• Aucun résultat trouvé

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

7.2 Portraits des enfants observés à l'école budapestoise

7.2.5 Portrait de Lucie

Lucie est une petite fille chinoise de trois ans. C’est la cadette d’une fratrie de deux : sa grande sœur de 4 ou 5 ans fréquente la même classe qu’elle. Elle est née en Hongrie mais les enseignantes ne savent pas si elle est allée en crèche.

Physiquement, elle est petite, fragile, elle ressemble à une poupée en porcelaine qu’il faut protéger sinon elle risque de se casser. Elle a des grands yeux noirs qui communiquent de l’inquiétude, parfois de la frayeur. Elle regarde très peu ses camarades et ses enseignantes. Elle reste collée à sa sœur et paraît fermée à ce qu’il se passe à l’école, surtout au cours des premiers mois. Elle est extrêmement timide et réservée. Elle dégage aussi une pureté, une intelligence, quelque chose de mystérieux qui se cache derrière sa timidité, qu’elle laisse paraître seulement vers la fin de l’année.

Elle fuit, évite, détourne souvent le regard, me donnant l’impression qu’elle ne veut pas être vue. Au début de l’année, elle se cache derrière un visage de marbre qui ne laisse rien transparaitre de ce qu’il y a à l’intérieure d’elle. Lucie et sa sœur ont passé un mois à l’école au printemps, dans une autre classe. Elles ont fait leur rentrée dans cette classe sans connaître les locaux ni les enseignantes. Les enseignantes connaissent la nounou des fillettes, qui était aussi la nounou de quelques anciens élèves. Lucie et sa sœur sont toujours évoquées en duo, comme « les deux sœurs chinoises », comme si Lucie n’avait pas une identité indépendante. D’ailleurs, elles sont habillées de manière identique, on dirait le même enfant en deux tailles différentes. Leur allure est toujours très soignée. Les enseignantes les confondent régulièrement. Elisabeth évite même de les appeler par leur prénom, comme si elle redoutait de se tromper91.

Ses moments de séparation

Lucie ne pleure pas, ne s’agrippe pas, ne crie pas lorsqu’elle arrive dans la classe.

Elle est plutôt calme, même si une petite frayeur se lit sur son visage. Sa maman ou sa « Mamie », ça dépend laquelle l’accompagne, les salue elle et sa sœur sur le palier de la porte et repart aussitôt. Lucie ne se retourne pas pour la saluer. Elle semble éviter de dire au revoir comme s’il était plus facile de tourner le dos au lieu de lui dire au revoir et se sentir abandonnée.

Lucie et sa sœur entrent dans la classe. Lucie regarde timidement les enfants et la maitresse. La maitresse l’accueille en lui caressant les cheveux, comme elle a l’habitude de faire. Sa grande sœur reste tournée vers la maman jusqu’à ce que celle-ci ferme la porte d’entrée. Elle lui envoie des bisous et lui fait des grands sourires, comme si elle lui communiquait : Ne t’inquiètes pas, je m'occupe de tout !

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 11 Octobre 2013) Lucie et sa sœur arrivent souvent à l’école en dernier, juste avant le petit déjeuner, alors il leur reste peu de temps pour profiter du libre jeu. Elles n’ont pas l’occasion d’arriver et de se poser en douceur.

91 Au début de l’année, en interrogeant les enseignantes sur les enfants que je pourrais observer (allophones) elles ne mentionnent pas Lucie. C’est environ une semaine après la rentrée, que je réalise que Lucie correspond à mes critères d’observation. Alors en partageant ma découverte avec les

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

Les premiers jours à l’école, lorsque Lucie et sa sœur arrivent dans la classe, l’enseignante les accueille en les saluant, puis elle les incite à saluer à leur tour leurs camarades. C’est une sorte de rite de passage à l’école. Lucie reste muette, regarde avec frayeur, sa sœur prononce quelques sons méconnaissables puis elles

