant.

Sur le plan local, c’est-à-dire en contexte québécois, les cadres juridiques et sociaux dans lesquels l’adoption est aujourd’hui pratiquée diffèrent passablement de ceux du ‘‘temps des crèches’’ et les enjeux que l’adoption domestique recouvre se sont, eux aussi, considérablement transformés. Portées par le mouvement de contestation de plusieurs enfants adoptés entre les années 1920 et 1970 (mouvement Retrouvailles), les revendications liées au droit d’accès aux informations sur ses origines sont aujourd’hui jugées recevables et fondées. Plus encore, elles sont souvent considérées comme essentielles à l’équilibre identitaire. Parallèlement, les pratiques de confidentialité imposées par les autorités sont de plus en plus critiquées et considérées comme allant à l’encontre de l’intérêt de l’enfant et de son droit légitime à connaître sa famille biologique. Plus récemment, les revendications liées au droit de connaître ses origines s’appuient aussi sur des arguments liés à la santé et à la prévention médicale; ainsi, plusieurs adoptés réclament le droit de connaître leurs antécédents médicaux.

Les nombreux enjeux que pose l’adoption locale sont d’ailleurs bien illustrés dans les propositions émises dans le nouveau projet de loi déposé en octobre 2009 et qui s’intitule : Loi

modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives en matière d’adoption et d’autorité parentale. Ce projet de loi vise à actualiser les règles qui régissent l’adoption au Québec et

contient différentes propositions de modifications au Code civil qui se déclinent en quatre directions principales: il propose de modifier les règles régissant la confidentialité des dossiers d’adoption, de revoir les dispositions relatives à la délégation judiciaire de l’autorité parentale et d’introduire l’adoption ouverte (ententes de communication) et l’adoption sans rupture du lien de filiation d’origine. Le projet de loi, toujours à l’étude à l’heure actuelle, témoigne tout de même des transformations et des réflexions qui touchent actuellement le régime d’adoption au Québec. L’ensemble des acteurs impliqués32 appuie l’initiative de modernisation du régime québécois

d’adoption et admet la nécessité pour la société québécoise de s’ouvrir à des formes alternatives d’adoption et de mettre en place un ensemble de solutions adaptées aux besoins de chaque enfant.

32 Pour de plus amples détails sur ce projet de loi et sur les positions tenues par les différents acteurs entendus lors de la Commission parlementaire, voir Chateauneuf et Ouellette (2010).

Le programme d’adoption en Banque mixte, auquel ont d’ailleurs recours de plus en plus de couples infertiles, pose lui aussi sa part de questionnement. Guidé par un principe directeur qui est celui du meilleur intérêt de l’enfant, le processus d’adoption en Banque mixte pose la question des relations entre les membres du triangle adoptif et interroge la valeur des liens impliqués. Les positions tenues par les différents partis (parents adoptifs, parents biologiques, intervenants, adoptés) reposent principalement sur le principe du respect des droits de l’enfant et l’idée selon laquelle toute décision le concernant doit d’abord être prise en fonction de son intérêt et de son bien-être fait l’unanimité. Par contre, tous ne s’entendent pas sur la définition du concept du ‘‘meilleur intérêt de l’enfant’’ ou encore de celui de ‘‘préservation des liens d’appartenance significatifs’’, d’où certaines divergences d’opinions: Qu’est-ce qu’un lien ‘‘significatif’’ et quels critères doivent être privilégiés pour le définir? Quelle valeur doit être accordée aux liens biologiques et au maintien de certains liens entre l’enfant adopté et sa famille d’origine? Alors que certains considèrent leur conservation déterminante sur le plan identitaire, d’autres s’inquiètent de l’impact et des répercussions que pourraient avoir ces types d’adoptions sur le lien d’attachement entre l’enfant adopté et ses parents adoptifs.

Sur le plan international, les structures organisationnelles qui encadrent l’adoption se sont surtout préoccupées de superviser et de contrôler la circulation des enfants adoptés, de manière à éviter toute forme de marchandage ou de trafic d’enfant. Actuellement, le principal outil d’encadrement de l’adoption internationale demeure la Convention de La Haye (Convention sur la protection des

enfants et la coopération en matière d’adoption internationale) laquelle a été à ce jour ratifiée par

83 États, donateurs et receveurs d’enfants. Les dispositions de la Convention s’appuient sur la recherche de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de ses droits fondamentaux et, plus globalement, sur les principes reconnus par la Convention des Nations Unies sur les droits de

l’enfant (1989). Dans son préambule, la Convention de La Haye se positionne en faveur du

maintien de l’enfant dans sa famille ou son État d’origine : à ce titre, elle rappelle que « chaque

État devrait prendre des mesures appropriées pour permettre le maintien de l’enfant dans sa famille d’origine » et n’envisager l’adoption internationale qu’en dernier recours. De plus, les

États signataires de la Convention ont la responsabilité de s’assurer que « les personnes,

conseils nécessaires et dûment informées sur les conséquences de leur consentement et qu’elles ont donné librement leur consentement dans les formes légales requises ».

Si la Convention de La Haye permet effectivement un meilleur encadrement de l’adoption internationale, le fait que les enfants adoptés continuent de circuler à sens unique, c’est-à-dire des pays du Sud vers les pays du Nord, donc des pays plus pauvres vers les pays plus riches, demeure un objet de controverse. De plus, la question du droit à la connaissance de ses origines et la tendance à l’ouverture, déjà très présentes sur le plan local, pénètrent progressivement les fondements de l’adoption internationale33. Il semble d’ailleurs réaliste de penser qu’au cours des

prochaines années, les autorités devront déployer des efforts supplémentaires pour s’assurer que les enfants adoptés puissent, s’ils le désirent, obtenir des informations supplémentaires sur leurs parents biologiques.

33 Concernant l’existence d’informations relatives aux origines de l’enfant adopté et l’accès aux dossiers d’adoption, les situations sur le plan international varient énormément d’un pays à l’autre. D’un côté, le fait que l’adoption internationale implique plusieurs procédures officielles facilite dans certains cas le repérage et l’identification de la famille biologique de l’enfant si celui-ci en fait la demande. Par contre, les législations nationales diffèrent d’un pays à l’autre en ce qui a trait aux règlements régissant la confidentialité et la gestion des dossiers d’adoption, ce qui mène à certains écarts entre les pays.

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