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P REMIERE PARTIE

I. L’Ethiopie, un Etat : portrait historique

L’histoire de l’Ethiopie19

est riche et longue. Pour certains, ce pays a, selon une formule mythique « 3000 ans d’histoire ». Le Käbra Nägest « la Gloire des rois », récit glorieux composé en ge’ez, entre les XIIIe et XIVe siècles, fondait la légitimité de la dynastie salomonienne des rois éthiopiens. Ce document fait remontrer l’histoire de l’Ethiopie au Xe siècle avant notre ère, avec la visite de la reine de Saba au roi Salomon, de leur amour naquit le premier roi d’Ethiopie, Ménélik I. Or, les mythes savent coexister avec une vérité établie par les historiens. La périodisation suivie ici a été établie par R. Pankhurst (2001), si tous les historiens n’y adhèrent pas totalement, elle nous est utile pour l’organisation de la synthèse.

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La présente synthèse a été écrite à partir des travaux de D. Crummey (1969), de J. Markakis (1975), de K. Stroffregen-Pedersen (1990), du Docteur Berhanou Abebe (1998), de R. Pankhurst (1990, 2001), et de Barhu Zewde (2005).

Axoum la grande

L’histoire de l’Ethiopie en tant qu’entité territoriale et politique remonte, d’après les historiens et archéologues, au IIIe siècle avant notre ère. A son apogée, à partir du Ie siècle av. J.C., le royaume d’Axoum s’étend du Sud de l’Arabie au Nord du Somaliland (Doresse, 1970). De nombreuses sources attestent de la puissance de royaume d’Axoum et de la richesse de son port, Adoulis, impliqué dans le commerce entre le monde méditerranéen et Ceylan et l’Inde. La civilisation Axoumite perdurera jusqu’au VIIe siècle de notre ère. Deux des caractéristiques de cet Etat sont la maîtrise de l’écriture, le ge’ez et la conversion de son roi, Ezana au christianisme au IVe siècle.

Les Zagwe

A la fin du VIe siècle le déclin du royaume est amorcé. Plusieurs facteurs interviennent : l’expansion de l’Islam, la montée en puissance de la Perse, la perte de la suprématie commerciale sur la mer rouge commence. Ce déclin prend la forme d’un « repli d’Axoum vers les hauts plateaux » (Berhanou Abebe, 1998 :32). L’Empire couvre alors le Nord de l’Ethiopie actuelle (Tigré, Lasta, Bégemder), et la couronne revient à la dynastie des Zagwe autour 1140 (Berhanou Abebe, 1998). Un de ses rois les plus éminents est celui de Lalibela, Gäbré Mäsqäl, qui entre les XIIe et XIIIe siècles, fera tailler dans le roc les fameuses églises rupestres de Lalibela. Durant cette période, le ge‘ez devient langue de la religion et l’amharique acquiert le statut de langue du roi. Les Zagwe seront détrônés en 1270 par Yekunno Amlak, considéré comme un descendant des Axoumites, ramenant ainsi la couronne à la dynastie salomonienne. Commence alors, au XIIIe s. le Moyen Âge éthiopien. Durant cette période, le monarque prend le titre de Negusä nägäst, soit “Roi des rois”20, et sa capitale est itinérante.

Le Moyen Âge

Le XVIe siècle sera le théâtre de la première confrontation avec un occident chrétien prosélyte. Depuis 1528, le pays est en guerre contre une armée musulmane conduite par Ahmed Gragn, dit le gaucher, originaire de Harar. L’empereur Dawit II fait appel aux Portugais, et en 1542, une armée conduite par le fils de Vasco de Gama arrivera en Ethiopie et aidera à mettre fin à la guerre. Quelques années plus tard, en 1557, des jésuites parviennent en Ethiopie et tentèrent de convertir le pays au catholicisme. Ils furent chassés du territoire en 1632, par l’empereur Fazilidas qui fixa la capitale à Gondar. Mais, en 1769, ce Roi des rois est assassiné par un Ras (“roi” en français) inaugurant la période de chaos appelée Zämäna

Mäsafent, que Berhanou Abebe traduit par « l’Ere des Princes ou des Juges » (1998 : 62).

Durant plus d’un siècle, des rois se feront appeler Roi des rois et se battront pour la succession, sans parvenir à unifier le pays.

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L’époque moderne

La fin de cette période débouche sur l’époque moderne éthiopienne, inaugurée par le roi Téwodros II (Pankhurst, 2001). Il conquiert le trône en 1855, mettant fin à la période de chaos. De nombreux auteurs le considèrent comme le « premier monarque éthiopien soucieux de moderniser son pays » (Crummey, 1969 ; Stroffrengen Perdersen, 1990 : 25 ; Barhu Zwede, 2005). Yohannes IV lui succède en 1872. Son règne est marqué par l’unification du territoire et les affrontements avec les puissances occidentales, l’ouverture du Canal de Suez rendant le contrôle de la région stratégique. Yohannes IV meure sur le champ de bataille en 1889. Il laisse un pays en cours d’unification et ayant gagné le respect des Anglais mais aux prises avec une Italie de plus en plus gourmande.