« foncent » vers les jeux. Son regard est fermée et impassible. L’interaction avec l’enseignante ne la touche pas. Elle semble plutôt fuir le contact avec elle. Un mois après la rentrée, elle est plus calme dans ces moments de salutations. Même si elle ne dit pas bonjour, elle tolère mieux l’accueil de l’enseignante et paraît plus à l’aise à rester quelques instants devant la porte. C’est comme si elle pouvait désormais accueillir l’expérience d’arriver dans la classe, de tâtonner, de chercher sa place, de tolérer le fait d’être entre deux mondes, sans devoir se propulser directement dans une activité (qui la contiendrait ?). Ses expressions de visages restent neutres, elle est peu expressive mais semble être plus ouverte à la relation.

Les deux sœurs chinoises, entrent dans la classe. Lucie me regarde, mais cette fois-ci, elle ne communique pas de la frayeur comme les fois précédentes. Par contre aucune d’émotion n’apparaît sur son visage.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 27 Septembre 2013) Son regard s’ouvre et s’illumine progressivement et elle commence à sourire quand elle arrive à l’école. Après 6 mois, elle arrive à l’école en souriant aux éclats.

Lucie et sa sœur entrent dans la classe. Je remarque tout de suite que la fillette a un regard beaucoup plus ouvert : elle sourit en me regardant et semble être à l’aise et ne perçois aucune inquiétude sur son visage. Je la salue en lui faisant un petit sourire. […] elle fait des petits sauts vers l’intérieure de la pièce qui semblent accompagner sa joie.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 7 Mars 2014) Comme chez d’autres enfants allophones observés, Lucie est souvent ailleurs, désorientée, perdue dans les changements d’activité. Le changement semble la perturber et la replonger dans son incompréhension.

Lucie se lève timidement, se déplace à petits pas, puis elle sautille jusqu’à la porte les bras levés vers le haut. […] Dès qu’elle entre dans la salle de bain, la maitresse entame une chanson qu’elle accompagne par des gestes. Lucie et sa sœur se regardent, me regardent. Elles semblent être complètement ailleurs, et pas du tout inspirées par la chanson.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Février 2014)

Ses relations en construction

Lucie évite mon regard, elle détourne la tête comme si elle ne voulait pas être observée. Après plusieurs séances d’observation, son regard devient plus ouvert, curieux, nous échangeons parfois même quelques sourires. Toutefois, si l’observation est interrompue, elle recommence à fuir mon regard. Elle semble avoir besoin d’être tirée dans la relation et être mise en confiance.

Lucie me regarde timidement, avec distance, sans beaucoup [...] ma présence semble être importante pour elle, elle vérifie de temps en temps que je la regarde bien. […] Je dois lutter pour garder le contact avec elle, pour ne pas me laisser distraire par les enfants qui papillonnent autour de moi. C’est comme si elle communiquait indirectement son besoin que je l’observe.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 18 Octobre 2013)

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

Après trois mois d’école, elle est suffisamment en confiance pour venir vers moi, mais dès que l’observation est interrompue, elle replonge « dans sa carapace », dans l’absence de communication, dans son enfermement. La relation entre Lucie et moi reste fragile pendant toute l’année.

Les premières interactions entre Lucie et ses enseignantes sont rares, insignifiants, quasi inexistants. Lucie s’efface et communique uniquement avec sa sœur. Elle est discrète, timide et réservée, elle semble être invisible pour ses enseignantes, qui sont préoccupés par les enfants qui demandent leur attention. D’ailleurs, elles considèrent qu’il est difficile d’avoir une relation affective avec elle parce qu’elle est refermée sur elle-même et dans sa relation avec sa soeur. L’une des deux, Elisabeth l’accueille en lui caressant les cheveux, recouvrant toute sa tête de ses mains, comme pour toucher la plus grande surface. Lucie ne paraît pas comprendre ces signes d’affection92.

