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L’EOTC s’investit dans la lutte contre le sida : la Commission pour le développement de l’EOTC (EOTC DICAC)

P REMIERE PARTIE

V. L’EOTC s’investit dans la lutte contre le sida : la Commission pour le développement de l’EOTC (EOTC DICAC)

Une des branches de l’EOTC est spécialement investie dans le développement. Plus spécifiquement, cet organe, EOC DICAC (Ethiopian Orthodox Church Development and Inter-Church Aid Commission) ou EOTC DICAC (Ethiopian Orthodox Täwahedo Church Development and Inter-Church Aid Commission) est dédié à l’aide aux réfugiés, au

développement agricole et à l’amélioration de l’accès à l’eau, et depuis le début des années 2000, à la lutte contre le sida.

V. 1 Un détour par l’histoire de la Commission

Dans la veine des réformes instaurées dans les années 1970, suite à l’acquisition de l’autocéphalie et le développement croissant du rôle de l’Episcopat, le Patriarcat créa un organe a vocation de développement, le EOC-DICAC, (Ethiopian Orthodox Church Development and Inter-church Aid Commission). Par un décret paru en 1972, l’Eglise Ethiopienne Orthodoxe Täwahedo (EOTC en anglais) se dote d’une commission chargée du développement que l’institution considère sur son site Web comme une des plus anciennes « FBO », Faith Based Organization ou ONG religieuse.

D’après le site Web de la commission39, celle-ci est « agencée comme une “organisation non gouvernementale” sous les auspices de l’Eglise ». Cette commission est placée sous le contrôle direct du saint synode et présidée par le Patriarche de l’EOTC, depuis 1992, l’Abuna Pawlos. Les personnes travaillant à la Commission sont essentiellement des laïcs formés choisis pour leurs compétences professionnelles ainsi que leur dévotion à l’EOTC et certains ont également reçu une formation religieuse, et parfois ont occupé une charge diaconale. Le site Web rapporte que durant les premières années, cet organe avait pour but l’éducation des jeunes, l’aide aux pauvres, et plus généralement devait jouer un rôle dans le développement national de l’éducation, de l’économie et culturel. D’après les données que nous avons pu collecter et les personnes interviewées de manière informelle, il semble que cette Commission ait eu d’abord pour finalité l’aide aux réfugiés ainsi que leur retour. Elle est d’ailleurs connue, du grand public éthiopien, essentiellement pour cette raison. L’EOC- DICAC indique qu’en 1971, un programme de support aux réfugiés et de retour a été établi sur la base d’un accord quadripartite impliquant : le Haut Commissariat Nations Unies pour les Réfugiés (HCR), le « International University Exchange Fund » (IUEF), le Conseil Mondial des Eglises (ou World Council of Churches –WCC) et enfin l’Eglise Orthodoxe Ethiopienne (alors appelée ou EOC). Il s’agissait d’aider les réfugier dans les camps en leur fournissant de quoi satisfaire les besoins les plus élémentaires en nourriture, hygiène, éducation également, etc. mais également de trouver des solutions durables soit par un retour dans leur pays, soit par un accès au pays d’accueil.

Ce site Web indique que EOC-DICAC a pris part à la réponse à la famine de 1973/74 puis à celle de 1984/85, mais aucun des documents collectés sur cet évènement et aucune des

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http://eotcdicac.org/index.php/dicac/historical-background. Il est nécessaire de préciser ici un aspect de l’enquête de terrain. A de multiples reprises, nous avons cherché à entrer en contact avec cette ONG religieuse auquel le département EOTC HAPCO (l’organe créé pour la lutte contre le sida) est rattaché. Ces tentatives ont débuté lors de notre enquête de terrain menée dans le cadre du DEA, en 2004. Toutefois, aucunes des démarches entreprises n’a abouti. On nous a indiqué des bureaux que soit nous n’avons pas pu identifier comme étant ceux de l’EOC-DICAC soit ne correspondant pas à ceux de cette ONG (Collège de Théologie, saint synode, patriarcat, bibliothèque du patriarcat, etc.). Les personnes alors rencontrées nous renvoyaient à d’autres bureaux ne correspondant pas plus à l’établissement recherché. Dans l’enceinte du département de l’EOTC HAPCO, on nous expliqua qu’un bâtiment lui était réservé. Mais nous n’y avons jamais vu personne et les portes du département étaient systématiquement closes. Ainsi, en l’état actuel de nos investigations, les données

personnes interviewées, même de manière informelle, ne mentionne la participation de l’EOC-DICAC. Ainsi, en l’état actuel de nos connaissances et des données disponibles, il est délicat de présenter une histoire détaillée de cette institution (cf. infra).

