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PARAGRAPHE III : LE DROIT À LA VIE ET À LA DIGNITÉ HUMAINE

2) La sorcellerie

Dans le Pacifique Sud, particulièrement en Mélanésie, une grande majorité de la population croit à la sorcellerie ou à la magie460. En raison de très peu d’information sur la sorcellerie, nous n’allons pas rentrer dans les détails historiques de celle-ci avant la colonisation. Aujourd’hui cependant, dans les pays tels que la Papouasie-Nouvelle-Guinée, et dans une moindre mesure au Vanuatu et aux îles Fidji, à chaque fois que quelqu’un meurt, jeune ou subitement, que des maladies mystérieuses apparaissent, les gens attribuent presque automatiquement les causes à la sorcellerie.

Nous allons ici nous concentrer sur la situation de la Papouasie-Nouvelle-Guinée et du Vanuatu où les violations des droits fondamentaux en raison de la sorcellerie sont fréquentes.

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les meurtres à la suite des pratiques de sorcellerie, particulièrement des femmes innocentes, sont courants. Les femmes sont six fois plus que les hommes, susceptibles d’être accusées de sorcellerie461. Dans les tribus, comme nous l’avons mentionné plus haut, la cause des morts subites et non expliquées et des maladies mystérieuses est attribuée à la sorcellerie. Les femmes accusées sont souvent des femmes âgées, économiquement dépendantes et considérées comme un fardeau pour la société. Ce sont aussi celles qui souvent n’ont pas de famille proche pour les défendre. Les auteurs de ces crimes sont souvent de jeunes hommes dont les actions sont soutenues par les villageois et les hommes des tribus. Celles accusées de sorcellerie font face à des traitements inhumains : elles sont battues avec des barres métalliques chauffées à blanc, des fils barbelés, elles sont suspendues sur le feu, trainées par des véhicules, et parfois des parties de leurs corps sont sectionnées462. Ainsi, il est arrivé des cas où les femmes sont brulées vives pour des allégations non prouvées de sorcellerie par les villageois. Un cas semblable a fait la manchette le 6 février 2013. Une jeune femme de 20 ans, Kepari Leniata, était accusée par les villageois d’avoir utilisé ses pouvoirs magiques pour tuer un enfant de six ans, mort à l’hôpital. Deux membres de la famille du défunt ont mené la chasse. Elle aurait reconnu avoir fait de la sorcellerie. La jeune femme a alors été torturée, puis déshabillée, recouverte de pétrole et brûlée sur une pile

460 Miranda Forsyth, « Sorcery and the Criminal Law in Vanuatu », (2006) Lawasia J. 1, à la page 1 Forsyth,

« Sorcery » ; Jalal, « Harmful Practices », supra note 341, à la page 1.

461 Jalal, « Harmful Practices », supra note 341, à la page 18.

462 Jalal, « Harmful Practices », supra note 341, à la page 19 ; Amnesty International, « Rapport 2011, la situation des

droits humains dans le monde - Papouasie-Nouvelle-Guinée », en ligne : [http://www.amnesty.org/fr/region/papua-new- guinea/report-2011] (accessible le 13 février 2013).

d’ordures463. Quelques jours plus tard, le 15 février, la police a arrêté environ 100 personnes impliquées dans l’affaire pour les interroger et poursuivre celles responsables du meurtre464. Un couple, un homme et une femme ont été inculpés du meurtre. Le couple serait parent avec l’enfant décédé. Les services de police ont déclaré après l’inculpation que l’enquête continuait465. Les policiers ont été sous pression étant donné que les médias relayaient l’information et publiaient des photos montrant la jeune femme brûlée vivante alors que plusieurs témoins observaient la scène. Le gouvernement de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’Office du Haut Commissariat des droits de l’Homme, le gouvernement des États-Unis et celui de l’Australie ont fermement condamné l’action466.

En somme, les exécutions tribales en raison de la sorcellerie sont un problème récurrent en Papouasie-Nouvelle-Guinée où celle-ci fait partie de la culture populaire467. Des cas similaires selon lesquels les femmes accusées de meurtre par sorcellerie ont été brulées vivantes sont survenus à plusieurs reprises en 2008 et 2009. Plus de cinquante cas ont été répertoriés en 2008468.

