• Aucun résultat trouvé

Le diagnostic olfactique des espaces d’exposition

I. D’UNE ACTUALISATION RESONANTE DE LA MUSEALITE

4. LA RELATION AUX ELEMENTS DE LA REALITE

4.4. METHODOLOGIE

4.4.2 Le diagnostic olfactique des espaces d’exposition

Outre la notion d’effet odorant, Balez propose en 2001 celle d’olfactique telle que, « comme

l’acoustique désigne la qualité d’un lieu du point de vue de la propagation du son, l’olfactique pourrait être son équivalent pour l’odeur, et tendrait à travailler sur les interactions entre les sources d’odeurs et les dispositifs techniques influents sur leur propagation dans un

bâtiment »740. A l’occasion de sa thèse, elle fit notamment démonstration d’une étude olfactique réalisée dans un centre commercial, pour laquelle fut conçue une méthodologie basée sur des « comptes rendus de perception en mouvement » succédant l’entretien de divers visiteurs du lieu et comprenant, l’identification préalable de potentielles sources odorantes ainsi que leur classement éventuel en cas de grande diversité741, le repérage des dispositifs de traitement de l’air afférents aux lieu, et notamment l’implantation des bouches de ventilation, ainsi que celui des sources d’éclairage naturel, ce dernier favorisant a priori la saillance des odeurs étant perçues par les usagers. Ce protocole d’analyse lui ayant permis le successif établissement d’une cartographie du centre commercial rendant simultanément compte de l’état de sa nature odorante, ainsi que des modalités d’évolution de cette dernière dans l’espace, son application se fit toute désignée quant à la réalisation d’un préalable diagnostic des espaces d’exposition devant accueillir l’appréhension, par le visiteur, de la dimension olfactive des muséalia, et fut par conséquent mise en œuvre le 9 juillet 2018 au sein des locaux du musée de la Chasse et de la Nature, à Paris742.

Hormis le fait qu’elle se soit déjà essayée à la restitution d’un parcours olfactif743 et que, comme précédemment démontré744, la chasse ait affaire avec les origines mêmes du musée, le choix de cette institution se justifie en ce que de l’annexion successive des deux hôtels particuliers qui la composent, découle une particularité tout à fait singulière en termes de propagation d’effluves. Fondée par François et Jacqueline Sommer, la Fondation de la maison de la Chasse

740 BALEZ Suzel, Ambiances olfactives dans l’espace construit : perception des usagers et dispositifs techniques et architecturaux pour la maîtrise des ambiances olfactives dans des espaces de type tertiaire, Op cit. p. 277. 741 Ibid. p. 244. « Les sources potentielles d’odeur, dans le centre commercial, ont été découpées en « familles »

qui correspondent grossièrement à celles qui sont massivement ressorties de l’analyse du vocabulaire employé par les passants pour les décrire durant leurs parcours : Nourriture : en distinguant les processus de grillage et de friture ; Produit d’hygiène : qui comprend les parfumeries et les pharmacies vendant des cosmétiques, des savons et des pots-pourris ; Matériaux : qui inclue les odeurs issues de l’ameublement neuf (bois et ses produits d’entretien, tissus d’ameublement, cuir, skaï…) les odeurs issues des boutiques de maroquinerie, chaussures et bagages. »

742 CASTEL Mathilde, « Olfactique muséale : de l’espace expographique au cadre de l’œuvre », Nouveaux

territoires de l’expérience olfactive, MétisPresses, Genève, 2019.

743 Un parcours olfactif baptisé Sentiment de la licorne fut proposé du 16 au 28 mai 2017 dans certains espaces du musée par la maison Cire Trudon. Les fragrances étaient composées par la société Takasago et la diffusion olfactive, assurée par la société Scentys.

et de la Nature s’engage en 1964 à restaurer l’hôtel Guénégaud, menacé de destruction pour cause d’insalubrité publique en 1959, puis classé monument historique et racheté par la ville de Paris en 1962, contre un droit de location d’une durée de 99 ans. En 2002, la Fondation devient propriétaire du bâtiment adjacent, l’hôtel Mongelas, et y entreprend d’importants travaux d’extension des espaces d’exposition, lesquels n’ouvrirent au public qu’à partir de 2007, le musée de la Chasse et de la Nature occupant désormais le rez-de-chaussée, le premier et le deuxième étage de l’hôtel Mongelas ainsi qu’une partie du premier étage de l’hôtel Guénégaud745. Sa particularité réside en ce que, propriétaire de Mongelas et locataire de Guénégaud, la Fondation ne put faire climatiser que 60% de l’établissement tel que, lorsqu’au premier étage du musée l’on gravit le petit escalier séparant la Salle du sanglier de la Salle

d’armes746, l’absence de climatisation bouleverse totalement les paramètres relatifs à la propagation odorante, que sont la circulation des flux d’air et la régulation des températures. Autrement dit, une partie du musée peut se prêter à la maitrise des effluves venant à y être diffusés tandis que l’autre, pas du tout. Entre autres, cette singularité ne me permit l’ancrage du diagnostic olfactique dans la réalisation d’une enquête de public comme le fit Balez puisque, ce terrain ayant eu lieu au mois de juillet 2018, Paris était en pleine canicule, et faute de système de climatisation, la température ambiante des espaces d’exposition de l’hôtel Guénégaud avoisinait les 40°, contribuant à l’exaltation du mélange des odeurs de poussière et de vernis émanant respectivement des tapisseries et boiseries, ainsi qu’à l’incapacité des visiteurs interrogés en fin de parcours747 de se souvenir par contraste, avoir senti la moindre chose dans le reste des espaces. Il s’avère qu’en des températures plus clémentes, ce musée est effectivement bien moins odorant que ce que l’on serait tenté de croire748, de fait, la réalisation d’un diagnostic olfactique ne put s’y réduire qu’au repérage des implantations du système de traitement d’air du musée, qui fut conduit par Jean-Marie Alcaraz, responsable des bâtiments, au cours d’un jour de fermeture, ainsi qu’au passage de l’ensemble des espaces d’exposition au détecteur thermique, afin d’évaluer le niveau d’isolation des pièces749, la variation des

745 Se reporter à l’annexe n°2. 746 Se reporter à l’annexe n°2.

747 Les vendredi 6 et samedi 7 juillet 2018.

748 Repérage d’éventuelles sources odorantes ayant été réitéré pour vérification par des étudiants en école de parfumerie le samedi 20 octobre 2018.

températures750, ainsi que la circulation d’éventuels courants d’air751. La restitution de ces résultats consista au premier report de l’ensemble de ces éléments sur des plans ayant préalablement été fournis par Ugo Deslandes752, à la déduction successive des modalités de circulation, au sein des espaces d’exposition, des principaux flux d’air, ainsi qu’à la résultante définition des localisations étant à privilégier quant à la mise à disposition en ces lieux, de la dimension olfactive des muséalia.