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Les dispositifs olfactifs prenant un jus composé pour source

I. D’UNE ACTUALISATION RESONANTE DE LA MUSEALITE

4. LA RELATION AUX ELEMENTS DE LA REALITE

4.4. METHODOLOGIE

4.4.3 Les dispositifs olfactifs prenant un jus composé pour source

L’étude successive d’un dispositif olfactif prenant pour source un jus composé ne pouvait quant à elle, et malgré sa non exhaustivité, se départir de la préalable esquisse d’un panorama des appareils étant ou ayant récemment été employés en vue de l’insertion d’une dimension olfactive intentionnelle au sein d’une institution culturelle. Or, comme ce fut déjà indiqué il y a de cela près de vingt ans, l’ancienneté des procédés d’odorisation ne justifie qu’en de rares occasions que leur soient exclusivement consacrées des publications, nécessitant alors, afin d’en dresser l’inventaire, de procéder à l’identification et l’entretien de professionnels œuvrant simultanément ou respectivement à leurs conception, production et exploitation753. En 2014 et 2016, je sollicitais par conséquent la communauté de pratiques754 Muzeonum755 quant à l’indexation d’éventuelles expériences olfactives ayant récemment été pratiquées par des musées, collectais approximativement et à chacune de ces reprises, une trentaine de

750 Des températures chaudes contribuant à exalter la perception olfactive. 751 Et donc, le potentiel risque de fuite des odorants diffusés.

752 Chargé de communication du musée de la Chasse et de la Nature.

753 BALEZ Suzel, Ambiances olfactives dans l’espace construit : perception des usagers et dispositifs techniques et architecturaux pour la maîtrise des ambiances olfactives dans des espaces de type tertiaire, Op cit. p. 73. « Si la

plupart des procédés d’odorisation sont très anciens, ils ne font que rarement l’objet de publication spécifiques. Ce sont des entretiens avec des professionnels de l’odorisation, participation à différents congrès ou colloques et des lectures transversales de documents, d’anthropologie ou d’histoire principalement, qui ont permis de dresser un inventaire des dispositifs technologiques utilisés, ou utilisables, aujourd’hui pour odoriser dans le cadre bâti. »

754 WENGER Etienne, “Introduction to communities of practice”, 2006, http://wenger-trayner.com, consulté le 30/01/19, référence citée par Omer Pesquer : « Les communauté de pratiques sont des groupes de personnes qui

partagent une préoccupation ou une passion pour quelque chose et qui apprennent à le faire mieux en interagissant régulièrement. »

755 Plateforme de ressources et d’échanges sur le musée et le numérique, ayant été conçue en 2011 par le consultant en usages numériques Omer Pesquer.

témoignages dont j’entretenais successivement les émetteurs, afin de collecter l’ensemble des détails techniques relatifs aux projets évoqués, ainsi que le retour d’expérience des personnes en ayant assuré l’acheminement, entreprise dont l’exécution nécessitait environ six mois. La poursuite de ce recensement se concrétisa par la participation à l’édition 2016 de l’hackathon Muséomix auquel prenait part cette année le Musée International de la Parfumerie de Grasse756, rassemblant quarante-deux personnes réparties en six équipes afin de concevoir en trois jours, les prototypes de dispositifs olfactifs supposés diversifier les actuels outils de médiation du musée757. S’ensuivit au cours du mois de décembre, le dépouillement des archives de la Fondation Cartier pour l’art contemporain relatives au cycle de soirées nomades Odorama, ayant été organisé en 2003758, tandis que la maison ne s’était encore dotée d’un parfumeur759, et que les sociétés de diffusion assurant l’actuelle majorité des odorisation de musée, Exhalia et Scentys, n’existaient pas encore760, afin d’étudier la nature des équipements ayant alors été fournis quant à l’odorisation des performances prévues pour cet évènement. Le laboratoire de parfums de Cartier fut enfin impliqué à partir d’octobre 2015 dans le projet d’ouverture à Paris du Grand musée du parfum, lequel autorisa le suivi de conception de l’ensemble des dispositifs olfactifs de l’établissement par Mathilde Laurent, processus qu’il me fut par ailleurs permis d’observer à distance à validation de la CIFRE en avril 2016, avant d’en reprendre le suivi de mon arrivée chez Cartier au mois de septembre, jusqu’à l’ouverture du musée en décembre. Soucieuse de la juste restitution du panorama ainsi dressé des appareils ayant été déployés afin d’odoriser le musée, j’organisais en juin 2017 une journée d’étude intitulée « Quand la muséologie prend tout son sens : les dispositifs olfactifs au musée »761, à laquelle fut convié à

