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P REMIERE PARTIE

VI. Les organismes internationaux et les américains

VI.2. Les relations éthio-américaines avant l’ère G W Bush.

Si, depuis 2003, sous la première présidence de G.W. Bush, les Etats-Unis se sont largement impliqués dans la lutte contre le sida en Afrique en général et en Ethiopie en particulier, ce partenariat s’inscrit dans l’histoire des relations Ethio-américaines qui débutent au début du XXe siècle43.

Avant la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis n’ont guère de relations avec l’Afrique à l’exception notable du Liberia, de l’Afrique du Sud et de l’Ethiopie. Au début du XXe siècle, c’est un accord commercial qui lie l’Ethiopie aux Etats-Unis, la mission Skinner, du nom de l’envoyé américain Robert P. Skinner, aboutit à la signature d’un traité d’amitié et de commerce du coton, en 1903 (Barhu Zwede, 2001 : 184). La présence des Italiens, des Français, des Anglais saturant l’espace diplomatique éthiopien, les Etats-Unis ne furent réellement présents sur la scène éthiopienne qu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Après la libération de l’Ethiopie obtenue en grande partie grâce à l’armée britannique, ceux-ci entendaient exercer un contrôle et une ingérence croissante dans les affaires intérieures éthiopiennes (ibidem). Afin de mettre un terme à cette domination et afin des restaurer son pouvoir Hailé Selassié, se tourna vers les Etats-Unis et leur générosité réputée (ibidem). En 1943, lors d’une rencontre officielle entre Vice-Ministres des finances éthiopien et américain sur le sol de ce dernier, Yelma Deressa présenta sa requête pour une assistance militaire et de l’envoi de conseillers en droit et en finance. Les Américains avaient déjà installé à Asmara, point stratégique de la région, une base Navale et une radio. En 1944, ils répondent à cette requête, en étendant un prêt-bail de matériel militaire, (forme de location à long terme) assorti d’une assistance technique. Le soutien des Etats-Unis permit à l’Ethiopie de mettre un frein aux prétentions hégémoniques de la Grande-Bretagne (Barhu Zwede, 2001 : 184). Les accords Ethio-Américains se poursuivirent et en 1947, une mission édita des recommandations quant au développement des infrastructures. Les Etats-Unis les mirent en place effectivement entre les années 1950 et 1960 et durant cette période, ils étendirent leur assistance et élaborèrent le « Point Four ». Programme qui visait, entre autres, le développement de l’agriculture, de l’éducation en santé publique, l’appui administratif et enfin la délivrance de bourses d’études. La révolution nassérienne de 1952 impulsa une accélération des accords (ibidem). En 1953, l’Ethiopie obtint l’assistance militaire souhaitée

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Il ne sera traité ici ni de l’apparition du PEPFAR et de son arrivée en Ethiopie, ni des financements octroyés par USAID à l’EOTC via l’ONG confessionnelle IOCC (International Orthodox Christian Charities), le chapitre

et la signature en 1953 du traité Ethio-US, jette les bases des relations entre les deux pays pour les prochaines décennies (Barhu Zwede, 2001 : 185).

En 1974, la révolution éthiopienne et l’arrivée au pouvoir du därg ne changent d’abord rien à ces accords, les Etats-Unis fournissent à Mengestu Hailé Mariam l’assistance militaire réclamée. La rupture viendra de ce dernier qui mit un terme à l’alliance Ethio-Américaine en concluant un accord avec l’URSS. Cependant, le milieu des années 1980 verra la naissance des fronts de libérations des peuples Erythréen et Tigréens que les USA contribueront à armer et à financer participant en sous-main à la chute du därg. Enfin, Mengestu Hailé Mariam pourra s’enfuir au Zimbabwe avec l’accord de la CIA (Prunier, 2007 :150) qui souhaitait ainsi éviter un bain de sang dans la capitale. Un autre acteur important de la scène éthiopienne de lutte contre le sida a un lien privilégié avec les Etats-Unis, le futur Abuna Pawlos.

Avant son ordination, l’Abuna Pawols se nomme Gäbré Medhin Woldé Yohänes. Etudiant au Collège Théologique de la Sainte Trinité à Addis Ababa, il sera envoyé par l’Abuna en place, à la fin des années 1960 aux Etats-Unis pour y poursuivre ses études de théologie (orthodoxe). Il retourna en Ethiopie en 1974 et fut emprisonné en 1983. Un an plus tard il fut relâché et retourna aux Amériques terminer son doctorat. En 1992, il fut élu Patriarche de l’EOTC.

A la chute du régime stalino-communiste, les relations Ethio-Américaines reprennent, l’Ethiopie devenant un état-pivot de l’Afrique de l’Est eu égard à sa stabilité politique. Le Kenya a faillit la détrôner, au milieu des années 2000, soit au moment où les premières élections réellement démocratiques en Ethiopie tournèrent court et débouchèrent sur des arrestations, des emprisonnements, et la répression des émeutes dans le sang. Cependant, le Kenya deux ans plus tard fut secoué par des troubles politiques, réaffirmant la position de l’Ethiopie. La guerre que les Ethiopiens ont menée contre les islamistes somalis à partir de la fin de l’année 2006, à la demande des américains confirma l’Ethiopie dans sa position d’Etat- pivot de la région.

