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PARAGRAPHE I : LE MARIAGE/L’UNION DE FAIT, LEURS EFFETS JURIDIQUES ET LE DROIT

4) La garde d’enfant et le droit coutumier

Dans la coutume, la garde d’enfant en cas de dissolution de mariage est souvent déterminée par le paiement de la dot379. La dot payée par la famille du mari à celle de l’épouse affilie automatiquement les enfants de l’union à la famille de l’époux. En effet, dans ces sociétés, tous les enfants sont affiliés à un certain groupe familial. Si la mère n’est pas mariée, l’affiliation des enfants est du côté de son groupe familial. Après le mariage et le paiement de la dot, l’affiliation est du côté du père380. Par conséquent, le père détient de facto la garde des enfants en cas de dissolution ou de séparation du couple381.

Par ailleurs, au Vanuatu, même si généralement le juge fait primer le principe du meilleur intérêt de l’enfant382 sur la coutume383 et fait savoir que les femmes ont aussi le droit de demander la garde d’enfant, ce principe du meilleur intérêt de l’enfant a été utilisé contre la mère dans l’affaire Molu v.

Molu384. Dans cette décision, la Cour suprême a eu recours au principe du meilleur intérêt de l’enfant pour justifier l’enlèvement coutumier de l’enfant. Lors de la séparation du couple en

378CEDAW Shadow Report, supra note 95, à la page 31.

379 Corrin, « Reconciling Customary Law », supra note 37, à la page1344 ; Brown, Reconciling Customary Law,

supra note 40, à la page 153.

380 Corrin, « Reconciling Customary Law », supra note 37, à la page 1346.

381 In Re B SBMC, [1983] SILR 223. Dans cette affaire, après être divorcé d’un mariage coutumier, le mari a soutenu que

selon la coutume mélanésienne, en cas de divorce ou de séparation, la garde de l’enfant est souvent accordé au père. Cependant le juge a fait primer le meilleur intérêt de l’enfant. Dans l’affaire Sasongo v. Beliga, (Sasongo, supra note 376), le défendeur a argumenté que dans la coutume, en cas de décès de l’époux, les enfants retournent vivre avec la famille du défunt. Le juge a rejeté cette coutume par manque de preuve.

382 Convention relative aux droits de l’enfant, 20 novembre 1989, 1577 R.T.N.U. 3, art. 3(1) : « Dans toutes les décisions

qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale » Convention relative aux droits de l’enfant. Cette convention a été ratifiée par la Convention on the Rights

of Child (Ratification) Act 1992 Convention on the Rights of Child Ratification Act. Elle fait donc partie de la législation du Vanuatu.

383 Plusieurs décisions de justice vont dans ce sens : G v. L, [1990] VUSC 4 ; Re Custody, supra note 247. 384Molu, supra note 227.

question, leur enfant de deux ans a été enlevé par le frère de l’époux contre la volonté de la mère. Devant le tribunal, la famille de l’époux a argumenté qu’elle a droit à la garde de l’enfant étant donné que la dot a déjà été payée. L’argument en faveur de la garde d’enfant par la famille du père selon le droit coutumier n’a pas été condamné par la Cour. Elle a accordé la garde de l’enfant au père en expliquant qu’il n’est pas du meilleur intérêt de l’enfant d’être déplacé d’un environnement à un autre étant donné que cela fait neuf mois que celui-ci vit avec la famille du père et qu’il est heureux avec celle-ci.

Cette décision montre à quel point, même s’ils sont tenus d’appliquer la loi, les juges sont influencés par la culture et les traditions de leur milieu de vie. Ce jugement a été prononcé par un juge vanuatais, Vincent Lunabeck. À notre sens, un juge expatrié qui n’a pas les mêmes cultures et traditions n’aurait pas rendu le même verdict. L’argument retenu par le juge pour justifier le meilleur intérêt de l’enfant peut être remis en cause puisque compte tenu de son bas âge (deux ans), l’enfant a aussi besoin d’une attention et de l’affection particulière de sa mère. D’un point de vue extérieur ou occidental, on se demande aussi pourquoi le juge n’a pas accordé aux parents la garde partagée de l’enfant.

De plus, il faut noter que dans les coutumes de ces sociétés du Pacifique Sud, une importance primordiale est accordée à l’enfant. En effet, les enfants sont un maillon indispensable à la pérennité du groupe. Ils sont considérés comme gage à la fois de la sécurité des anciens pour les années à venir et de la transmission des terres aux générations futures385. La fameuse décision Tepulolo v.

Pou386 que nous étudierons en détail plus tard en est une parfaite illustration. En basant sa décision sur le fait qu’en matière foncière, la loi constitutionnelle permet de traiter une personne d’une manière discriminatoire si la coutume de Tuvalu le permet, le juge a fait primer la coutume sur le meilleur intérêt de l’enfant. La considération est portée sur le fait que l’enfant assure la pérennité du groupe. Les femmes n’ont donc pas les mêmes droits que les hommes en matière de garde d’enfant. Elles se battent pour leurs droits en tant que mère contre une forte pression culturelle.

En somme, en matière de la garde d’enfant, le droit (y compris coutumier) dans ces États « invisibilise » les femmes en accordant plus d’importance aux hommes (et à leurs droits). Ce faisant, il place les femmes dans une position d’infériorité selon nous.

385 Chassot, « Violences et discriminations », supra note 40, à la page 63. 386 Tepulolo v. Pou, [2005] TVHC 17 Tepulolo.