Par ailleurs, voyons comment des cas de sorcellerie sont réglés devant les tribunaux officiels de la Papouasie-Nouvelle-Guinée469. Nous allons aborder deux principaux cas.

Premièrement, la décision The State v. Aigal & Kauna470 porte sur l’exécution d’une femme et la détention et la torture des sept autres soupçonnées de pratiquer la sorcellerie par trois hommes. Un des accusés, qui a reconnu avoir tué la femme lorsqu’il n’avait que quatorze ans au moment des

463 Le journal 20 Minutes.fr, « Une femme brûlée vive pour sorcellerie par des villageois », 7 février 2013, en ligne :

[http://www.20minutes.fr/monde/1096463-papouasie-nouvelle-guinee-femme-brulee-vive-sorcellerie-villageois] (accessible le 10 février 2013) Journal 20 Minutes, « Une femme brûlée ».

464 Radio New Zealand International « Mass Arrests in PNG of a Burning of Woman », 15 février 2013, en ligne :

[http://www.rnzi.com/pages/news.php?op=read&id=74051] (accessible le 16 février 2013).

465 Tahiti Infos, « Deux inculpations après le meurtre de la femme accusée de sorcellerie », 19 février 2013, en ligne :

[http://www.tahiti-infos.com/Deux-inculpations-apres-le-meurtre-d-une-femme-accusee-de-sorcellerie_a67902.html] (accessible le 20 février 2013).

466 Radio New Zealand International, « UN Concerned by Killing of Woman in PNG Accused of Sorcery », 9 février

2013, en ligne : [http://www.rnzi.com/pages/news.php?op=read&id=73901] (accessible le 10 février 2013).

467 Journal 20 Minutes, « Une femme brûlée », supra note 463 ; Le Journal Dawn.com, « Sorcery Burning : PNG

Police Save Two Women From Being Torched to Death », 13 février 2013, en ligne :

[http://dawn.com/2013/02/13/sorcery-burnings-png-police-save-two-women-from-being-torched-to-death/] (accessible le 15 février 2013).

468 Amnistie Internationale, « Rapport 2010, la situation des droits humains dans le monde - Papouasie-Nouvelle-

Guinée », en ligne : [https://www.amnesty.org/en/region/papua-new-guinea/report-2010] (accessible le 20 février 2013) ; Jalal, « Harmful Practices », supra note 341, à la page 18.

469 Plusieurs autres décisions relatives aux meurtres en raison des allégations de sorcellerie : John Baipu v. The State,

[2005] SC 796 ; The State v. Sambura, [2002] N2219 ; The State v. Francis Kuta Amet & Others, [2004] CR 1418 of 2002, Unreported ; The State v. Maraka Jackson, [2006] CR 1433 of 2004 Unreported. Dans la plupart de ces décisions, les victimes sont les femmes, et très souvent en âge avancé.

faits, a été condamné pour meurtre à trois ans de prison avec sursis. Le Procureur général a fait appel de la décision, mais celui-ci n’a pas eu lieu. L’État a fait une demande d’arrêt des poursuites471 en invoquant le droit de l’accusé à un procès juste et dans un temps raisonnable. En effet, l’affaire a été enquêtée plusieurs années après les faits et il y avait effectivement risque que l’accusé soit pris comme bouc émissaire. La Cour a accepté la demande d’arrêt des poursuites. Elle a observé que la Constitution de la Papouasie-Nouvelle-Guinée permet l’arrêt des poursuites lorsque celles-ci menacent les droits de l’accusé à un procès juste et dans un temps raisonnable ou encore lorsqu’elles constituent un abus de procédure judiciaire472. Même si les poursuites ont été arrêtées, la Cour a quand même fait quelques remarques intéressantes. Elle a noté que le meurtre des femmes soupçonnées de sorcellerie est devenu une pratique dans la province de Simbu où les faits se sont déroulés. Elle a constaté qu’il y avait une croyance selon laquelle les sorcières et sorciers constituent une menace publique causant des morts et des maladies, et la société doit en être protégée. Il est accepté dans la coutume que les femmes âgées soient maltraitées lorsqu’elles sont accusées de sorcellerie. Certaines sont parfois exécutées. Or, une telle chasse aux sorcières constitue selon elle, une violation manifeste des droits constitutionnels des victimes, de leur droit à la vie, de leur liberté contre les traitements inhumains et des directives constitutionnelles, notamment celle d’améliorer le statut des femmes conformément aux objectifs nationaux.

