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Chapitre 6. Terrains et méthodes

6.5 Le traitement des données – codage et analyse

Les centaines de pages de récits d’observations, les retranscriptions d’entretiens, les questionnaires et les échelles relationnelles remplies ont généré une masse de données considérable qui paraissait difficile à organiser. Mukamurera et son équipe (2006, p.116) explique à ce propos que :

La force de chaque type de logique inductive réside dans l’organisation, l’interprétation et la création de sens, autrement dit, elle permet l’ouverture de la boîte noire à l’aide d’une logique énonçable, et donc discutable par le champ scientifique.

6.5.1 Codage et analyse des observations – vers la genèse des portraits Le codage et l’analyse des observations étaient un travail de longue haleine.

Rappelons que dans l’enquête exploratoire dans la banlieue fribourgeoise, nous avons repéré des éléments de classification, de codage et d’analyse. Rappelons aussi que notre ancrage dans la Grounded Theory prévoyait l’ouverture au terrain et à ce qui y émerge, encourageant l'élaboration des catégories de manière concentrique (Guillemette, 2006). Pour illustrer notre démarche, voici un schéma sur le procédé de codage et d’analyse des observations ainsi que des catégories émergeantes :

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Tableau 5 : Démarche de codage et d’analyse des observations

Tableau 6: Les catégories émergeantes

Chapitre 6. Terrains et méthodes

Alors que nous posions chaque fois un regard neuf sur un terrain, la transition, l’expérience émotionnelle et relationnelle ou encore « l’allophonie » étaient toujours centrales à la compréhension des phénomènes observés. Nous pourrions imaginer que ceci était induit par la place qu’occupent ces questions dans notre étude.

Cependant, l’émergence d’autres catégories distinctes dans chaque contexte parait confirmer que nous avons réussi à garantir une certaine ouverture et neutralité dans la démarche de codage.

Du point de vue méthodologique, nous avons prévu de procéder à un double codage pour maximiser l’objectivité et d’éventuelles erreurs d’interprétation imputables à la subjectivité du codeur. Cependant, nous avons abandonné cette option pour plusieurs raisons. N’ayant pas de connaissances préalables du terrain et de ses acteurs, le codeur codait les lieux et les personnes mais délaissait les enjeux émotionnels et relationnels. De plus, n’ayant pas été formé à la méthode d’observation Bick-Tavistock, il était peu enclin à identifier les mécanismes inconscients qu’elle rend visibles. Nous avons pensé que bien que subjectif, notre codage était contrôlé et validé par les discussions supervisées, ce qui rendait une certaine légitimité à la démarche.

Le codage et l’analyse des observations avait pour objectif de dresser des portraits des enfants allophones et n’avait nullement la finalité de produire des catégories rigides pour généraliser les phénomènes rencontrés. Notre intention était de systématiser et d’ordonner le matériel recueilli, pour lui donner du sens et le rendre accessible et pensable. Les portraits présentent, en quelque sorte, des versions réfléchies et métabolisées des hypothèses qui émergeaient des discussions et qui se vérifiaient au fil du temps formant des grilles de lecture des vécus des enfants et de leur évolution.

6.5.2 Codage et analyse des questionnaires et des entretiens58

Dans l’analyse, nous avons procédé à l’identification d’éléments significatifs dans les questionnaires en lien avec les catégories définies dans le codage des observations.

Ont été retenus notamment les éléments qui renseignent sur les réactions et les émotions qui accompagnent la transition : c’est-à-dire les attributs employés par les parents pour caractériser l’expérience de leurs enfants à trois moments : les premiers jours à l’école, deux semaines et deux mois après la rentrée. Les attributs ont été classées ensuite en termes de la difficulté émotionnelle de l’enfant, allant de grande détresse, à retrait-désorientation à curieux-en confiance. Voici quelques attributs compris sous ces catégories.