Helena caresse le dos d’Ivett. Je remarque qu’Lucie essaye de se rapprocher au plus possible d’Helena sans être intrusive ; elle lui touche doucement le bras, puis le lui caresse. Elle se rapproche ensuite de sa soeur et la caresse aussi. Je suis touchée par le fait qu’elle cherche la proximité de la maitresse. Je ne l’ai jamais vu donner un signe d’affection à une autre personne que sa soeur.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 5 Mai 2014) La présence, le regard bienveillant, protecteur, tendre de sa grande sœur sécurise Lucie. En sa présence, elle être moins seule et moins perdue à l’école.

Sa sœur, Yoko l’aide à s’installer en tirant sa chaise. Elle a un regard bienveillant sur Lucie. Elle montre du doigt la croute du pain comme pour lui montrer qu’il faut la manger aussi. […] Yoko cherche la maitresse du regard, elle se retourne plusieurs fois, lève la main, essaye de la prévenir que sa soeur n’a pas encore été servie.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 29 Novembre 2013) Enfermée dans sa relation exclusive avec sa sœur les premières semaines d’école, elle ne regarde pas ses camarades, ne cherche pas à interagir avec eux. Son absence d’intérêt à ses camarades dure longtemps, presque tout le long de l’année, comme le montre cet extrait d’observation du mois de février.

Elle ne regarde pas les enfants qu’elle croise. Son regard est fermé. […] Elle prend place en face de sa sœur. Les deux fillettes se disent quelques mots, puis Lucie regarde dans le vide. Je suis étonnée qu’elle ne cherche pas à être en contact avec ses camarades.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Février 2014) Vers le mois d’octobre, un peu plus d’un mois après la rentrée elle commence petit à petit à s’intéresser à Ivett. Elle la regarde, s’approche d’elle et s’installe à côté d’elle.

Elle semble être curieuse à savoir ce que fait Ivett et elle cherche à jouer avec elle.

Mais leurs interactions restent fragiles.

Lucie regarde Ivett, lui sourit et s’avance vers elle. Elle s’appuie sur la table d’Ivett, attrape un sous-plat sur la table et le pousse vers sa camarade. Ivett entre dans son jeu et le lui renvoie.

Elles rigolent. Le jeu se poursuit et s’accélère : le sous-plat circule à toute allure entre les deux enfants.

92 Je me demande si l’enseignante essaye de contrebalancer le manque généré par la barrière de la langue par une surabondance d’affection et de contact physique Seulement dans la dernière

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 18 Octobre 2013) Lorsque ses camarades jouent à côté d’elle, au début de l’année, elle les ignore, reste passive même quand ils détruisent son jeu. Plus tard, elle commence à protéger son espace et à préserver son jeu en le recouvrant de ses bras par exemple. Quelques jours avant la fin de l’année, elle se montre de plus en plus dans la classe : elle exprime son mécontentement quand sa sœur l’embête (1ère fois). Elle semble alors être suffisamment en confiance pour exprimer son mécontentement vis-à-vis de sa sœur, mais elle reste passive lorsqu’elle se trouve en conflit avec ses camarades.

Ses communications et incommunications

La timidité et la discrétion de Lucie se traduit par une absence de communication dans les premières semaines d’école. Elle évite les contacts qui semblent la brusquer et l’intimider. Lorsqu’elle joue avec sa sœur, elle est très active, elle parle beaucoup dans leur langue maternelle. Il arrive aussi que Lucie discute en chinois dans la classe ou dans la cour de récréation avec ses camarades de même langue maternelle.

Lucie joue avec une fillette du même âge que sa sœur dans le bac à sable. Elles ne parlent pas beaucoup pendant qu’elles préparent des sauts remplis de sable. Lucie parle de temps en temps mais je suis loin pour entendre leurs dialogues. Je suppose tout de même qu’elles discutent en chinois.

(Observation dans la cour de récréation à Budapest, 12 Septembre 2013) Après le petit déjeuner, Lucie et Yoko s’installent avec un jeu de pyramides. Elles discutent en chinois, s’échangent des sourires complices. Elles semblent être sur la même longueur d’onde.

