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Chapitre 2. Les enjeux de la transition vers l’école

2.2 Enjeux de la transition pour les adultes : la place des parents et des

2.2.2 Enjeux de la transition pour les enseignant-e-s

2.2.2.1 Facteurs extérieurs des enjeux de la transition : un défi pour une transition réussie pour l’enfant

Tandis que l’entrée à l’école est un terrain nouveau pour les parents (pour les parents des ainés du moins), elle n’est pas pour autant inconnue des enseignant-e-s. Quelles sont les attentes des enseignant-e-s vis-à-vis des enfants ? Quelles pratiques mettent-ils/elles en œuvre pour accueillir les enfants ?

Attentes vis-à-vis des enfants

Qu’est-ce que les enseignant-e-s attendent des enfants qui entrent à l’école ? Les apprentissages scolaires estimés importants pour les parents ne le sont pas autant pour les enseignant-e-s. Ils considèrent que la clé pour une transition réussie est la curiosité, l’ouverture et la préparation émotionnelle de l’enfant à l’entrée à l’école (Dockett & Perry, 2007 ; Hains et al., 1989 ; Knudsen-Lindauer & Harris, 1989 ; Lin et al., 2003).

Lin et ses collègues (2003) ajoutent à cela l’importance que les enfants qui arrivent à l’école soient en bonne santé, bien nourrit et qu’ils puissent communiquer leurs envies et leurs besoins. Selon Dockett et Perry (2007), les enseignant-e-s attendent des

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enfants qu’ils sachent tenir un crayon, utiliser des ciseaux, reconnaitre et écrire leur prénom, identifier les couleurs, savoir rester tranquillement assis et écouter.

Certain-e-s enseignant-e-s disent que les habitudes préalables des enfants déterminent leur vécu de l’entrée à l’école (Dockett & Perry, 2007). Ceux qui ont appris à jouer, à respecter des règles et à suivre des consignes des adultes sont plus

« ready » à s’intégrer à l’école. Autrement dit, pour les enseignant-e-s, les enfants pour qui la « culture scolaire » est familière, qui ont fréquenté une structure d’accueil, se familiarisent plus facilement à l’école (Dockett & Perry, 2007, p.123 ; Payet & Van Zanten, 1996).

La « teacher readiness » : être bien préparé à accueillir les enfants

Les enseignant-e-s ont un rôle déterminant dans l’accueil et l’intégration des enfants dans la classe. Plusieurs études soulignent qu’il est essentiel que les enseignant-e-s se familiarisent avec l’environnement de l’enfant avant qu’il arrive à l’école, par le biais de visites à domicile par exemple (Bartlett et al., 2010 ; Dockett & Perry, 2007). Pour Bartlett et ses collègues (2010) ces visites ne sont pas toujours favorables : si l’environnement de l’enfant et l’ambiance familiale sont harmonieux, les parents seront ouverts et disponible pour accueillir les enseignant-e-s. Toutefois, si les parents ont honte de leur milieu de vie, s’ils sont réticents à l’idée de montrer leur lieu de vie, les visites à domicile proposées par les enseignant-e-s peuvent avoir un effet intrusif et stressant pour les parents.

Certains enseignant-e-s organisent des journées portes ouvertes ou des visites de classe avant le début de l’année pour permettre aux enfants et à leurs parents de se rencontrer et de se familiariser avec la classe, l’établissement et la cour de récréation (Dockett & Perry, 2007). A cette occasion, les enfants découvrent les différents espaces de jeu, font connaissance avec leurs enseignant-e-s et leurs futurs camarades.

Pour Bartlett et son équipe (2010), il est important que les enseignant-e-s se préparent à l’accueil des enfants en élaborant des méthodes et des pratiques qui facilitent leur intégration, comme par exemple l’aménagement des temps et des activités fixes et continus permettant de minimiser les imprévus (les transitions horizontales) sources d’angoisses et d’inquiétudes pour les enfants (Bartlett et al., 2010). Leur préparation mentale et psychique à l’accueil des enfants est aussi essentielle.