Ainsi les relations entre l’Ethiopie et les Etats-Unis sont-elles apparemment placées sous le sceau de l’amitié et de l’entente militaire. Cependant, il faut noter plusieurs points de tensions. D’abord, l’Ethiopie a une longue tradition diplomatique : le jeu des alliances et des soutiens a joué un rôle important sinon déterminant dans la préservation de son indépendance. Les Etats-Unis ne sont donc pas le seul allié de l’Ethiopie. Depuis quelques années, celle-ci se rapproche de la Chine qui est devenu un partenaire incontournable de son développement, à l’instar de nombre d’Etats africains. La Chine a le mérite d’offrir une alternative aux alliances issues de la période de colonisation et de post-colonisation. Ensuite, si l’entente Ethio- Américaine demeure réelle sur le plan diplomatique, des dissensions existent. Les Etats-Unis abritent des opposants au régime actuel et la secrétaire d’Etat aux relations internationales lors d’un discours à l’OUA à Addis Ababa en 2010 a, relativement subtilement, dit que les leaders africains au pouvoir depuis 20 ans devaient songer à passer la main, visant entre autre Meles Zenawi, au pouvoir depuis 1994. La transmission radiophonique de ce discours a été brouillée sur le sol éthiopien.

L’implication de l’EOTC dans la lutte contre le sida en Ethiopie met donc en jeu de nombreux acteurs. Le sida est certes une maladie inédite, ayant des caractéristiques spécifiques, mais les réponses apportées à ce type d’épidémie s’ancrent dans une histoire qui va également contribuer à modeler la réponse institutionnelle. L’Etat éthiopien a créé puis développé un système de santé dès les années 1900, et bien que les besoins ne soient pas totalement couverts la progression a été constante, excepté la période 1980-1990. L’apparition du VIH et la mise en place des plans de lutte gouvernementaux successifs largement financés par les bailleurs de fond internationaux et bilatéraux ont permis de distribuer les ARV et, plus généralement, de développer le système de santé. Si des progrès demeurent à accomplir, la marche a été amorcée il y a plusieurs années.

L’implication de l’EOTC dans la lutte contre le sida advient dans ce cadre. Tandis que traditionnellement, elle incite les fidèles à se tourner vers l’ascèse et le carême pour obtenir une guérison, aujourd’hui elle coopère avec les instances internationales pour s’occuper des pauvres, les aider à gagner leur vie. Elle s’occupe des réfugiés alors que le christianisme éthiopien est profondément lié à l’identité éthiopienne. Ainsi, pour l’EOTC la configuration actuelle est-elle sans précédent. Il en va autrement pour les instances internationales et les organismes bilatéraux, la configuration actuelle de la lutte contre le sida n’est que partiellement inédite. En effet, les organismes internationaux financent en Ethiopie, depuis 1971, des Eglises ou des congrégations confessionnelles, dans le cadre des activités de développement, les associations religieuses ayant en charge une structure de santé, l’aide et l’abri au pauvre, etc. La nouveauté réside dans les financements attribués au nom d’une morale qui préserve la santé : l’abstinence est devenue une morale religieuse protectrice contre le sida et à ce titre, reçoit des subsides parfois conséquents.

CHAPITRE III

Le christianisme éthiopien :

L’Eglise Ethiopienne Täwahedo Orthodoxe et l’eau bénite ou tsäbäl

L’histoire de l’Eglise chrétienne éthiopienne indissolublement liée à l’Etat jusqu’à il y a peu. Sa place dans l’identité nationale, son poids dans la culture ainsi que le nombre de ses fidèles en font une institution incontournable pour qui s’intéresse à ce pays. Au-delà de ces considérations, nous avons vu qu’elle occupe aujourd’hui une place non négligeable dans la lutte contre le sida, mais il s’agit de la branche « institutionnelle », de l’EOTC (Ethiopian Orthodox Täwahedo Church) soit en tant que structure hiérarchisée de ce christianisme qui est cependant loin de se réduire cette composante. En effet, durant la période de sous-implication gouvernementale contre le sida, les chrétiens éthiopiens infectés ou non par le VIH ont trouvé, au sein du christianisme éthiopien, une réponse, ont donné un sens à cette épidémie. C’est vers le rituel de l’eau bénite qu’ils se sont tournés pour trouver une réponse, une solution à cette épidémie. Ce sont les sites d’eau bénite et le petit clergé qui les premiers, parmi les religions présentes en Ethiopie, ont offert une issue à l’infection au VIH. Ce constat témoigne d’une religiosité particulière, d’un christianisme que d’aucun considère original et tout simplement propre à l’Ethiopie.

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