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2.2 La famille en Occident

2.2.1 Liens familiaux, liens filiatifs

Principe de reconnaissance des liens qui unissent les individus issus les uns des autres (Tahon 1995)15; lien juridique qui unit l’enfant à son père et à sa mère et qui l’introduit dans un espace

14 Ingoldsby (1995), tente de retracer l’évolution de la famille du temps des anciens Hébreux jusqu’aux évolutions européennes et coloniales : il mentionne que dans toutes les périodes historiques, les guerres ont poussé les femmes dans les sphères d’économie et conduit à plus d’égalité dans le mariage, donc à de meilleurs droits pour celles-ci. Au cours du 20ième siècle, les deux guerres mondiales auraient particulièrement contribué à l’avancement des droits des

femmes.

15 L’auteur souligne qu’à bien des égards, les règles de filiation que les humains se donnent sont là pour gommer l’incertitude masculine. En ce sens, ces règles réfèrent directement à la capacité humaine de produire des rapports symboliques. Comme la gestation impose la certitude du lien biologique de l’enfant avec sa mère et, inversement, l’incertitude du lien biologique de l’enfant avec son père, la primauté presque universelle du principe masculin dans la filiation « illustre d’une certaine façon les montages, les artifices auxquels les humains recourent pour faire

généalogique culturellement construit (Joyal 2006); lien nécessaire et de droit dont dépend la reconnaissance de la place de l’enfant dans la famille et dans la société (Héritier 1985 : 6); mélange de réalité, de fiction et de volonté (Delaisi de Parseval et Verdier 1994) ou encore acte de reconnaissance qui exprime le passage de la reproduction physique à la reproduction sociale (Cadoret 2001-b), la filiation est généralement définie à partir de l’articulation d’éléments biologiques, juridiques, sociaux et affectifs et a pour objectif, selon Verdier (2001), non pas tant d’établir la vérité biologique que d’organiser la reproduction sociale et d’établir des règles de transmission (2001 : 125). En ce sens, la filiation a une fonction symbolique de transmission qui va bien au-delà de l’engendrement : « la filiation ne se confond pas avec l’engendrement et

distingue toujours entre géniteur et père et qui plus est entre génitrice et mère : il n’y a, en matière de filiation et de parent, d’usage que social » (Héritier Augé 1989). La filiation pose

aussi la question du lien entre le passé et le présent dans le champ de la parenté. Elle inscrit l’individu dans le temps long et dans une lignée composée de morts et de vivants. Elle est, selon Segalen (2008), ‘‘la clef du lien entre morts et vivants’’ : « Chaque société a tenu à réglementer

ce lien qui dit de qui tout un chacun est fils ou fille, et quels sont les droits et devoirs associées à cette position généalogique » (2008 : 140).

Dans nos sociétés, le système de filiation est bilatéral (ou cognatique)16 et fondé sur le modèle généalogique, c’est-à-dire qu’il s’appuie sur un principe d’exclusivité, selon lequel « chaque

individu n’est mis en position de fils ou de fille que par rapport à un seul homme et à une seule femme » (Ouellette 1998 : 157). Ce même modèle généalogique, parce qu’il est étroitement

calqué sur la reproduction biologique sexuée, crée une tendance à la naturalisation de la parenté et de la filiation. Mais de plus en plus, le modèle filiatif de nos sociétés occidentales cherche à répondre aux demandes prenant appui sur le droit à l’égalité des personnes et sur la reconnaissance des droits individuels (Lavallée 2005-b : 214-215). Le réaménagement, voire l’ébranlement, des facteurs inhérents de la filiation crée une situation qui rend difficile l’établissement d’un « consensus social sur un système cohérent de filiation parmi l’ensemble des 16 À l’exception du nom qui est transmis en filiation patrilinéaire, nous sommes en régime de filiation indifférenciée (aussi appelée cognatique ou bilinéaire), puisque tous les descendants d’un individu font partie de son groupe de parenté, sans différenciation fondée sur le sexe (Segalen 2002 : 64). Concernant la transmission du nom de famille en contexte québécois, le Code civil, et ce depuis 1980, permet aux parents, mariés ou non, de donner à leurs enfants, le nom du père, celui de la mère ou un nom composé.

possibles » (Collard 2005-c : 143). Les sociétés occidentales assistent actuellement à la

multiplication des cas où les composantes de la filiation se délient les unes des autres alors qu’elles ont toujours paru indissociables : c’est ce que Théry a nommé ‘‘le démariage’’ (Théry 1993, 1996, 2007). En Occident, la filiation se transforme et évolue selon les contextes historiques: elle navigue entre les composantes biologiques, affectives et parentales. Par exemple, la paternité biologique, considérée historiquement comme plus incertaine que celle de la mère, gagne en certitude17 alors que la définition de la maternité se complexifie sous l’impact des

nouvelles technologies reproductives.

Les nouvelles formes familiales des sociétés euro-américaines nous obligent à réfléchir aux fondements de notre parenté et à nous questionner sur les liens entre conjugalité, reproduction et filiation. Dans une étude portant sur le souvenir des morts dans les familles françaises et sur l’importance que les individus accordent à leurs parents défunts, Déchaux (1997) reconnaît les transformations des relations familiales sous l’impulsion de l’individualisme, mais insiste sur le caractère continue de la filiation. Selon lui, le lien de filiation, contrairement à ce que laisse entendre la thèse de l’individualisme familial et en dépit des changements qui le touchent, n’est pas irréductible à la temporalité individuelle. Le lien de filiation continue d’être un vecteur de la transmission, tout comme il continue d’être porteur d’un symbolisme qui lui appartient et qui répond aux interrogations fondamentales sur l’identité et la mort (et ce, même si ‘‘ce symbolisme

relève aujourd’hui davantage de la conscience personnelle que d’un éthos familial personnel et partagé’’) (Déchaux 1997).

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