756 Évènement s’étant déroulé du 11 au 13 novembre 2016 à Grasse.

Voir pour plus de détails,https://www.museomix.org/editions/2016/grasse, consulté le 30/01/19.

Reportage France 3, « Grasse, Museomix, musée du futur au MIP », https://vimeo.com/191618712, consulté le 30/01/19.

Museomix au MIP, jour 1, https://www.youtube.com/watch?v=6G7r_igtZco, consulté le 30/01/19. Museomix au MIP, jour 2, https://www.youtube.com/watch?v=6-yG1i110c0, consulté le 30/01/19.

757 BADULESCU Cristina, Médiation muséale et dispositif de préfiguration du sens : nouvelle approche

expographique du Musée International de la Parfumerie thèse, Dijon, 2010.

758 Se reporter à l’annexe n°3, CASTEL Mathilde, « Odorama. L’instinct olfactif de la Fondation Cartier pour l’art contemporain », Les dispositifs olfactifs au musée, Contrepoint, Paris, 2018, pp. 233-281.

759 Mathilde Laurent ne rejoint la maison qu’en 2005.

760 Elles ne furent respectivement créées que l’année suivante, en 2004.

761 Voir pour plus de détails : https://calenda.org/402803 et https://calenda.org/402808?file=1, consulté le 30/01/19.

s’exprimer un important nombre de professionnels rencontrés dans le cadre de mes entretiens sur la plateforme Muzeonum, ou dans celui de mon affectation au suivi de la collaboration de Cartier au Grand musée du parfum. Je consacrais la période de juin à décembre à la retranscription de ces interventions, leur complément par ajout d’entretiens semi-dirigés réalisés avec d’autres professionnels du champ muséal et de l’industrie de la parfumerie, l’adresse d’un appel à contributions à divers chercheurs traitant de l’olfaction en de nombreuses disciplines ayant à mon sens, la capacité de nourrir la réflexion relative à la place des odeurs au musées, la rédaction d’un article de fond sur les soirées Odorama, ainsi que celle d’un papier d’ouverture consacré à l’ouvrage collectif qui fut ainsi constitué. Soumis aux éditions du Contrepoint762 au mois de janvier 2018, Les dispositifs olfactifs au musée fut publié en novembre, inaugurant la collection « Nez recherche »763, et nourrissant l’espoir de pouvoir à l’avenir contribuer à toute initiative désireuse d’interroger les rôles et enjeux de l’olfaction au sein des institutions culturelles.

J’évoquais précédemment que le réinvestissement de la parfumerie dans le développement de dispositifs capables de sublimer l’olfaction eut notamment pour effet la mutation de leur statut d’accessoire en celui d’installation artistique, mais également que Mathilde Laurent est un parfumeur particulièrement impliqué dans les aboutissement et reconnaissance des intentions artistiques afférentes à sa profession, ce dont le premier opus des OSNIde Cartier permet ici de rendre simultanément compte. L’appellation Objet Sentant Non Identifié fut en effet conçue par la maison en 2016 afin de désigner une série d’installations favorisant l’appréhension, dénuée de toute finalité de vente, du médium artistique que peut être le parfum. L’année précédente, se tenait près de Paris la Conférence des Parties sur les changements climatiques764 en regard de laquelle, la Fondation EDF eut l’initiative d’une exposition visant à nuancer le politique des négociations par la poétique de vingt-quatre installations ayant investi la notion de « climats artificiels » 765, et dont la collaboration de l’architecte Tetsuo Kondo avec la société d’ingénierie climatique Transsolar, permit le déploiement de la principale pièce. Dans un espace ayant été

762 Publiant notamment, Nez la revue olfactive : http://www.editions-lecontrepoint.com/livre/2160-2, consulté le 30/01/19.

