• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones

1.2 La place de l’enfant allophone à l’école

1.2.2 L’accueil des élèves étrangers dans les écoles et les dispositifs mis en place

La population migrante faisant partie intégrante de la société suisse depuis plus d’un demi-siècle (Alleman-Ghionda & Lusso-Cesari, 1986 ; Dasen (Ed.), 1991 ; Mottet &

Bolzman, 2009, Mottet, 2013 ; Perregaux, 2007 ; Perregaux et al., 2008 ; Poglia et al., 1995 ; Rey, 1984) les élèves migrants sont eux aussi présents dans les classes suisses depuis plusieurs décennies, tandis qu’ils sont exceptionnels dans les écoles hongroises. Compte tenu de ces dissimilitudes, la question se pose de savoir quelles sont les directives concernant la prise en charge des élèves migrants à l’école dans

17

http://ec.europa.eu/eurostat/statisticsexplained/index.php/Migration_and_migrant_population_statistics /fr#Population_migrante

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones et les communautés d’étrangers selon les contextes

les deux contextes étudiés ? et quelle est leur représentativité et quels sont les quartiers et les écoles qui les accueillent ?

1.2.2.1 L’accueil des élèves migrants dans les écoles : les directives

 Les directives suisses

Etant donné qu’avant les années 1970, l’immigration est majoritairement constituée de travailleurs jadis saisonniers, elle se transforme progressivement en une « immigration de peuplement » (Mottet, 2013). En réponse à la représentativité des élèves étrangers dans les écoles, la Confédération introduit en 197218 des directives de l’instruction publique règlementant « la scolarisation des enfants de travailleurs migrants » en les invitant dans les systèmes éducatifs dès l’âge préscolaire (scolarité obligatoire). Les directives accentuent aussi l’importance de fréquenter une structure d’accueil de la petite enfance (jardin d’enfant) afin de faciliter et de promouvoir l’apprentissage du français dès le plus jeune âge. Pour les enfants plus âgés, des cours de soutien obligatoires de français (en Suisse romande), sont proposés ainsi que l’enseignement de la langue et de la civilisation du pays d’origine (ELCO). A partir des années 1980, l’apprentissage de la langue prend une dimension majeure avec la création de nouvelles structures d’accueil (STACC) ayant pour but premier de combler les lacunes langagières de ces enfants afin qu’ils aient un niveau de connaissance de la langue suffisant pour intégrer une classe de niveau ordinaire.

Pour les plus petits, les avis restent partagés : certains favorisent la création de classes séparées pour les élèves allophones jusqu’à ce qu’ils sachent suffisamment le français, tandis que d’autres dénoncent ce type de fonctionnement ségrégatif qu’ils qualifient de « nouvelle forme d’apartheid » et encouragent l’inclusion des enfants directement dans la classe ordinaire (Perregaux et al., 2008). Pour Akkari (2009, p.61), à côté de l’apprentissage de la langue scolaire (et de la langue d’origine), il est essentiel de mettre l’accent sur la « sensibilisation des enfants et des enseignants à la problématique de la diversité culturelle et du racisme ».

A Genève, l’accueil des élèves allophones s’organise autour de l’idée suivante : Depuis l’année scolaire 2009-2010, l’école primaire s’est dotée d’un système d’accueil pour élèves migrants organisé centralement qui permet aux jeunes d’être, dès leur arrivée à Genève, dans une classe ordinaire à mi-temps et dans une classe d’accueil, prioritairement destinée à l’apprentissage du français, pour l’autre mi-temps. (DIP, 2013, p. 5)

La prise en charge des enfants allophones connaît des changements, notamment par l’entrée en vigueur du Concordat Harmos et la scolarité obligatoire à partir de 4 ans.

Les lignes directives du Département de l’instruction publique énoncent que « l’insertion des primo-arrivants âgés de 4 à 6 ans se fait directement à plein temps dans des classes ordinaires, avec des appuis prévus pour les enseignant-e-s qui les accueillent dans leur classe. » (DIP, 2013, p. 6).

18 http://edudoc.ch/record/24417/files/D36B.pdf

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones et les communautés d’étrangers selon les contextes

Malgré les directives et idéologies, certaines écoles optent pour des ateliers, des cours, des groupes de travail particuliers proposés aux élèves allophones en dehors de leur classe, dès la 1ère primaire (1P), comme c’est le cas de l’école faisant l’objet de notre étude, où des sessions « d’appuis », données par des enseignant-e-s chargé-e-s du soutien pédagogique (ECSP), sont proposées aux élèves allophones dès la première année d’école.

 Les directives hongroises

Dans le programme national officiel (Nemzeti alaptanterv) de 1998/1999 apparaît pour la première fois le terme « éducation interculturelle » (directive 1998/1999 ; p.27).

Néanmoins, ce n’est qu’en 2002 que l’éducation et l’enseignement des enfants dits

« migrants » sont évoqués concrètement puisque la scolarité devient obligatoire pour les enfants étrangers possédant un titre de séjour ou un visa (et les demandeurs d’asile) et vivant sur le territoire hongrois depuis au moins un an. Pour répondre à l’obligation scolaire des migrants, le gouvernement met en place un système de financement pour les écoles qui accueillent des élèves migrants et qui intègrent dans leur programme scolaire, la « conception multiculturelle » (Gordon Győri et al., 2011 ; Feischmidt & Nyíri (Eds.), 2006). Il s’agit donc de récompenser et d’encourager les écoles à inclure les problématiques interculturelles dans leurs méthodes d’enseignement et par ailleurs, de générer un réseau d’enseignement interculturel. La scolarité devient obligatoire mais elle n’est pas pour autant gratuite : des frais de scolarité peuvent être réclamés. La prise en charge des élèves étrangers reste donc sensible.

