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Chapitre 2. Les enjeux de la transition vers l’école

2.1 Enjeux de la transition pour les enfants

2.1.1 Facteurs extérieurs de la transition vers l’école enfantine

Les facteurs extérieurs sont les facteurs d’ordre macro- et microsociaux de l’entourage de l’enfant. Le vécu de la transition vers l’école enfantine varie en fonction du milieu socio-économique, des politiques éducatives, des méthodes d’enseignement et des approches institutionnelles.

2.1.1.1 Niveau macro-social

Différentes pratiques sont mises en œuvre par les enseignant-e-s selon leur origine, leur situation économique et sociale et selon les enfants qu’ils accueillent (Early et al, 2001; Gagné & Gagnier, 2004 ; La Paro et al, 2000). La recherche quantitative de La Paro et son équipe (La Paro & al, 2000) menée auprès d’enseignant-e-s nord-américain-e-s de première année d’école enfantine s’interroge sur les variations dans les pratiques enseignantes facilitant l’entrée à l’école des élèves, selon les publics qu’ils enseignent. Ces pratiques concernent une préparation mentale et éventuellement une élaboration de stratégies (support matériel ou fictif) aidant les enfants dans leurs premiers jours à l’école. Leurs résultats mettent en évidence trois aspects :

 Plus le public scolaire est diversifié, c’est-à-dire plus les minorités sont représentées au sein du public scolaire, moins les enseignant-e-s envisagent des pratiques éducatives facilitant la transition des enfants vers l’école.

 Les enseignant-e-s préparent et organisent moins l’accueil des publiques pauvres que des publics plus aisés.

 L’emplacement de l’école joue également un rôle dans la manière de se préparer à la transition : dans les écoles urbaines à forte concentration d’enfants issus des minorités, les enseignant-e-s confectionnent moins leurs stratégies d’accueils.

2.1.1.2 Niveau microsocial : point de vue des institutions

Le niveau microsocial, se réfère à l’institution scolaire. Le nombre d’enfants par classe et le temps dont disposent les enseignant-e-s avant de recevoir les élèves au début de l’année impactent sur la qualité de la transition des enfants vers l’école enfantine (Early et al., 2001 ; Salzberger-Wittenberg et al., 2012). Selon Early et son équipe (2001), plus les enseignant-e-s ont le temps de préparer l’année scolaire à l’avance, plus leur stratégie d’accueil est réfléchie et épaule la transition des enfants.

L’organisation des temps d’arrivée et de départ et la manière dont les activités et les moments de transition s’organisent entre eux au cours de la journée sont tout aussi importants pour aider les débuts à l’école (Early et al., 2001).

L’utilisation et l’aménagement de l’espace de la classe et de l’école sont d’autres facteurs qui colorent le vécu de la transition : moins il y a d’enfants dans une classe et plus l’espace est circonscrit, plus les enfants sont contenus et en sécurité à l’école (Saltzberger-Wittenberg et al., 2012). D’autre part, le fait d’accorder une reconnaissance à chaque enfant, c’est-à-dire de l’appeler par son prénom par exemple

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(en s’aidant d’étiquettes agrafées sur les habits) ou de lui proposer de choisir un petit signe pour se représenter (coutume hongroise) communiquent à l’enfant qu’il a sa place dans la classe. La mise en place d’un tutorat entre les enfants est un autre moyen permettant à chacun d’obtenir une attention individuelle (Saltzberger-Wittenberg et al., 2012).

Certaines méthodes sont préconçues pour améliorer la qualité de la transition pour les enfants (Datler et al., 2010 ; Kagan & Tarrant, 2010 ; Koomen et al., 2004 ; O’Connor, 2012 ; Rimm-Kaufman et al., 2000 ; Taylor Buch & Rustin, 2001 ; Wildenger et al., 2008). Des guides pratiques proposent des stratégies aux éducateurs et enseignant-e-s pour faciliter la transition (Kagan & Tarrant (Eds.), 2010 ; O’Connor, 2012). On y trouve des indications sur l’attitude ou la posture accueillante, bienveillante et compréhensive conseillée. L’accueil des parents, les visites à la maison avant même de commencer l’école, la mise en place d’une relation de partage ainsi que la continuité dans l’organisation et la structuration des activités (Dockett & Perry, 2007) figurent parmi ces pratiques (Koomen et al., 2004 ; O’Connor, 2012 ; Saltzberger-Wittenberg et al., 2012). Pour Bartlett (2010), les transitions horizontales, c’est-à-dire les changements au cours de la journée, tels que les changements d’activités, la récréation et la sieste, sont sources d’angoisse pour l’enfant et doivent être harmonisés et minimisés.

2.1.1.3 La « school readiness »

Les contextes suisse et hongrois mettent l’accent sur l’âge de l’entrée à l’école fixé respectivement à quatre et à trois ans. Les chercheurs parlent de « school readiness », que l’on pourrait traduire par « préparation à l’école », pour désigner l’âge auquel les enfants seraient suffisamment matures et prêts cognitivement et psychologiquement pour entrer à l’école (Bartlett et al., 2010 ; Dockett & Perry, 2007).

Pour Miljkovitch et ses collègues (2003), les enfants plus grands réagissent moins à la séparation en raison d’une plus grande autonomie sur le plan moteur et cognitif.

Une maturation cognitive permet de se représenter la personne absente (mère) et de rester en contact avec elle, même en dehors de la proximité physique, alors que des plus grandes capacités motrices donnent à l’enfant un plus grand sentiment de maitrise sur l’environnement (déplacement, manipulation d’objet), ce qui réduit son sentiment d’impuissance et de subir la séparation.