763 Voir pour plus de détails, http://www.editions-lecontrepoint.com/collection/nez-recherche, consulté le 30/01/19.

764 COP21, Parc des expositions de Paris-Le Bourget, du 30 novembre au 12 décembre 2015. 765 « Climats artificiels », Fondation EDF, Paris, du 4 octobre 2015 au 28 février 2016.

aménagé d’un escalier, Cloudscapes recréé de manière artificielle et par stratification de trois couches d’air766, les conditions météorologiques nécessaires à la formation d’un nuage, invitant ainsi le visiteur, par ascension et descente des marches, à en expérimenter la traversée, mais également à méditer la traditionnelle opposition de la nature à l’artifice, donnant ainsi tort à Wittgenstein qui soulignait en 1942 que nous ne sommes pas en mesure de construire des nuages767. Aboutissement de cinq années de recherche, cette installation fut pour la première fois présentée en intérieur à l’occasion de la Biennale de Venise en 2010, où le centre de l’Arsenal lui était alors consacré. Rééditée en 2013 pour le Musée d’art contemporain de Tokyo, elle fut alors exposée en extérieur, isolée dans la structure d’un cube transparent de six mètres d’arrêtes capable d’isoler l’atmosphère nécessaire au maintien du nuage des conditions météorologiques extérieures768, un similaire habitacle ayant par ailleurs été successivement reproduit dans le cadre de sa mise en place à la Fondation EDF en 2015. J’évoquais que l’odeur a pour caractéristique esthétique d’être transparente soit, d’autoriser à voir à travers elle, mais il est également au nombre de ses propriétés physiques d’être traversable et traversante, sans quoi nous ne pourrions la percevoir, raison pour laquelle le mot « parfum » prend notamment son origine dans le terme « per fumare » qui signifie littéralement « à travers à la fumée ». Favorisant la relecture des origines du parfum tout en exaltant l’expansion de ses terminaisons artistiques, il était de fait riche de sens que le premier OSNI de Cartier œuvre à une déclinaison olfactive de Cloudscapes telle que le visiteur, trop habitué qu’il est désormais des infinies ingéniosités du vaporisateur, puisse redécouvrir l’appréhension d’une odeur par traversée d’un nuage parfumé. Cet ambitieux projet fut initié par le département parfum de la maison en avril 2016 avec pour ambition une présentation coïncidant avec l’édition 2017 de la FIAC769. J’y fus rattachée deux mois avant échéance afin d’alimenter son positionnement artistique et de former les médiateurs allant être affectés à son exposition, et collaborais post-évènement avec la personne chargée de son pilotage770 afin d’en structurer les archives.

766 Un air frais et sec au sol (22° et 40% d’humidité), un air chaud et humide au niveau du nuage (27° et 100% d’humidité), un air chaud et sec au-dessus du nuage (35° et 60% d’humidité).

767 WITTGENSTEIN Ludwig, Philosophica, n°2, Trans-Europ-Repress, Mauvezin, 2000, p. 103.

768 L’ETFE, dit aussi, éthylène tétrafluoroéthylène est un matériau semi-cristallin employé comme alternative au verre et pouvant endurer des températures allant de -80° à 155°C.

769 Foire Internationale d’Art Contemporain ayant alors eu lieu du 19 au 22 octobre 2017.

770 Ancienne responsable Image et Marketing du Grand musée du parfum, Élise Allonas devint responsable communication chez Cartier parfums en mai 2017, et prit à ce titre la charge relative à l’acheminement de la série OSNI.