Durant l’année scolaire 2004-2005, année de l’adhésion du pays à l’Union européenne (2004), les programmes appelés « programmes interculturels » apparaissent dans certaines écoles hongroises. Ces programmes encouragent les écoles primaires à introduire l’enseignement du hongrois langue étrangère et des cours de familiarisation à la culture hongroise (Feischmidt & Nyíri (Eds.), 2006, p.27). Dans son rapport de 2005, Vámos Agnes19 analyse et commente la réussite des programmes interculturels dans les écoles et montre que les termes ‘multiculturels’ et ‘interculturels’ sont utilisés sans être définis et ils sont souvent associés avec l’éducation de la minorité rom. Les moyens et les méthodes introduits sont maladroits, peu clairs et confus et pointent davantage les différences « exotisantes » des coutumes des migrants (Feischmidt &

Nyíri (Eds.), 2006, p. 146). Par ailleurs, les pratiques recueillies présentent une grande hétérogénéité (Jakab, 2011 ; Vámos, 2005).

19https://www.google.hu/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0ahUKEwjUuLX0vOjLAh UMGCwKHadZBXQQFggaMAA&url=http%3A%2F%2Fwww.nefmi.gov.hu%2Fdownload.php%3Fctag

%3Ddownload%26docID%3D432&usg=AFQjCNFhhI4DNXMiiiNLt_WfCMmcEM8qMw&sig2=Uu1cWq

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones et les communautés d’étrangers selon les contextes

La favorisation de l’intégration des enfants « migrants » se doit de : - Enseigner la tolérance

- Éduquer au respect des langues et cultures

- Encourager à garder et à faire valoir son identité culturelle - Promouvoir l’intégration sociale

- Respecter les droits de l’Homme - Réduire les préjugés

- Supprimer les stéréotypes

Le Programme national d’éducation enfantine de 2012 (Óvodai nevelés országos alapprogramja)20, toujours en vigueur de nos jours, se complète par un paragraphe intitulé l’« Éducation inclusive et multiculturelle de l’enfant » [traduit du hongrois par A.Toth] énonçant que :

Notre mission est de réduire les préjugés, combler les lacunes linguistiques et favoriser l’acceptation des différences sociales, culturelles et religieuses avec l’aide des enseignants et des directeurs ; introduire des méthodes et des moyens pour faire progresser les enfants non pas en leur transmettant des connaissances mais en favorisant les activités collectives et les échanges entre pairs.

Au programme national vient s’ajouter le « programme local de l’éducation enfantine » (Helyi nevelési program) qui définit les tâches organisationnelles, scolaires et éducatives spécifiques à chaque établissement. Le programme local de l’école choisie pour cette étude, mentionne l’accueil des enfants étrangers, allophones, migrants dans les classes.

1.2.2.2 Chiffres et quartiers

Les données démographiques montrent qu’en Suisse tous cantons confondus, un enfant sur quatre ne parle ni ne comprend la langue de la région où il se trouve. Les élèves étrangers dans les écoles obligatoires représentent 24% des élèves. On retrouve environ les mêmes proportions d’élèves étrangers au niveau de l’école primaire et aussi à l’école enfantine (Von Grünigen et al., 2012). La présence d’élèves allophones à l’école varie entre les zones urbaines et les zones rurales et selon les quartiers. Ce pourcentage est quasi doublé dans le canton de Genève, où les enfants ayant une nationalité autre que suisse constituent environ 40% des élèves21.

Les cartes ci-dessous présentent :

 la proportion d’élèves allophones dans l’enseignement public du canton de Genève (document SRED 2014) (Figure 3)

 la variation de la proportion d’élèves allophones dans les écoles publiques du canton de Genève (document SRED 2014) (Figure 4)

20 http://www.kormany.hu/hu/dok#!DocumentSearch

21http://www.ge.ch/recherche-education/statistiques/annuaire.asp consulté le 28.06.2016

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones et les communautés d’étrangers selon les contextes

Figure 4: La proportion d'élèves allophones dans l'enseignement public du canton de Genève

Figure 5: La variation de la population d'élèves allophones dans les écoles publiques du canton de Genève

Chapitre 1: La mission de l’école enfantine, de l’accueil des élèves allophones et les communautés d’étrangers selon les contextes

L’analyse des cartes (Figures 4 et 5) met en évidence que dans plusieurs quartiers du canton, plus de 49% des élèves sont allophones. L’école choisie pour cette étude se situe à Verniers, l’une des communes accueillant le plus grand nombre d’élèves allophones (et aussi depuis le plus longtemps puisque la variation de la proportion d’élèves allophones est négative (-0,7%)).22

Pour rappel, en Hongrie, les étrangers (migrants, demandeurs d’asile, ressortissants de l’UE) représentent environ 2% de la population hongroise et leur présence est en croissance constante depuis 2001 (Gordon Győri et al., 2011). La représentativité des élèves étrangers à l’école est aussi de 2%. Les enfants étrangers sont plus nombreux à Budapest, qu’en province (4,4%), et fréquentent essentiellement certains quartiers de la ville (Feischmidt & Nyíri (Eds.), 2006). Malheureusement, des données manquent sur les quartiers de Budapest où les élèves étrangers sont les plus représentés.

L’école choisie se situe dans un quartier central où de nombreuses familles migrantes sont installées23.

Le dernier point de ce chapitre présente en détail la situation socio-économique des communautés de migrants auxquelles appartiennent les enfants allophones observés, à savoir des communautés portugaise et kosovare en Suisse et des communautés vietnamienne, chinoise, irakienne et mongole en Hongrie.

1.3 Six communautés d’étrangers : état de leur situation dans les