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PARAGRAPHE II : LES DROITS APPLICABLES AU VANUATU

2) Les lois applicables après l’indépendance

Après l’indépendance, les lois suivantes s’appliquent : la Constitution (a), les lois adoptées par le nouveau parlement du Vanuatu (b), les lois « consacrées », c’est-à-dire issues de la colonisation (c), le droit coutumier (d) et le droit international (e).

a) La Constitution

Lors de l’accession à l’indépendance, le Protocole de 1914 a été annulé par l’échange des notes faites entre les gouvernements français et britannique le 23 octobre 1979. La nouvelle Constitution du Vanuatu a été rédigée par un comité constitutionnel composé des représentants des différents partis politiques et assisté par des conseillers britanniques et français. Les lois applicables avant l’indépendance y sont maintenues avec des restrictions164. Le droit coutumier est aussi reconnu par celle-ci. La nouvelle Constitution est entrée en vigueur le 30 juillet 1980. L’article 2 dispose que celle-ci est la loi suprême du Vanuatu.

b) Les lois adoptées par le Parlement du Vanuatu

L’article 16 (1) de la Constitution propose que le Parlement adopte des lois concourant à la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Vanuatu. Les lois édictées par le nouveau parlement entrent en vigueur sur l’assentiment du Président de la République.

c) Les lois « consacrées »

Les lois « consacrées » sont des législations coloniales anglaises (i) et françaises (ii) y compris la

Common Law (iii) et les règlementations mixtes (iv) qui continuent à s’appliquer après

l’indépendance.

i) Les lois anglaises « consacrées »

Les lois anglaises y compris les Queen’s/King’s Regulations en vigueur en 1980 (date de l’indépendance) sur le territoire des Nouvelles-Hébrides, continuent à s’appliquer conformément à l’article 95 alinéa 2 de la Constitution à moins qu’elles ne soient abrogées par le Parlement ou incompatibles avec le statut d’indépendance du Vanuatu. De plus, les lois anglaises « d’application générale » en vigueur en Angleterre le 1er janvier 1976 continuent à s’appliquer conformément à l’article 3 de la High Court of the New Hebrides Regulation de 1976.

ii) Les lois françaises « consacrées »

Pareillement, les lois françaises y compris les codes français et les règlements adoptés spécifiquement pour les Nouvelles-Hébrides, en vigueur en 1980 sur le territoire, continuent à s’appliquer conformément à l’article 95 alinéa 2 de la Constitution à moins, encore une fois, qu’elles ne soient abrogées par le Parlement ou incompatibles avec le statut d’indépendance du Vanuatu. Cependant, même si le système juridique du Vanuatu permet au-delà du droit anglais, l’usage du droit français, la simple lecture des décisions jurisprudentielles révèle d’emblée, la place et l’influence minimes faites à ce dernier. On retire un sentiment de déclin aussi rapide qu’inexorable du droit français. Cette situation conduit à s’interroger sur la réelle portée de certaines dispositions constitutionnelles reconnaissant l’application du droit français165.

iii) Les règlementations mixtes

L’article 95 (1) de la Constitution dispose que « sauf décision contraire du Parlement, les règlementations mixtes et les textes pris [sic] pour leur application, qui étaient en vigueur au jour de l’indépendance en 1980, restent applicables comme s’ils avaient été pris [sic] en application de la Constitution, ils seront interprétés en tenant compte des adaptations nécessaires pour les rendre compatibles avec la Constitution »166.

Peu de temps après l’indépendance, ces règlements mixtes ont été repromulgués comme lois du Vanuatu et ont été publiés dans la gazette officielle en 1988. Pendant cette même année, 85

165 Angelo, « Droit français », supra note 148, à la page 1-2. 166Constitution du Vanuatu, art. 95(1), supra note 2.

règlementations mixtes considérées comme obsolètes ont été révoquées par la Miscellaneous

Repeals Act de 1988.

iv) La Common Law

Jusqu’à l’indépendance, la Common Law s’appliquait conformément à l’article 15 du Western

Pacific (Courts) Order de 1961. L’article 95 (2) de la Constitution a permis que celle-ci faisant

partie des lois britanniques, continue à s’appliquer. Cependant, une question se pose. Les décisions des tribunaux britanniques après 30 juillet 1980 font-elles partie des lois applicables au Vanuatu, sachant que l’article susmentionné fait référence aux lois anglaises en vigueur au moment de l’indépendance? Jennifer Corrin a tenté de montrer qu’il n’y a pas de date limite pour l’application de la Common Law et que le juge du Vanuatu peut recourir aux décisions britanniques rendues après le 30 juillet 1980, date d’indépendance du Vanuatu. Dans une affaire de 1996, Banga v.