 Grande détresse : « pleurs », « triste », « inquiet » « s’agrippe », « perturbé »,

« angoissé », « anxieux », « révolté », « stressé »

 Retrait - désorientation : « contrarié », « perdu », « en retrait », « renfermé sur lui-même », « réservé », « incertain », « ambivalent »

 Curieux - en confiance : « excité », « rassuré », « curieux », « fier »,

« content », « confiant », « satisfait », « joyeux », « heureux »,

« ravi », « motivé »

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Au départ, nous souhaitions confronter les réponses des parents d’enfants

« ordinaires » (total des parents des enfants en début de scolarité) avec celles des parents d’enfants allophones observés. Les autres éléments du questionnaire, relatifs à la socialisation de l’enfant dans des structures de la petite enfance ou aux facteurs susceptibles d’influer sur l’entrée à l’école, ont servi à affiner la compréhension des phénomènes observer et à étayer la discussion des résultats.

Les entretiens n’ont pas fait l’objet de codage systématique mais étaient analysées de manière qualitative pour identifier des extraits en lien avec les catégories émergeantes. Ce parti pris reposait d’une part sur l’hétérogénéité des moyens de recueil des données : certains entretiens ont été enregistrés, d’autres étaient constitués à partir de la prise de notes. D’autre part, l’échantillon était trop restreint pour prétendre à une quelconque représentativité59.

6.5.3 Codage et analyse des échelles relationnelles

Tout d’abord, rappelons que les échelles évaluent des aspects de la relation affective entre l’enfant allophone et ses parents ou ses enseignant-e-s ou ses pairs, et permet d'estimer l’évolution de la qualité de cette relation au fil de la première année de scolarité. Les enseignant-e-s et l’observatrice ont rempli les échelles la semaine de la rentrée (T) et deux mois après la rentrée (T+2).

Lors de l’analyse de ces échelles, le premier défi était de transformer une échelle continue en catégories de réponses (de 0 à 10). La méthode employée est basée sur l’approche développée par Vijé Franchi et Anthony Lee et adoptée dans une étude menée en lien avec l’Unité de Guidance Infantile du HUG (Franchi et al., 2014 ; Verri, 2014).

Pour obtenir une forme chiffrée des échelles, nous avons procédé à leur conversion en échelles allant de 0 à 10, avec le versant négatif de la proposition représentée par le chiffre 0 et le versant négatif par le chiffre 10. Ainsi, par exemple l’item « l’enfant est curieux au mode qui l’entoure » a été convertie en 10, alors que l’item « l’enfant ne semble pas curieux au monde qui l’entoure » a été codé en 0. Ce premier codage a dû être abandonné car le sens de certains items ne rentrait pas dans la dichotomie positif/négatif. Nous avons opté pour un codage basé sur la réponse (oui=10 ; non=0) à la question « est-ce que la transition est facile pour l’enfant ? Nous estimions que l’enfant ayant une facilité à faire la transition était ouvert, créait des liens, allait vers les jeux, etc. Or, cette logique n’était pas toujours évidente. Par exemple, « le fait d’avoir besoin de l’aide de l’enseignant pour se séparer de son parent » pouvait être interprété comme positif ou négatif. Il nous semblait que l’enfant ayant besoin de l’appui de son/sa enseignant-e pour se séparer ne vivait pas de manière aisée la transition (0).

L’échelle à 10 points a fait l’objet d’un deuxième regroupement en trois catégories : peu (entre 0-3), moyen (entre 4-7), beaucoup (entre 8-10)60.

59 Une seule maman nous a contactée

60voir Annexes

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Les résultats obtenus de l’analyse des échelles remplies par les enseignant-e-s ont fait l’objet d’une comparaison avec les résultats des échelles remplies par l’observatrice, permettant de dégager des points de concordance ou de divergence dans leur perception de la relation avec l’enfant et d’en comprendre le sens.

Pour conclure, l'observation attentive selon la méthode Bick-Tavistock comme outil principal de recueil des données ainsi que les autres outils introduisant les perceptions des enseignant-e-s et des parents dans le vécu de la transition des enfants ont permis d'aboutir à des résultats conséquents. Les observations et de leurs discussions supervisées ont permis d'élaborer des portraits des neufs enfants que nous avons observés qui sont présentés dans la troisième et dernière partie de cette recherche.