Nous croyons qu’une telle pratique reflète la culture générale de la subordination des femmes dans les communautés de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Elle est utilisée comme un moyen pour garder les femmes âgées à leur place et dans les rôles subordonnés et de soumission. Or, celle-ci est non seulement discriminatoire, mais constitue aussi une menace à l’égard des femmes âgées. Des allégations de sorcellerie sont difficiles à réfuter. Lorsqu’elles sont avancées, les victimes sont exécutées à mort ou subissent des traitements inhumains. Il est regrettable que la Cour n’ait pas pris en compte ces questions pour rejeter la demande de l’arrêt des poursuites.

Deuxièmement, un arrêt de la Cour d’appel de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Thomas v. State473 présente aussi des faits similaires. Le 20 novembre 2004, l’appelant et ses frères sont allés chez une femme (la défunte), avancée en âge et lui ont demandé de venir assister à une réunion organisée au milieu du village. À la réunion, la discussion a été de savoir qui était à l’origine de la mort du père de l’appelant et de ses frères quelques jours plutôt. Durant la discussion, la défunte a été accusée

471 Nolle prosequi.

472Constitution of Papua New Guinea, supra note 253, art. 57 porte sur les droits et libertés garantis aux individus et

art. 37(3) porte sur le droit à un procès juste et dans un temps raisonnable, supra note 239.

d’avoir causé la mort du père de l’appelant par sorcellerie. L’appelant et ses deux frères ont battu la femme. Le premier s’est servi d’une corde pour tenter de l’étrangler, mais s’est fait arrêter par d’autres villageois. Il a ensuite frappé violemment la tête de la victime avec une arme blanche. Elle est décédée des blessures au cerveau. En première instance (National Court), l’appelant a été condamné à 17 ans de prison. Il a fait appel de la décision en soutenant que sa condamnation a été excessive; qu’il s’agissait d’un meurtre du groupe puisque les autres villageois l’ont convaincu que la mort de son père a été causée par la sorcellerie et que le tribunal de la première instance n’a pas pris en compte ces considérations en rendant sa décision. Le pourvoi intenté par l’appelant a été rejeté et la Cour d’appel a même considéré que la sentence précédente de 17 ans pour meurtre n’était pas assez sévère. Elle a alors revu la sentence à 22 ans d’emprisonnement.

Au Vanuatu, plusieurs cas de meurtres ou de violations des droits fondamentaux liés à la pratique de sorcellerie sont aussi survenus, même s’ils sont rarement portés devant les tribunaux officiels en raison des difficultés à prouver les faits selon le droit écrit. L’un des rares cas à être portés devant le tribunal officiel est l’affaire Public Prosecutor v. Malsoklei474. Cette décision implique un certain nombre de défendeurs qui ont été accusés des différents chefs d’accusation, notamment de sorcellerie, de viol et de meurtre. Les faits, tels que décrits par la Cour, se sont déroulés sur l’île de Mallicolo en décembre 1995. Un jeune homme possiblement déséquilibré mentalement voulait se joindre à un groupe d’hommes réputés pour la pratique de la sorcellerie. Le groupe lui a fait comprendre qu’il ne serait accepté que s’il nommait un membre de sa famille à sacrifier (mettre à mort); celui-ci a nommé sa sœur Roslyn pendant une cérémonie d’initiation. Tout a été arrangé et Roslyn a été emmenée dans un buisson juste derrière une boite de nuit et a été violée par le groupe d’hommes et par la suite elle a été tuée par l’un d’entre eux. Des mots magiques ont été prononcés sur son frère et celui-ci a pris la ressemblance de sa sœur et est rentré chez elle à sa place. Quelques jours plus tard, le leader du groupe est allé chez Roslyn et l’a invitée en boite de nuit. Alors qu’ils commençaient à danser, il est tombé soudainement et s’est retrouvé dans le vrai corps de Roslyn. Encore une fois, tout a été arrangé par la magie. Elle a été emmenée à l’hôpital, mais prononcée morte par la suite et aucune autopsie n’a été faite. En avril 1996, son frère impliqué dans l’histoire est allé à la police et a raconté tout ce qui s’était passé sur la mort de Roslyn et les évènements qui se sont déroulés juste avant sa mort. L’affaire n’est portée devant le juge que quatre ans plus tard en raison des retards dans les enquêtes menées par la police. La seule preuve apportée est le