Waiwo167, le juge en chef de la Cour suprême a reconnu qu’il sera difficile de mettre de côté la

Common Law. Ce même juge a soutenu dans l’affaire Daniel Mouton v. Selb Pacific Limited168 que même si les juges des tribunaux inférieurs (y compris de la Cour suprême) ne sont liés que par les décisions de la Cour d’appel (la plus haute instance du pays), les autorités étrangères ne restent pas moins importantes.

d) Le droit coutumier

Le droit coutumier constitue aussi une source de droit au Vanuatu. L’article 95 (3) de la Constitution prévoit que « les règles coutumières continuent de produire leurs effets dans le système juridique du Vanuatu »169. L’article 74 fait référence au rôle de la coutume en ce qui concerne les terres en disposant que « les règles coutumières constituent le fondement des droits de propriété et d’usage des terres »170. De plus, l’article 47 (1) dispose que « dans le cas où toute disposition légale fait défaut, le tribunal statue selon les principes de l’équité et dans la mesure du possible, en conformité avec la coutume »171. L’article 51 détermine les modalités d’application du droit coutumier en affirmant que « le Parlement peut préciser les modalités permettant de vérifier

167 Banga v. Waiwo, [1996] VUSC 5 Waiwo.

168 Daniel Mouton v. Selb Pacific Limited, [1995] VUSC 2 Mouton. 169Constitution du Vanuatu, art. 95(3), supra note 2.

170Constitution du Vanuatu, art. 74, supra note 2. 171Constitution du Vanuatu, art. 47(1), supra note 2.

l’existence de règles coutumières qui peuvent s’appliquer, et en particulier prévoir que des personnes expertes en matière coutumière siègent avec les juges de la Cour suprême ou de la Cour d’appel, et participent aux instances »172. Nous étudierons en détail le droit coutumier dans la deuxième section de ce chapitre préliminaire. Mais pour l’heure, précisons que ces dispositions susmentionnées témoignent clairement de l’importance que la Constitution nationale accorde à la coutume.

e) Le droit international

Enfin, le Vanuatu comme ses autres voisins insulaires, en accédant à l’indépendance, adhère d’emblée à l’Organisation des Nations Unies et participe à la vie de la communauté internationale. Avant l’indépendance, aucune référence dans les lois constituantes n’était faite quant à la place et aux ambitions du pays dans la communauté internationale. L’héritage du condominium lui a légué une position ambiguë en ce qui concerne la ratification et l’application des traités internationaux dans le droit interne. Le condominium n’était pas en tant que tel, une personnalité juridique même si les Nouvelles-Hébrides étaient bien un sujet du droit international. Par conséquent, les traités signés par les deux puissances du condominium ne faisaient pas partie des dispositions transitoires applicables lors de l’indépendance173.

Après son accession à l’indépendance, le Vanuatu à l’instar de ses voisins, adopte la technique dualiste d’incorporation des normes internationales dans le droit interne. Alors que dans l’ensemble de ces États, la ratification des conventions internationales constitue un acte exécutif, le Vanuatu est le seul État de la région à exiger la ratification par le Parlement174. Nous reviendrons sur les détails du rapport entre le droit international et le droit national du Vanuatu dans la première partie de notre thèse, plus particulièrement dans le deuxième chapitre de cette partie.

172Constitution du Vanuatu, art. 51, supra note 2.

173 Farran « Is Legal Pluralism », supra note 32, à la page 86.

174 Constitution du Vanuatu, art. 26 : « Treaties negociated by the Government shall be presented to Parliament for

ratification when they - (a) concern international organisations, peace or trade ; (b) commit the expenditure of public funds ; (c) affect the status of people ; (d) require amendment of the laws of the republic of Vanuatu ; or (e) provide for the transfer, exchange or annexing of territory » Constitution du Vanuatu, supra note 2.