V. 2 Les branches de l’EOC-DICAC et une lutte contre le sida richement dotée

Les activités de la Commission ont ensuite été développées dans plusieurs directions. Aujourd’hui l’EOC-DICAC est composée de cinq départements : trois départements impliqués effectivement et directement sur le terrain, et deux départements d’appui et d’organisation. Les trois principaux départements et activités sont :

• les réfugiés et l’aide au retour (Refugee and Returnes Support)

• le développement, incluant le développement de l’accès à l’eau (Development Department and Water Resource Development), et enfin,

• le service de prévention et de contrôle de l’épidémie du VIH (HIV/AIDS Prevention and Control)

Les noms ou acronymes désignant ces trois départements sont précédés de l’acronyme EOC- DICAC.

Comme nous l’avons dit, en 1987, alors que l’épidémie au VIH n’était que peu visible, le

därg demanda à l’EOTC de prôner le retour et le respect des valeurs traditionnelles

considérées comme protectrices contre les nouvelles infections au VIH. D’après son site Web, elle fut dès lors la première congrégation religieuse à parler publiquement du sida en Ethiopie. Nous verrons dans la prochaine partie que les recommandations et les actions prônées s’apparentaient à une mise au pilori de certaines catégories de populations. En 1999, le Gouvernement fédéral éthiopien organise des réunions préparatoires à la création du National Task Force auxquelles l’EOTC est conviée en tant que membre de la société civile et institution religieuse. Parallèlement, Pathfinder International subventionne l’EOTC et met en place les premiers projets de lutte contre le sida, dans la région administrative Amhara, ainsi que dans les Nord et Sud Wollo.

Deux ans plus tard, en 2001 d’après le site, et d’après les entretiens menés dès 199840, la Commission met en place un conseil au sein de la DICAC qu’elle nommera EOC HIV/AIDS Council41

. La deuxième période de l’implication débute en 2004, au moment où elle commence effectivement à proposer au HAPCO un programme de lutte quinquennal. Il est très intéressant, et nous y reviendrons ultérieurement, de noter que ce programme et son implication croissent de manière très significative après l’arrivée de IOCC (International Orthodox Christian Charities), une ONG confessionnelle mandatée par USAID (United Stated Agency for International Development). Il apparaît donc que si l’Eglise s’est effectivement

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Les informations relatives à l’implication de l’Eglise dans la lutte contre le sida et plus généralement l’histoire de DICAC et les projets mis en œuvre ainsi que sa politique sont assez délicats à établir de manière claire et attestée. En effet, les versions et les dates varient beaucoup d’un interlocuteur à l’autre. Par ailleurs, au fil de nos entretiens avec divers membres de l’Eglise, la tendance à faire remonter les débuts de l’implication de l’EOTC dans la lutte contre le sida le plus loin dans le temps est devenu très sensible. Ainsi, certains prêtres lors des dernières enquêtes de terrain menées dans le cadre de cette recherche, au premier semestre 2008, ont pu nous dire que l’Eglise avait toujours lutter contre le sida en prônant le « un pour un » et en avertissant les fidèles des dangers qui les menaçaient s’ils ne respectaient pas les conseils et les directives de l’Eglise.

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engagée contre le sida très tôt, son implication n’est pas sans lien avec les financements de projets spécifiques et plus structurels d’organismes bilatéraux. Cette tendance n’est pas propre à l’épidémie au VIH, mais semble être un des modes de fonctionnement de cet organe de l’EOTC œuvrant pour le développement.