474 Malsoklei v. Public Prosecutor, [2002] VUCA 28 ; Public Prosecutor v. Bong Hal, [2012] Unreported (Vanuatu Daily

Post, « A Man Pleads Guilty to Witchcraft Charge », 28 février 2012, en ligne : [http://www.dailypost.vu/content/man-

témoignage non corroboré du frère de Roslyn. Il n’y avait aucune preuve médicale et les défendeurs ont tous des alibis.

En première instance, tous les défendeurs ont été trouvés coupables de viol et de sorcellerie. Le défendeur principal (le leadeur du groupe) est jugé coupable d’homicide volontaire. Les autres défendeurs sont déclarés coupables de complicité d’homicide volontaire. Cependant, après avoir déclaré coupables ces défendeurs, la Cour a prononcé leur libération conformément à l’article 43(4) du Code pénal du Vanuatu475, étant donné qu’ils étaient en détention depuis 12 mois et que même en liberté sous caution, ils ont respecté toutes les conditions imposées.

La question se pose donc de savoir quel est l’intérêt de prononcer une sentence contre un coupable et le décharger ensuite de toute condamnation? Il nous semble à la lecture de la décision que la Cour est consciente de l’existence d’un doute raisonnable dans cette affaire, mais souhaitait décourager les pratiques de sorcellerie. Autrement dit, la Cour croit à la sorcellerie.

En 2002 cependant, le Procureur général a fait appel de la décision en argumentant que la sentence à l’égard des défendeurs était insuffisante et inadéquate. La Cour d’appel a annulé la sentence prononcée à l’égard des défendeurs en soulignant que la preuve apportée par le frère de la défunte est non crédible476.

Plusieurs autres cas similaires sont survenus au Vanuatu, mais ne sont pas portés devant les tribunaux officiels soit par manque de moyens, soit en raison de difficulté liée à la preuve. Ils sont donc révélés grâce aux journaux et parfois grâce aux travaux sur le terrain. Ainsi, le seul journal quotidien du Vanuatu, Daily Post a rapporté plusieurs cas selon lesquels les accusés de sorcellerie sont violemment battus et torturés477. D’autres cas sont constatés par des travaux de recherche sur le terrain. Ainsi, dans un travail de terrain dans le village de Hog Harbour sur l’île de Santo, Myranda Forsyth478 a recueilli les témoignages du cas suivant : un homme a eu une relation avec une femme dans le village. La femme s’est trouvée un emploi dans une autre île et a quitté l’homme en question. L’homme l’a maltraitée en disant que si elle le quittait, il la tuerait. Trois semaines après qu’elle eu commencé à enseigner, elle est tombée malade et a raconté aux autres enseignants de

475Code Pénal du Vanuatu, supra note 19, art. 43 : « Power of court to discharge offender without conviction or

sentence… (4) Nothing in this section shall affect the power of any court to convict and discharge any person ».

476 Forsyth, « Sorcery », supra note 460, à la page 14.

477 Vanuatu Daily Post, « Man Assaulted for Alleged Witchcraft Practice », 4 juin 2012, en ligne :

[http://www.dailypost.vu/content/man-assaulted-alleged-witchcraft-practice] (accessible le 20 février 2013).

l’école qu’elle était avertie qu’elle mourrait et elle leur a dévoilé le nom de l’homme en question. Lors de son décès, elle a crié et a prononcé à haute voix le nom de l’homme. Son corps a été rapatrié sur son île et village. Les nouvelles ont fait le tour du village et une réunion a eu lieu. Pendant la discussion, il a été décidé que l’homme a tué la femme et les chefs ont donné l’ordre de le retrouver et de le capturer. Il a été capturé, attaché et battu. Les chefs ont aussi donné l’ordre aux parents de l’homme de quitter le village. Ils sont revenus plus tard, mais sans leur fils accusé de sorcellerie479.