Certaines études montrent (Bartlett et al., 2010 ; Dockett & Perry, 2007) que des enfants qui commencent l’école plus tôt, à un âge précoce sont moins confrontés à l’échec scolaire par la suite. Des recherches québécoises avec des populations importantes d’enfants (n=1700), suggèrent que les enfants qui débutent l’école jeunes ne sont pas plus exposés aux problèmes socio-affectifs que leurs camarades plus âgés (Gagné & Gagnier, 2004). Une étude longitudinale en Allemagne (Datler et al., 2012) va dans ce sens. Une dizaine de jeunes enfants étaient suivis depuis deux-trois mois avant l’entrée en crèche jusqu’aux premiers mois en collectivité. Des observations recueillies par vidéo-observations, entretiens et questionnaires avec les parents et les éducateurs révèlent que plusieurs aspects tels que l’âge, le sexe et le tempérament de l’enfant ainsi que la présence ou l’absence de ses frères et sœurs

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dans la classe, son parcours scolaire antérieur et la qualité de ses relations et interactions avec les éducateurs contribuent à l’intégration plus ou moins aisée de l’enfant dans la communauté scolaire. Dockett et Perry (2007) ont trouvé aussi que le tempérament, le caractère, le passé et les styles d’attachement des enfants influencent autant l’expérience de la transition (Dockett & Perry, 2007) que l’âge. Ces chercheurs insistent sur l’importance des attentes que les enseignant-e-s et les éducateurs-trices ont vis-à-vis des enfants qu’ils/elles accueillent (leurs capacités langagières, physiques et cognitives) et affirment que ces attentes seront plus importantes que leur âge chronologique au moment d’entrer à l’école. La pression que ces attentes exercent sur les éducateurs-trices et les enseignant-e-s et sur l’enfant et la manière dont elles impactent la relation (satisfaction ou déception) pourraient expliquer ces résultats. Ce dernier rejoint un autre versant de la « school readiness », le niveau de préparation (readiness) de l’école à l’accueil des enfants (Wittenberg, 2001) : la compétence des enseignant-e-s à reconnaitre les capacités des enfants, à favoriser leur implication dans les activités scolaires et à élaborer de bonnes conditions d’accueil qui aident les petits à trouver plus facilement leur place dans leur nouvel environnement scolaire.

2.1.1.4 Niveau individuel et familial

Le vécu et les expériences de l’enfant avant d’arriver à l’école enfantine influent aussi sur son adaptation à cette transition. Selon Waddell (2002, p.77) :

Certains enfants auront déjà fait l’expérience de l’école maternelle (ou autre structure de la petite enfance – note de l’auteur), où ils auront pu dans certaine mesure tester leur acceptation à se séparer, partager, se faire des amis, faire confiance à d’autres adultes, joindre le groupe. Mais c’est le début de la ‘vraie’ école qui met à l’épreuve, de façon critique, la vigueur des gains internes. L’empressement dont l’enfant fera preuve à s’embarquer dans cette nouvelle phase de sa vie et à s’en débrouiller, dépendra en grande partie de la nature des processus du développement, ainsi que de leur aboutissement.

La fréquentation de structures de la petite enfance avant d’arriver à l’école peut faciliter ou compliquer la transition (Elfer, 2006 ; Leach et al., 2006 ; Munch, 2009). Ce sont surtout la nature et la qualité des expériences précédentes de séparation et de transition dans ces structures qui impactent sur sa façon de vivre son entrée à l'école.

La fréquentation d’une structure d’accueil de la petite enfance ne facilite pas en soi la transition en école enfantine. Des expériences douloureuses ravivées par l’entrée à l’école peuvent inhiber et angoisser l’enfant ce qui rendra plus compliqué la séparation, l’intégration dans le groupe et l’ouverture au monde de l’école.

Salzberger-Wittenberg et son équipe (2012) insistent sur la familiarité du lien : plus le milieu scolaire est connu, plus les enfants se sentent proches de leur espace physique, psychique et émotionnel et moins ils risquent d’être effrayés et désorientés.

La proximité entre la routine familiale ou celle du lieu de garde et celle de l’école est aussi un facteur qui influe sur l’adaptation. Wildenger et son équipe (2008), montrent que les enfants habitués à une structuration des heures du levé, des repas, des siestes et de l’heure du coucher s’adaptent plus facilement au rythme structuré à l’école enfantine. Sur le plan émotionnel, l’enfant mais aussi ses parents et ses enseignant-e-s sont rassurés par une proximité entre les lieux de vie et l’école. A l’inverse, l’écart entre ces lieux peut effrayer non seulement l’enfant, mais aussi ses parents et ses

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enseignant-e-s (Salzberger-Wittenberg et al., 2012). Bartlett et son équipe (2010) associent le changement que vivent les enfants à un « choc culturel » surtout pour ceux qui viennent de familles dont les coutumes et les mœurs sont très différentes de celles de l’école.

Rappelons ici que le fait d’avoir des frères ou des sœurs qui sont déjà entrés à l’école rend l’expérience de l’école moins étrangère (Dockett & Perry, 2013 ; Dunn, 2004 ; Music, 2011, Perregaux et al., 2008). Ces enfants ont déjà un lien familier avec le concept d’ « école » et la présence de leurs frères et sœurs à l’école les aide à déchiffrer et à comprendre les attentes des enseignant-e-s et de l’institution et remplit aussi une fonction rassurante.