Isca Wittenberg (2001) et l’équipe de Koomen (2004) ajoutent qu’en vue d’une transition de qualité et pour le bien-être de l’enfant, il est recommandé que les enseignant-e-s adaptent une posture honnête, gentille et bienveillante, qu’ils/elles s’intéressent à l’enfant à travers les échanges avec les parents, qu’ils/elles soient patient-e-s et qu’ils/elles laissent le temps nécessaire à chaque enfant pour être à l’aise et en confiance avec eux. Selon Datler (2012), le rôle des enseignant-e-s est aussi d’essayer de décoder les réactions des enfants, de leur montrer qu’ils/elles sont disponibles à les comprendre, à les encourager à interagir avec eux.

Bien qu’indispensables, les pratiques des enseignant-e-s en vue de faciliter la transition des enfants ne sont pas toujours bien définies. Certains chercheurs (Datler

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et al., 2012 ; Early et al., 2001; Kagan & Tarrant, 2010; O’Connor, 2012; Taylor Buch

& Rustin, 2001) estiment que la formation des enseignants à la transition et à l’accueil des élèves serait la clé pour faciliter l’entrée à l’école des enfants.

2.2.2.2 Facteurs intérieurs des enjeux de la transition pour les enseignant-e-s

Comme pour les enfants et les parents, la transition réveille des inquiétudes et des peurs chez les enseignant-e-s à deux niveaux : sur le plan professionnel, ils/elles peuvent douter de leur compétence à construire des relations de confiance avec les enfants et leurs parents. Sur le plan inconscient, leurs angoisses de perte, d’abandon, de séparation, de débuts et de fins sont réactivées par la transition.

Les relations en construction : craintes des enseignant-e-s à la rentrée scolaire

Face aux enfants et aux familles inconnues, les enseignant-e-s redoutent de leurs capacités à établir des bonnes relations, ils/elles craignent de ne pas être acceptés, de ne pas trouver les moyens de consoler et de répondre aux besoins des enfants.

Ils/elles se sentent aussi seul-e-s face au groupe d’enfants, appréhendent de ne pas être suffisamment attentif-ve à leurs élèves et de ne pas savoir les tenir ensemble. Le groupe d’enfants peut paraitre comme un nid d’oiseaux (Houzel, 2000), rempli de petits qui ont besoin qu’ils/elles s’occupent d’eux simultanément, qui rivalisent pour captiver leur attention (Hue, 2010).

La transition fait balloter aussi les enseignant-e-s entre un rôle professionnel idéal, à la hauteur de leurs attentes et de celles de l’institution, et la réalité dans laquelle ils sont envahis par les sentiments de culpabilité, d’impuissance, de colère et d’incompréhension.

Ce qui est ravivé par la transition

Les changements, les débuts, les situations de transition affectent aussi les enseignant-e-s dans la mesure où ils/elles réveillent des « souvenirs-ressentis » (Klein, 1946) de situations de transition. Les enseignant-e-s sont donc eux/elles aussi tourmenté-e-s de l’intérieure par des angoisses, des peurs et des frustrations qui les envahissent en début d’année scolaire. Par exemple, ceux/celles qui se retrouvent face à des parents généreux, compréhensifs, attentifs à leur enfant peuvent être jaloux et triste de n’avoir pas eu des parents comme ça quand ils/elles étaient à l’école.

Ils/elles peuvent alors se venger de leurs parents n’ayant pas pu les rassurer et les réconforter suffisamment en étant agressifs-ves avec ces parents capables de répondre avec tendresse aux besoins de leur enfant (Salzberger-Wittenberg et al., 2012).

Au moment critique de la séparation, les enseignant-e-s qui doivent aider les enfants à se séparer d'avec leurs parents en les arrachant des leurs bras, peuvent se sentir tiraillé-e-s entre la tristesse, la souffrance et les désirs de l’enfant auquel ils/elles s’identifient, à la douleur perçue comme si elle leur appartenait, et leur responsabilité dictée par leur rôle d’enseignant à rassurer les enfants (Hue, 2010).

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