Quelle critique peut être avancée à la lecture de l’affaire Molsoklei et tous ces autres cas? Dans ces sociétés, les croyances aux pratiques de sorcellerie sont tellement fortes et présentes que le juge serait prêt à condamner un inculpé alors même qu’il existe un doute raisonnable; et les chefs et les villageois n’hésiteraient pas à mettre à mort un accusé de sorcellerie en toute impunité. De plus, dans la décision Molsoklei comme dans d’autres cas en Papouasie-Nouvelle-Guinée notamment, aucune autopsie qui aurait pu dévoiler la cause de la mort n’a été pratiquée par manque de moyens. Tous ces cas de sorcellerie posent un réel problème de la justice criminelle dans ces pays. En effet, des innocents pourraient être condamnés sur la base des croyances et des simples témoignages non corroborés, parfois des personnes malades mentalement.

Un certain nombre de pays du Pacifique insulaire ont expressément édicté des lois contre la sorcellerie : les îles Niue, le Vanuatu ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Au Vanuatu par exemple, l’article 151 du Code pénal480 prévoit que « No person shall practise witchcraft or sorcery with intent to cause harm or detriment to any other person. The penalty is imprisonment for 2 years ». L’article 7 de la Sorcery Act de la Papouasie-Nouvelle-Guinée481 criminalise les actes de sorcellerie interdits et impose une pénalité maximum de cinq ans d’emprisonnement. La sorcellerie interdite est distinguée de la sorcellerie innocente dans la loi. Cette dernière associée à la guérison, aux rites et à la fertilité est légale.

Ces législations appellent à des commentaires, en ce qui concerne le respect des droits fondamentaux, notamment du droit à l’égalité des femmes.

479 Forsyth, « Sorcery », supra note 460, à la page 9. 480Code Pénal du Vanuatu, supra note 19.

481 Sorcery Act 1971, Consolidated Legislation, art. 7 : « A person who does any act of forbidden sorcery…is guilty of

Premièrement, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, même si elle parait neutre, la loi contre la sorcellerie est sélectivement appliquée contre les femmes, particulièrement les femmes âgées482. Les exemples abordés plus haut en témoignent. La raison expliquant pourquoi les femmes sont plus touchées que les hommes n’est pas claire, mais certains auteurs483 pensent qu’une telle attitude vise à « garder les femmes à leur place » puisque celles-ci gagnent du pouvoir avec l’âge. De plus, certains villageois pensent que les femmes se servent de la sorcellerie pour répandre le sida dans le pays.

Deuxièmement, le fait que la sorcellerie soit prévue par la loi (qu’elle soit interdite ou permise) renforce des stéréotypes vis-à-vis des soi-disant sorciers ou sorcières. Il encourage non seulement la croyance répandue en celle-ci, mais aussi la haine et le meurtre contre les présumés sorciers et sorcières. Dans ces pays, il n’y a aucune loi spécifique contre la torture ou le traitement inhumain des sorciers ou sorcières. Les meurtriers sont rarement poursuivis. Lorsqu’ils le sont, ils sont jugés selon le droit criminel général qui est moins sévère semble-t-il puisque les allégations de sorcellerie constituent parfois un élément d’atténuation de la peine484. De plus, l’interdiction de la sorcellerie par la loi donne (même implicitement ou indirectement) du pouvoir et de l’autorisation aux tribunaux coutumiers des villages et aux chefs coutumiers de juger les personnes accusées de la sorcellerie. Les sentences prononcées contre elles sont parfois l’exécution à mort.

Enfin, la reconnaissance de la sorcellerie par le système officiel encourage les chefs coutumiers des villages à mettre en place leurs propres règles coutumières en matière de sorcellerie. Il faut préciser que même si elles ne sont pas reconnues par le système officiel, ces lois coutumières écrites par les chefs coutumiers constituent une tentative de leur part d’augmenter leur légitimité en matière de résolution des disputes dans les communautés. À titre d’exemple, lors de son travail de terrain, Myranda Forsyth485 a noté qu’un chef de l’île de Tanna a écrit sa propre loi pour règlementer la vie dans la communauté. L’article 5 de la loi en question dispose :

Law concerning killing :… It is forbidden to practice sorcery and all new methods of sorceries. If one man disobeys and practices sorcery and kills someone, he must give a