La préservation de l’indépendance de l’Ethiopie

Il revient à Ménélik II couronné en 1889, d’avoir réellement inauguré l’entrée de l’Ethiopie dans la modernité et d’avoir préservé son indépendance. En 1893, les Italiens installés dans l’actuelle Erythrée signent un traité avec Ménélik II qui dans la version italienne plaçait l’Ethiopie sous leur tutelle diplomatique. Dénonçant le traité, l’Empereur éthiopien engagea plusieurs batailles contre l’armée italienne. En mars 1896, la victoire bataille d’Adoua fera de l’Ethiopie une nation souveraine, une des rares nations non-colonisées du monde. Cette victoire mettra fin aux prétentions coloniales des autres puissances européennes qui choisirent la pénétration économique, participant ainsi au développement de l’Ethiopie. De fait, la construction du train par les Français qui s’achève en 1913, assurera sa croissance économique. Ce début de XXe siècle verra la création d’une banque, de la poste, le téléphone, un premier collège. Ménélik décède en 1906, l’impératrice Zeoditu est proclamée régente en 1917 et Ras Tafari héritier du trône. Il est couronné en 1929 sous le nom de Hailé Selassié. Il fit entrer l’Ethiopie à la SDN (Société des Nations) en 1923. Suite à l’invasion de l’Ethiopie par l’Italie fasciste en 1935, il viendra durant son exil à Genève lui demander son soutien en 1936, en mettant en garde l’Europe du danger qui les menace. L’incapacité de la SDN à agir et à empêcher la Deuxième Guerre Mondiale conduira à sa dissolution puis à la création des Nations unies en 1945, l’Ethiopie devenant un pays des membres fondateurs. Libérée en 1941 avec l’aide de la Grande-Bretagne, l’Ethiopie reprend le chemin de la modernisation. L’ère suivante sera celle de la réorganisation de l’Empire et de sa modernisation qui déboucheront sur améliorations sociales et économiques substantielles : apparition d’hôpitaux, d’écoles, de routes, d’une université et d’une monnaie nationale, le birr éthiopien.

Le därg et la dictature stalino-communiste

Les années 1960-70 seront celles des revendications du peuple. Un mouvement d’étudiants suivis par les professeurs et une large frange de la population (ouvriers, paysans) réclament, entre autres : la liberté de la presse, la démocratie, l’abolition du régime féodal et une répartition plus juste de la terre. En 1974, la révolution éthiopienne essaime au sein de l’armée qui crée le därg, un comité de coordination des Forces armées. Ce mouvement déclaré non-représentatif par le peuple destitue Hailé Selassié en septembre 1974. A partir de 1975, il mettra progressivement en place une dictature stalino-communiste menée par Mengestu Hailé Mariam. En mars 1975, la nationalisation des terres suscita la liesse populaire (Markasis, Nega Ayele, 1978 : 160). Mais, l’année suivante, sera celle de la période de la

terreur rouge durant laquelle 5000 personnes seront tuées et 30 000 emprisonnées en une semaine. La même année, la signature d’un accord d’assistance militaire avec l’URSS marque l’avènement du régime totalitaire. La famine de 1984-86 sera l’occasion pour le Gouvernement de déplacer près de 3 millions de personnes.

Une grave crise économique, la famine et l’annonce de la perestroïka russe suivant la chute du communisme en URSS, amorceront la fin du régime du därg. En 1990, après les victoires de plusieurs mouvements nationalistes régionaux (du Tigré, Oromo, de l’Amhara et de l’Erythrée) dans des batailles contre l’armée du därg. Le FLPT (le Front de Libération du peuple du Tigré), un de ses premiers mouvements vise désormais la libération du pays entier et créé le Front démocratique révolutionnaire du peuple éthiopien (FDRPE) regroupant sous sa houlette, les autres mouvements régionaux. Après de nombreuses défaites, Mengestu Hailé Mariam fuit au Zimbabwe, le FDRPE entre dans Addis Ababa le 28 mai 1991, devenu jour de fête nationale.

L’époque contemporaine

La chute du därg en 1991, signe le début de l’époque contemporaine éthipiopienne (Pankhurst, 2001). Cette même année, un Gouvernement de Transition (Gouvernement de Transition d’Ethiopie - GTE) composé des différents mouvements ayant participé à la chute du därg prend le relai jusqu’en 1995. Le GTE élabore en 1994, la Constitution éthiopienne qui établit une nouvelle division administrative à base ethnique du pays en douze kelels ou régions. En 1993, l’Erythrée vote la séparation d’avec l’Ethiopie qui reconnaît l’Etat érythréen dès sa naissance. En 1995, les premières élections se tiennent et la République fédérale démocratique d’Ethiopie née, avec à sa présidence, Negasso Gidada et à la tête du gouvernement le premier ministre, Meles Zenawi. Les élections de 2005 ont constitué dans la marche de l’Ethiopie vers la démocratie une étape essentielle. Le déroulement des préparatifs aux élections a, dans l’ensemble, témoigné d’une volonté sincère de faire œuvre de démocratie. Les résultats des élections et les années suivantes seront celles d’un fiasco et des tensions entre le parti au pouvoir et les partis d’opposition ont abouti à une crispation sérieuse. Des manifestations de novembre 2005 ont été réprimées dans le sang et les membres de partis emprisonnés. En 2010 les élections ont donné le parti FDRPE largement victorieux, et ont vu Meles Zenawi confirmé au poste de premier ministre. Aujourd’hui la situation est assez inquiétante en terme de démocratie, de liberté de la presse et de protection des droits civils. Cependant, l’Ethiopie connaît depuis la fin des années 1990 une forte croissance économique, et des améliorations réelles des conditions de vie en milieu urbain et dans une moindre mesure en zone rurale.

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