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Un certain nombre des États du Pacifique Sud ont mis en place des tribunaux coutumiers devant lesquels des questions relevant de la coutume sont discutées et parfois décidées avant d’être entendues en dernier ressort par les tribunaux officiels. Les Iles Salomon, le Tuvalu, les Iles Samoa, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et le Vanuatu disposent des tribunaux coutumiers. Nous allons dans ce paragraphe nous limiter à l’analyse des tribunaux coutumiers du Vanuatu, à savoir les tribunaux des villages ou des îles (1) et le tribunal coutumier des terres (2).

1) Les tribunaux des villages ou des îles

L’article 52 de la Constitution du Vanuatu prévoit que « le Parlement crée les Tribunaux de village ou d’île avec compétence en matière coutumière ou autre, et définit le rôle des chefs auprès de ces tribunaux »233. Cette disposition a été concrétisée en 1983 lorsque le Parlement national a édicté la

232 Les articles 38 et 39 du Code Pénal du Vanuatu proposent que la réconciliation et la compensation soient prises en

compte dans les jugements en matière d’infraction sexuelle (Code Pénal du Vanuatu, supra note 19). Les réconciliations coutumières sont souvent administrées par les chefs coutumiers dans les communautés.

loi sur les tribunaux des villages ou des îles234. Chaque tribunal de village ou d’île est établi par mandat du Président de la Cour suprême. Un tribunal de village ou d’île a une compétence territoriale qui couvre tout le village ou toute l’île sur lequel il est établi. La fonction primaire de ce tribunal est d’assurer la paix et l’harmonie et de tenter de résoudre à l’amiable les disputes et appliquer la coutume dans le respect de l’esprit de la Constitution et de l’article 10 de la loi en question235. Le tribunal de village ou d’île opère d’une manière moins formaliste que les tribunaux officiels (Magistrate Court, Cour suprême et Cour d’appel). En établissant les tribunaux villageois ou d’îles, le législateur avait l’intention de fournir un forum accessible en ce qui concerne la résolution des disputes ou d’infractions mineures afin de répondre aux attentes et aux besoins des communautés locales.

Les juges dans ces tribunaux n’ont pas de formation juridique. Au moins trois juges sont nommés dans un tribunal du village ou d’île. Ils sont nommés par le Président de la République après consultation de la Commission du service judiciaire. Ils doivent connaître la coutume. Au moins un d’eux doit être un chef coutumier dans le territoire en question. Tous les procès autres que fonciers sont entendus par les trois juges. Un magistrat est nommé par le Président de la Cour suprême pour superviser le tribunal. Il a le pouvoir de réviser les jugements des trois juges sauf ceux portant sur les affaires foncières. Toute affaire foncière est entendue par le magistrat et les trois juges. Dans ce dernier cas, les trois juges n’ont qu’un rôle de conseiller.

Les tribunaux coutumiers ne sont pas liés par des règles concernant la preuve. Les avocats ne sont pas autorisés à participer à l’audition. Les appels contre les décisions des tribunaux des villages ou d’îles peuvent être faits devant les tribunaux de première instance (autre que les affaires foncières) c’est-à-dire devant les Magistrate Courts. Les appels en matière foncière se font directement devant la Cour suprême.

Les tribunaux coutumiers des villages ou des îles sont critiqués, entre autres, en raison de l’absence d’un droit coutumier général régissant la manière dont les disputes en droit coutumier doivent être réglées236. En effet, ces tribunaux n’ont pas une compétence générale en matière de droit coutumier.

234Island Courts Act, supra note 178 ; Anita Jowitt, « Island Court in Vanuatu », (1999) 3 J. S. Pac. L., en ligne :

[http://www.paclii.org/journals/fJSPL/] (accessible le 8 septembre 2013) Jowitt, « Island Courts » ; Lunabeck, « Adjudication », supra note 40, à la page 32.

235 Island Courts Act, supra note 178 : L’article 10 dispose qu’un tribunal de village ou d’île administre le droit

coutumier qui s’applique dans le territoire de sa juridiction tant que celui-ci n’entre pas en conflit avec le droit écrit et n’est pas contraire à la justice, à la moralité et au bon ordre.