Elles discutent sans prendre en considération le monde qui les entoure.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 15 Novembre 2013) Ses enseignantes tentent de la faire participer, notamment dans les rituels de la classe. Lucie joue le jeu, elle participe, ou fait semblant de participer, mais elle ne paraît pas être impliquée dans les interactions.

L’enseignante demande plusieurs fois à Lucie si elle veut du radis. Elle hoche enfin la tête vers le bas signifiant oui. Je suis étonnée quand je vois ses petites lèvres bouger quand les enfants répondent en même temps : « Koszonjuk szépen viszont kivanjuk » (Merci beaucoup, Bon appétit à vous aussi) à leur camarade qui leur sert à boire. Je n’arrive pas à reconnaitre la voix d’Lucie, peut-être qu’elle imite de parler, mais ses lèvres bougent en même temps que celles des autres enfants.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Février 2014) Lucie s’efface et ne communique pas à ses enseignantes ses hésitations. Elle attend.

Après le petit déjeuner, les enfants rangent la table. Lucie et sa soeur rangent leurs assiettes et verres en dernier. Lucie se tord dans tous les sens avant de se lever, comme si elle ne savait pas si elle était autorisée à quitter la table. Elle regarde la maitresse, cherche à entrer en contact avec elle, lève le doigt, mais Helena est occupée avec d’autres enfants et elle ne la remarque pas. Elle finit par se lever, elle touche la hanche de Helena puis pointe son assiette. Helena lui dit qu’elle peut ranger son assiette. Lucie retourne à sa place et semble être soulagée par l’approbation de la maitresse.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 25 Octobre 2013) Aussi, elle n’exprime pas son désagrément lorsque ses camarades envahissent son espace. Elle tolère et subit silencieusement la proximité de ces derniers.

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

Un garçon fait le pitre et la maitresse déplace Lucie à côté de Ivett. Je me demande si elle comprend pourquoi elle a été déplacée. Elle avance presque en reculant vers sa nouvelle place.

Je crois percevoir de l’inquiétude dans ses yeux, comme si on la mettait dans la gueule du loup, sans aucune raison.

(Observation matinale à Budapest au moment du petit déjeuner. 13 Décembre 2013) Comme d’autres enfants allophones, Lucie est aussi capable de se couper du monde qui l’entoure93

Pendant le petit déjeuner, la maitresse gronde plusieurs enfants. Je remarque que Lucie a le regard fermé. Elle ne mange pas. J’ai l’impression qu’elle arrive à être présente sans prendre en considération le monde qui l’entoure. Je perçois chez elle une neutralité totale. Plusieurs fois Ivett et Lucie regardent dans le vide, comme si elles avaient besoin de couper avec l’entourage leur transmettant trop d’informations et de manière trop intense.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 18 Octobre 2013) Pour la fin de l’année, Lucie réagit aux instructions des enseignantes. Elle comprend alors avec certitude ce qui lui ait demandé et réagit de manière confiante et rassurée.

La maitresse demande aux enfants de rapporter leurs plats. Lucie se lève énergiquement, range sa chaise en la poussant contre la table et elle prend l’assiette dans une main et le verre dans l’autre main et se dirige vers le chariot.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 5 Mai 2014) Ses communications restent infimes pendant tout le long de l’année. Tandis que d’autres enfants allophones commencent à dire quelques mots en hongrois vers la fin de l’année, Lucie reste muette dans son jeu et dans les jeux collectifs. Elle ne parle que dans les interactions ritualisées et quand elle joue en chinois avec sa sœur.

Ses jeux, ses occupations et ses activités

Les jeux de Lucie sont variés : elle joue beaucoup seule et avec sa sœur et aussi en parallèle avec ses camarades. Dès les premiers jours à l’école, Lucie et sa sœur manipulent avec aisance les ustensiles dans le coin-cuisine et les blocks de construction. Elle joue aussi à des jeux mécaniques et symboliques.

