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Chapitre 3 – L’enfant allophone à l’école

3.2 Le vécu de l’entrée à l’école des enfants allophones

3.2.5 Pratiques enseignantes

Les études sur les pratiques et les postures enseignantes en situation d’accueil des enfants issus de l’immigration, migrants ou allophones soulèvent rarement la triangulation entre l’entrée à l’école, l’enfant allophone et la pratique professionnelle.

L’étude de Picchio et son équipe (2014) précise l’importance de soutenir et d’accompagner les enfants dans leurs activités, d’être présent et impliqué dans leurs jeux et occupations, d’être des « médiateurs des sentiments » et des « médiateurs des conflits entre pairs ». Le cadre et les durées d’activités bien délimités aident les enfants à minimiser les imprévus ce qui est rassurant pour eux. Le respect du rythme d’acquisition de la langue de chaque enfant apaise aussi les angoisses. Certains nécessitent le silence et/ou l’absence de parole (parfois mutisme) pendant plus longtemps que d’autres. Les moments exempts de parole leur permettent d’assimiler et métaboliser la quantité importante d’expériences qu’ils vivent à l’école.

L’approche du « même », c’est-à-dire mettre l’accent sur la ressemblance plutôt que sur la différence, rassure et réconforte les angoisses des familles migrantes et de leurs enfants (Rosenbaum, 2010). Lorsque les professionnels se présentent comme similaires, ils proposent une intersection, une approche avec laquelle les migrants peuvent s’identifier, ce qui enclenche la confiance dans la relation (ibid., p.97) :

En m’appuyant sur les premières balises déjà identifiées et reconnues par les enfants, je me présente au couple comme une professionnelle qui s’occupe des difficultés de communication, qui a un vécu de migrante et qui peut, peut-être, comprendre « un peu » leur histoire par l’histoire de ma propre famille marquée par l’antisémitisme.

Sans passé migratoire, comme celui de Francine Rosenbaum, les professionnels peuvent néanmoins assimiler son approche qui témoigne d’ouverture, d’intérêt, de douceur, et d’honnêteté, essentiels dans la relation. Enfin, des outils et des supports peuvent combler le vide généré par l’absence de parole et encourager la communication entre les professionnels et les enfants : les animaux en peluche, les marionnettes ou les livres d’histoire sont rassurants pour les enfants et ils renseignent les professionnels sur ce qui se passe dans leur monde interne (Rosenbaum, 2010) Sébastien Chapellon (2011, p.218), psychologue et coordinateur d’un groupe de parole dans le cadre d’un réseau éducatif guyanais ajoute :

Nous pensons en effet qu’un certain don de soi, un « don de simple humanité », comme dit Paul Fustier (2000, p. 104), peut aider à briser la glace. Il rend préhensible notre altérité, quand l’omniprésence d’une « paranoïa culturelle » (Green, 1990, p. 257) bloque les liens. De facto le cadre valide devient celui par lequel on réussit à « accrocher » la famille.

Pour conclure, l’enfant allophone à l’école relève des problématiques liées au rapport à l’ « Autre », perçu des points de vue de la migration, de l’étranger et de la barrière de la langue, ce qui influence ses relations. La barrière de la langue met en péril ses relations (ainsi que la relation entre les personnes qui l’accompagnent) et renforce le sentiment d’impénétrabilité. A l’entrée à l’école, leurs réactions sont excessives ou exempt de grande ampleur, mais souvent accompagnées d’angoisses parfois retardées. La bienveillance, l’attention portée au vécu de l’autre, l’humanité et la tolérance dans les échanges entre les parents et les enseignant-e-s appuient le

Chapitre 3 – L’enfant allophone à l’école

sentiment de confiance des parents à l’école et encourage le bien-être de leurs enfants.

4 Chapitre 4- Comprendre les angoisses chez les enfants allophones qui entrent à l’école

es enfants de 3-4 ans communiquent essentiellement non-verbalement (Wittenberg, 2001). Dans leurs expériences qui précèdent l’entrée à l’école, les nouveau-nés, les bébés, puis les jeunes enfants apprennent à décoder et à comprendre le monde à travers les réactions des personnes de leur entourage proche : leurs parents, leurs frères et sœurs et leurs camarades. Waddell (2002, p.50) explique que les premières relations du bébé construisent le « prototype de relations futures, les modes d’apprentissages […] et la capacité à la sincérité et à la confiance entre soi et autrui ». Autrement dit, la manière des enfants de vivre les interactions, les situations et les changements avec les pairs et les adultes qu’ils rencontrent à l’école sont en lien avec leurs expériences précoces conscients et inconscients et surtout des états émotionnels qui les accompagnent. Comprendre le vécu émotionnel, relationnel et développemental des enfants qui entrent à l’école, leurs réactions, leurs angoisses ne peuvent être pensés séparément des expériences qu’ils ont connues au cours des premières années de vie. Ce chapitre étaye cette pensée suivant un raisonnement orienté autour des ensembles développementaux et relationnels qui construisent le bébé puis le jeune enfant.

4.1 Le développement du monde interne suivant Mélanie Klein et les psychanalystes post-kleiniens

4.1.1 Les prémices du développement du monde interne

Selon la tradition britannique de la psychanalyse kleinienne, les enfants se construisent à partir d’expériences relationnelles avec la mère, le père et l’entourage proche. Mélanie Klein est l’une des premières psychanalystes à penser les vécus émotionnels inconscients des nourrissons. A partir de sa pratique clinique avec des jeunes enfants, elle conçoit sa théorie du développement infantile psycho-affectif.

Selon elle, le bébé n’arrive pas dans un premier temps, à identifier une personne, une mère toute entière, mais il est en relation avec le sein (Klein, 1955a), les yeux, la voix, l’odeur, le toucher, les bras qui l’entourent. Il s’apaise par le rythme du balancement, par le mamelon dans la bouche ou encore par le battement du cœur de sa mère qu’il perçoit sur sa poitrine. Si tout va bien, le sein (le biberon) est vécu par le bébé comme source de nourriture physique, émotionnelle et mentale. Il apaise le corps, procure du bien-être et un sentiment d’union et remplit d’un sentiment de sécurité. Le bébé réagit particulièrement fort à la présence et à l’absence des parties de sa mère qui le réconfortent et qui le frustrent.

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