• Aucun résultat trouvé

I. D’UNE ACTUALISATION RESONANTE DE LA MUSEALITE

3. LA PRESENTATION DES ELEMENTS DE LA REALITE

3.2 L’EXPOSITION

3.2.2 L’actualisation de la muséologie d’objet

Obrist écrit que « chaque exposition doit inventer une nouvelle règle du jeu »459, or,

l’appréhension de la dimension olfactive des musealia en contexte expographique, conçue comme actualisation résonante de la phase de présentation de la muséologie de Stránský, ne correspond en rien à l’exposition olfactive telle qu’elle est actuellement en train de se propager. Davallon distingue en effet trois types de muséologies s’entrelaçant à différents degrés au sein de chaque exposition, respectivement dites « d’objet », « d’idée » et de « point de vue ». La

désormais « conservateur de l’art olfactif » du MAD à New York. Effet papillon, feu le Grand musée du parfum était piloté par un entrepreneur issu de la téléphonie.

454 DESMET Nathalie, « De l’invisible comme un service artistique », Marges, n° 8, 2008, p. 98.

455 DESMET Nathalie, « Une relation esthétique impossible : les expositions dans lesquelles il n’y a rien à voir »

Nouvelle revue d’esthétique, n° 3, 2009, p.88. Ibid. p. 90. « Au caché, au secret lié à l’institution muséale traditionnelle repliée sur le sacré, l’institution contemporaine montre en toute transparence qu’elle a compris les leçons de la démocratie – sans pour autant intégrer celles de la démocratisation – qu’elle est libérale, au sens noble du terme, quitte à ce que cela l’exonère parfois de donner les outils nécessaires à la compréhension. »

456 Ibid. p.90.« Derrière l’idée que tout peut s’exposer, même l’invisible, l’idéologie de la transparence se pose en stratégie de communication de l’institution. La transparence affichée par l’œuvre invisible lui permet de se donner une image libérale, et de laisser penser qu’elle se place dans une tradition d’avant-garde. »

457 Ibid. p.89. « Ainsi, plutôt que d’invisibilité de l’œuvre, il faudrait parler de sa transparence – la qualité qu’elle

a de laisser voir ce qui se trouve derrière – et de sa capacité à servir de métaphore pour l’institution qui aurait la possibilité d’informer complètement sur son fonctionnement, ses pratiques et de prouver qu’elle peut tout exposer, même ce qui se détourne du visible, même de l’intangible. »

458 DAVALLON Jean, L’exposition à l’œuvre, Harmattan, Paris, 2000, p.143. 459 OBRIST Hans-Ulrich, Les voies du curating, Manuella, 2015, Paris, p. 81.

première favorise la présentation des objets de collection, comprenant deux pôles actoriels interagissant en sa matrice communicationnelle autour de l’objet460, et privilégiant l’orientation de son dispositif de monstration vers l’unité élémentaire de la vitrine. La seconde soutient la présentation et la transmission des savoirs, sa matrice communicationnelle se définissant par l’élaboration d’outils capables d’optimiser la prise d’informations par le visiteur, elle oriente son dispositif de monstration vers l’unité de l’interactif461. La troisième promeut enfin une présentation centrée sur le visiteur, objets et savoirs y étant agencés comme « matériaux pour

la construction d’un environnement hyper-médiatique dans lequel il évolue »462 afin d’adopter

plusieurs points de vue sur le sujet traité, sa matrice communicationnelle se caractérisant ainsi par des scénographies fortes recourant abondamment aux nouvelles technologies. Conçu comme « média d’information complémentaire »463, il arrive que la muséologie d’idée ait ponctuellement recours au médium olfactif464, toutefois, son caractère immergeant et sa capacité

460 DAVALLON Jean, « Le musée est-il vraiment un média ? » Publics et Musées, n°2, Regards sur l’évolution des musées, 1992, p. 113. « La matrice communicationnelle est alors constituée de deux pôles actoriels : celui qui

d’un même geste conserve et présente le patrimoine (le conservateur) et celui qui visite, celui qui vient rencontrer les objets (le visiteur.) Mais, compte tenu de la circularité communicationnelle tenant au fait que le savoir sert à régler à la fois le choix, la présentation et l’interprétation, le dispositif présuppose de fait une identification de ces deux pôles dans la rencontre avec l’objet : le visiteur doit avoir un peu appris comme un conservateur et le conservateur reste au fond, le visiteur le plus compétent. »

