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I. D’UNE ACTUALISATION RESONANTE DE LA MUSEALITE

4. LA RELATION AUX ELEMENTS DE LA REALITE

4.2 LES PROBLEMATIQUES EXISTENTIELLES DE BASE

Du fait que des institutions découlent les modalités relationnelles dont dispose l’individu afin de se lier au monde, Schulze identifie dans La société de l’expérience vécue en 1992, cinq formes d’existence spécifiques au milieu que le critère de la problématique existentielle de base663 permet de distinguer. Recoupant en partie ce que Rosa appelle « forme fondamentale de relation au monde », les problématiques existentielles de base permettent la standardisation des attitudes déterminant le positionnement d’un individu dans le monde, ainsi que l’orientation de ses actes et pensées. Articulées à l’appréhension de la dimension olfactive des muséalia en contexte expographique par le biais des effets odorants, elles permettraient d’orienter la conception des dispositifs olfactifs prenant une muséalie pour source odorante, afin d’optimiser le potentiel résonant de la rencontre entre visiteur et objet par l’intermédiaire de l’odeur, l’effectivité d’une actualisation résonante de la muséologie de Stránský par le biais privilégié de l’odorat soit, la perspective d’une muséologie dite « olfactive ». Telles qu’ayant été identifiées par Schulze, les problématiques existentielles de base sont : la menace, la mise à l’épreuve, la stimulation, l’expérience de soi et l’adaptation664. Elles peuvent par ailleurs, être

663 SCHULZE Gerhard, Die Erlebnisgesellschaft : Kultursoziologie der Gegenwart, Campus Verlag, Francfort-sur-le-Main, Allemagne, 1992, p. 232. « Ce que nous entendons par le concept de problématique existentielle de

base se précise dès que l’on représente l’ensemble des actions, des pensées et des émotions d’une personne sur un long laps de temps. Les nombreuses orientations que nous suivons, selon les situations, quand nous vaquons à notre travail, consommons, entretenons notre vie sociale etc, renferment de façon implicite une réponse globale à la question de savoir à quelle fin nous vivons. Il existe une corrélation à peine consciente, intuitive, entre les innombrables activités qui s’enchainent et se superposent dans notre vie quotidienne et notre attitude fondamentale vis-à-vis du sens même de la vie. »

664 Afin de les illustrer, Rosa donne l’exemple suivant dans ROSA Hartmut, Résonance, Une sociologie de la

relation au monde, La Découverte, Paris, 2018, p. 160 : « Imaginons qu’un instituteur entre un matin dans sa salle de classe et annonce à ses élèves qu’il a besoin de volontaires pour se livrer à une expérience qu’il ne précise pas davantage. Comment réagiront-ils ? Une élève qui perçoit le monde essentiellement comme un champ de menaces tâchera, craintive, d’esquiver le danger : elle baissera les yeux, refera ses lacets ou fera mine de fouiller dans son sac, espérant que ça ne tombe pas sur elle. Si, au contraire, elle conçoit le monde comme un vaste champ d’opportunités et de défis à relever, elle s’empressera de lever le doigt avec enthousiasme. Le groupe des volontaires variera cependant selon les précisions données par l’instituteur sur ce qu’il attend d’eux : s’il s’agit d’une tâche intellectuellement difficile requérant des connaissances et compétences précises, seuls se porteront volontaires ceux qui conçoivent leur PEB comme une mise à l’épreuve où ils pourront se distinguer et occuper le plus haut rang. S’il explique au contraire qu’il faut s’attendre à de l’action, que ça pourrait être explosif, que l’on pourrait se faire éclabousser, qu’il pourrait y avoir du danger, elle intéressera alors un autre groupe d’élèves,

aisément distinguées en fonction de la manière dont un sujet est amené à réagir vis-à-vis d’une chose nouvelle. Ceux ayant une problématique existentielle de base relative à la menace demanderont en effet si cette chose nouvelle est dangereuse, ceux dont elle renvoie à la mise à

l’épreuve demanderont si cette chose est difficile, ceux dont elle concerne la stimulation,

demanderont si cette chose contient de l’action, ceux dont elle est afférente à l’expérience de

soi demanderont si cette chose ouvre de nouveaux horizons, et ceux dont elle est liée à

l’adaptation demanderont si cette chose est opportune665.

Ainsi, si la programmation des effets odorants dynamiques des dispositifs olfactifs prenant une muséalie pour source odorante dépend principalement, dans un contexte expographique, de l’articulation de l’odeur des objets au discours de l’exposition, et donc, d’enjeux scénographiques, la connaissance que possède une institution de son public permettrait d’infléchir certaines décisions, afin de maximiser le potentiel résonant de la rencontre entre visiteur et objet par l’intermédiaire de l’odeur de ce dernier. Par exemple, si au cours du diagnostic olfactif d’un objet donné, le parfumeur évoque une odeur suffisamment saillante pour mener à un effet sémantique d’intrusion, les effets dynamiques du dispositif olfactif correspondant à cet objet dans un contexte expographique pourront, soit viser l’amplification de cette odeur si les visiteurs connus de l’institution répondent à une PEB666 relative à la

stimulation, soit son atténuation s’ils répondent davantage à une PEB liée à la menace. De

même, des effets sémantiques madeleine ou de confusion pourront être respectivement accentués vis-à-vis de publics répondant à la PEB de l’expérience de soi ou de la mise à

l’épreuve. L’attention ainsi portée à l’articulation de la restitution des effets sémantiques ayant

auxquels le monde apparait non comme un champ d’épreuves mais comme un champ de stimulations. Ce qui rend la tâche attrayante à leurs yeux, ce n’est pas la maitrise de la difficulté, mais l’excitation nerveuse qu’ils en attendent, ils recherchent davantage un « frisson » qu’un défi intellectuel. La question n’est pas pour eux de savoir s’ils pourront se distinguer, mais de savoir « ce que ça fait ». Il existe un quatrième type d’élève qui, lui, n’aspire ni au défi intellectuel, ni au « frisson », mais recherche de nouveaux modèles et de nouvelles possibilités d’expérience de soi. L’expérience n’intéressera ce genre d’élève que si elle lui promet des émotions insolites, inconnues, susceptibles de modifier son état de conscience, ou la possibilité d’une redécouverte de soi. Enfin, le cinquième et dernier type d’élève n’exprime aucun modèle de réponse « intrinsèque » : sa problématique existentielle est celle de l’adaptation, car le monde est pour lui un champ dans lequel il est sans cesse confronté à des attentes normatives qu’il s’agit de satisfaire. Si le chouchou du maître se porte volontaire, il fera de même, si les leaders de la classe refusent d’un air blasé, il s’abstiendra également. »

665 ROSA Hartmut, Résonance, Une sociologie de la relation au monde, La Découverte, Paris, 2018, p. 161. 666 Problématique existentielle de base.

été relevés au cours du diagnostic olfactif par un parfumeur, avec les problématiques existentielles de base auxquelles peuvent a priori répondre les visiteurs connus de l’institution, permettrait aux dispositifs olfactifs d’optimiser le potentiel résonant de la rencontre des dits visiteurs avec l’odeur des muséalia mais également, de renforcer leur sentiment d’efficacité