Lucie et Ivett jouent l’une à côté de l’autre sur le tapis. Lucie place les wagons puis les fait avancer et reculer sur les rails puis elle me regarde en souriant. On dirait qu’elle découvre ce jeu. Je remarque que Lucie choisit toujours trois éléments : elle attache trois wagons, puis elle place trois éléphants suivis de trois tigres à côté des rails. Les petits sont entre les deux grands. Elle les place sur le tapis et ne les touche plus.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Octobre 2013) Dans cet extrait, Lucie montre la relation à trois qui la travaille, la questionne94. Elle est concentrée et persévérante dans ses jeux. Les camarades qui se joignent ou s’immiscent dans son jeu la dérangent, mais elle garde sa colère à l’intérieure et ne réagit pas à l’intrusion qu’elle subit.

93 Cela nous rappelle les enfants qui se bouchent les oreilles à ce que l’ils ne comprennent pas.

94 Cherche-t-elle à comprendre qui sont les grands et qui sont les petits (adultes / enfants) ? qui sont

Chapitre 7. Les études de cas : neuf portraits d’enfants allophones

Lucie fait glisser le train sur le tapis jusqu’au point initial de tout à l’heure, replace délicatement les wagons, et tire à nouveau le train sur les rails jusqu’en haut du pont, puis dans la descente, les wagons se détachent, elle les remet en haut du pont et fait glisser les wagons un par un sur la pente. Elle me regarde en souriant après chaque descente. Pour les premiers wagons, je me sens détendue et contente qu’elle partage sa joie avec moi, mais pour les deux derniers wagons qui glissent sur la pente, je me sens perturbée, comme si c’était trop, comme si j’avais envie qu’elle arrête, ou que je puisse regarder ailleurs. Pourtant elle continue à me sourire gentiment mais je sens une frustration.

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 29 Novembre 2013) Elle exprime aussi son dégoût (de l’école ?) en reniflant les jouets, puis en tirant la langue, comme si elle sentait quelque chose de répugnant95. A un autre moment, elle remplit un panier jusqu’à ce que les pièces débordent96.

« Quand son panier est rempli, elle le soulève devant elle et me regarde en souriant. Je réponds par un sourire. Elle repose le panier, déverse son contenu énergiquement par terre puis elle recommence à le remplir. Elle arrange délicatement les pièces afin qu’elles rentrent tous dans le panier. Je me demande pourquoi elle veut faire rentrer l’ensemble des formes dans le panier alors qu’elle s’en rend bien compte que c’est difficile de tout faire tenir dedans. J’ai l’impression qu’elle en met jusqu’à ce que ça déborde. »

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Février 2014) Après six mois passés à l’école, Lucie fait apparaitre le danger dans son jeu97.

« Elle prend deux pyramides et les emboite de sorte que la pointe de l’une rentre dans le trou au milieu de la facette de l’autre. […] Elle constitue 5 ou 6 duos de pyramides qui me font penser à des rochers pointus. Elle me regarde et me fait un tout petit sourire, comme si elle avait du plaisir à partager son exploit, à découvrir que je m’intéresse à elle. […] je perçois quelque chose de dangereux dans ces formes pointues. Elle reste assise, sans bouger, les pieds sous les fesses pendant quelques minutes à fixer les sommets. »

(Observation matinale à Budapest au moment du jeu libre. 4 Février 2014) Contrairement aux jeux d’autres enfants allophones observés, qui sont plutôt solitaires et mécaniques au début de l’année, il n’y a pas d’évolution dans le jeu de Lucie. Elle est seulement plus en confiance pour jouer en ma présence et par la sorte, elle se montre davantage.

Remarques

 Son rapport à la nourriture de Lucie, reflète sa méfiance puis son ouverture progressive à l’école. Elle essaye d’abord de faire connaissance avec une

 Son rapport à la nourriture de Lucie, reflète sa méfiance puis son ouverture progressive à l’école. Elle essaye d’abord de faire connaissance avec une