461 Ibid. p. 114. « On comprend pourquoi une forme exemplaire de l’unité de présentation en muséologie d’idée

est l’interactif. Celui-ci est un objet muséal qui est la matérialisation de la relation prévue entre un visiteur-modèle et un savoir, et qui est en même temps l’objet d’une rencontre offert à chaque visiteur concret. » […] « A l’autre extrémité de la chaîne, les visiteurs ne sont plus appréhendés comme un public au sens précédemment défini, mais ils sont classés en diverses catégories d’utilisateurs selon des critères fonctionnels (ceux qui savent, ceux qui sont intéressés, ceux qui peuvent aider les autres…) »

462 Ibid. p. 115. « Ces objets complexes sont ainsi des sortes de « méta-objets » ou des « hyper-textes » qui

proposent au visiteur non plus de parcourir une exposition dans laquelle il verrait ou rencontrerait des objets, des vitrines, des vidéos, des panneaux ou des interactifs, mais d’abord de naviguer à l’intérieur de la matérialisation d’un espace imaginaire qui sert d’enveloppe à ce qu’il rencontre. La modalité d’accès au « monde utopique » de l’exposition s’inverse : ce n’est plus la rencontre d’objets matériels – qu’ils soient naturels, artefacts ou outils – mis en espace dans l’exposition qui sert d’entrée vers ce monde, mais c’est la matérialisation de ce monde qui va servir d’enveloppe à la rencontre avec des objets. »

463 MERLEAU-PONTY Claire, EZRATI Jean-Jacques, L’exposition, théorie et pratique, Harmattan, Paris, 2009, p. 149.

464 « La cave aux arômes », Cité des vins de Bourgogne, Beaune, depuis 2002. « Nuit », Muséum National

de reviviscence mémorielle aidant, c’est bien dans la muséologie de point de vue qu’il se révèle susceptible de conquérir une exploitation favorite et régulière465 au cours des prochaines années. Ce faisant, il se fait évident que l’appréhension de la dimension olfactive des muséalia en contexte expographique ne puisse que procéder d’une certaine actualisation de la muséologie d’objet et donc en effet, de l’invention d’une nouvelle règle du jeu. Car si la dimension olfactive des expôts peut contribuer à l’octroi de l’« en-plus » 466 dont parle Davallon, elle nécessite pour ce faire, que lui soit adapté leur actuel dispositif de monstration, la traditionnelle vitrine pouvant par exemple et plus avant, favoriser la propagation de l’espace spécifique des objets467, ajustements au-delà desquels « se profile en réalité la possibilité de mettre en place de nouvelles

modalités d’accès aux objets du patrimoine »468, et ce faisant, la nécessité de poursuivre le

développement des dispositifs dits « olfactifs ».

Images à suivre, de haut en bas, de gauche à droite :

Exposition internationale du surréalisme, Étude de la première scénographie de Marcel Duchamp, 1938

Hypothèse de grue, Carsten Höller et François Roche, Exposition Belle Haleine : l’odeur de l’art, Musée Tinguely, Bâle, 2015 FEAR 1/8, The FEAR of smell, Sissel Tolaas, Museum of Modern Art, Louisiana, 2009

Exposition The Art of Scent 1889-2012, Museum of Art and Design, New York, scénographiée par Diller Scofidio + Renfro, 2013

Exposition The Art of Scent 1889-2014, rééditée au Circulo de Bellas Artes de Madrid, scénographiée par Cano Estudio, 2015 Exposition n°5 Culture Chanel, Palais de Tokyo, Paris, 2013

465 « Le parfum dans tous les sens », Jardins du Palais Royal, Paris, 2015. « Le sentiment de la licorne », Musée

de la Chasse et de la Nature, Paris, 2017.

466 DAVALLON Jean, L’exposition à l’œuvre, Harmattan, Paris, 2000, p.192.

467 Voir par exemple la vitrine conçue par Peter de Cupere pour la présentation de sa Salt flower, dans le cadre de l’exposition « Ecce Homo. See human » en 2017 : http://www.peterdecupere.net, consulté le 3/01/19.

CASTEL Mathilde, « Olfactique muséale : de l’espace expographique au cadre de l’œuvre », Nouveaux territoires

de l’expérience olfactive, MétisPresses, Genève, 2019, à propos de l’exposition Belle Haleine : l’odeur de l’art :

« Les œuvres d’une quarantaine d’artistes y étaient entreposées sur 1200m² de white cube, avec un aménagement

spécifique pour les œuvres odorantes. Les moins diffusives étaient présentées sous vitrine, certaines étant équipées d’un cylindre se terminant en passoire pour permettre au visiteur d’humer les œuvres, les plus imposantes étaient isolées dans des pièces closes. »

L’expérimentation d’une « vitrine olfactive » a par ailleurs fait l’objet d’une participation à l’édition 2017 du workshop « Adapte ma thèse : le musée de demain » organisée par la Cité des sciences et de l’industrie. http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/blog/adapte-ma-these-recit-dune-journee-dexperimentation, consulté le 27/12/18.