V. 3 L’EOC-DICAC : l’implication de l’EOTC dans le développement international

L’implication des ONG confessionnelles dans l’arène du développement a considérablement cru depuis les années 1980 (Hofer, 2003 ; Roudoumetof et al., 2005 ; Duriez et al., 2007 ; Kaag, Saint-Lary, 2011). La plupart des auteurs invoquent pour expliquer ce processus les globalisations du religieux et de l’aide humanitaire (Bastian et al., 2001 ; Agadjanian, Roudmetof, 2005 ; Duriez et al., 2007 ; Saint-Lary et al. 2011).

Comme le fait remarquer L. Molokotos-Liederman, contrairement aux congrégations catholiques, évangéliques ou musulmanes, l’orthodoxie n’est guère représentée parmi les ONG religieuses (2007 :140). Si bien que sur la scène des FBO ou en français ONG religieuses, les ONG confessionnelles orthodoxes de stature internationale sont rares. Elles ne sont, en outre, que « très peu étudiées » (Molokotos-Liederman, 2007 :140). L’EOTC-DICAC se situe elle-même dans le champ des FBO ou ONG confessionnelle, cependant, elle garde une envergure uniquement locale. De plus, le christianisme éthiopien, quoique rassemblant officiellement 40 millions de fidèles ne peut être qualifiée de religion globalisée. Au contraire et c’est là une des spécificités de l’orthodoxie, elle s’inscrit dans un contexte national, traversé par des problématiques identitaires fortes (Gillet, 1997 ; Capelle-Pogacean, Rousselet, 2005 ; Roudoumetof et al., 2005), qui interrogent la capacité de ces ONG confessionnelles orthodoxes d’accéder au statut d’ONG internationale (Molokotos-Liederman, 2007)

L. Molokotos-Liederman explique cette sous-représentation par plusieurs facteurs dont certains sont structuraux à la religiosité orthodoxe même. Le christianisme oriental est caractérisée par son attachement au mysticisme et à la contemplation (Clément, 1961 ; Meyendorff, 1975 ; Lossky, 1990 ; Molokotos-Liederman, 2007) ce qui la conduit à se désintéresser des affaires séculières. Pour autant, l’auteure argue que dans la théologie orthodoxe, la notion de diakonia ou diaconie fonde l’action dans le monde en qualité de « sacrement »,

« Elle est un acte émancipateur de l’humanité, la libérant de la pauvreté, de l’oppression et de l’injustice » (ibid : 141)

L’auteure ajoute à cet argument, l’absence de ressource de ces Eglises ainsi qu’une préférence pour l’action locale, informelle, voire discrète (ibid : 141-142).

Le christianisme éthiopien n’a pas, à notre connaissance, autant assis théologiquement l’assistance et l’action dans le monde contre la pauvreté. Toutefois, selon les textes canoniques centraux de l’Eglise éthiopienne (alors EOC) tels le Sénodos, le Didascalie, l’aide aux pauvres ainsi que la protection des orphelins et des veuves, constituent des devoirs des hauts dignitaires tant religieux que séculiers. Une attention à la religiosité laïque et au rapport de l’Eglise aux nécessiteux, révèle que ces préceptes n’ont pas été mis en pratique de manière institutionnalisée et/ou régulière. Nos observations, nous conduisent plutôt à considérer que la charité et l’aide aux pauvres est d’abord une affaire privée. Ces actions sont certes fondées sur

des recommandations religieuses et arrimées au salut tant terrestre que extra-vitae, mais elles ne sont pas autant structurées que dans les christianismes occidentaux. Par ailleurs, et à l’instar des autres Eglises orthodoxes, l’EOTC n’est pas une église riche. D’ailleurs, la majorité des programmes de l’EOTC-DICAC sont financés par des fonds internationaux (HCR) ou bilatéraux (Water Aid).

Dans ces conditions (faiblesse de fondement théologique, absence de ressources propres, et charité individuelle primant sur le soutien institutionnel), l’existence et le rayonnement de cette ONG confessionnelle chrétienne éthiopienne sont entourés d’interrogations.

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