Dans le domaine criminel, ils encouragent la réconciliation et le règlement à l’amiable, notamment par l’application du droit coutumier. En matière civile, la coutume n’a quasiment pas de rôle à jouer. Ces tribunaux appliquent donc souvent le droit écrit. La compétence de ces tribunaux qui selon la Island Courts Act, sera spécifiée par un mandat émis par le Président de la Cour suprême pour l’établissement de ces tribunaux est souvent confinée aux procès criminels et civils mineurs.

Cependant, force est de constater que plusieurs de ces tribunaux de village ou d’île n’existent que par nom. Malgré le mandat du Président de la Cour suprême pour leur mise en place, faute de moyens adéquats, notamment en ressources humaines et financières, ces tribunaux ne sont que fictions237. Une fois de plus, les chefs coutumiers continuent cependant d’administrer et d’appliquer de manière informelle le droit coutumier sans encadrement et en dehors de tout cadre officiel dans les communautés.

2) Les tribunaux coutumiers des terres

En 2001, le Parlement a édicté la Customary Land Tribunal Act238 permettant de régler tous différends concernant les terres. L’objectif principal de cette loi consiste à fournir un système fondé sur la coutume permettant de résoudre les disputes concernant les terres coutumières. La décision d’un tribunal coutumier des terres est finale et lie les parties. Elle ne peut faire l’objet d’appel, de révision, ni d’annulation devant aucune cour quelle qu’elle soit et sur aucun fondement quel qu’il soit239. Il faut cependant noter qu’il existe une hiérarchisation des tribunaux des terres, à savoir le tribunal des terres villageois, le tribunal des terres des sous aires coutumières, le tribunal des terres des aires coutumières et enfin, le tribunal des terres de l’île. La décision de ce dernier est finale. La Cour suprême exerce un rôle de supervision sur le tribunal coutumier des terres, mais seulement en ce qui concerne la question de procédure. Ainsi, l’appel devant la Cour suprême est possible seulement dans deux circonstances : premièrement lorsqu’une personne participe aux procédures alors qu’elle n’est pas qualifiée pour être membre ou secrétaire du tribunal des terres et deuxièmement lorsqu’un tribunal coutumier des terres ne suit pas les procédures prévues par cette loi240.

237 Jowitt, « Island Courts », supra note 234, à la page 1 et s.

238 Customary Land Tribunal Act no7, 2001 Customary Land Tribunal Act. 239Customary Land Tribunal Act, supra note 238, art. 33.

Cependant, une nouvelle loi (Custom Land Management Act241) a été adoptée en 2013 pour abroger

la loi susmentionnée Customary Land Tribunal Act de 2001 et établir une nouvelle procédure judiciaire en matière de disputes foncières.

En effet, une étude menée sur les tribunaux des terres en 2004 a montré, entres autres, que les règles relatives aux disputes foncières et à la détermination des propriétaires terriens coutumiers sont très complexes et que ces tribunaux sont aussi très mal perçus par les chefs coutumiers242. Désirant résoudre eux-mêmes les disputes concernant leurs terres, les chefs coutumiers considèrent que leur autorité est mise à mal par ces tribunaux. De plus, dans une décision de 2002, la Cour d’appel a remis en question le rôle de ces tribunaux en observant que seuls les tribunaux des îles et la Cour suprême sont compétents pour déterminer les propriétaires coutumiers243. Pour ces raisons, la loi a en question été abrogée. La nouvelle loi établit une nouvelle procédure visant à identifier et à reconnaître les membres d’un groupe coutumier propriétaire terrien. Elle donne aussi le pouvoir aux groupes autochtones (tribu, clan) de résoudre les disputes foncières selon leurs propres coutumes. Si elles ne parviennent pas à résoudre les disputes à l’échelle du clan, les parties peuvent procéder selon leur choix, soit à la médiation, soit à la saisie d’un tribunal de terres villageois pour régler leur différend244.

PARAGRAPHE V : LES SIMILITUDES RÉGIONALES EN MATIÈRE DU DROIT