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Sur le terrain, des solutions existent

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 102-105)

Sur l’ensemble du territoire ou au-delà de nos frontières, différents acteurs se mobilisent pour chercher des solutions concrètes au bénéfice des personnes migrantes sans ressources. Si la majorité de ces initiatives constituent des réponses à petite échelle, elles témoignent d’une dynamique positive en matière d’accueil des migrants et suggèrent que le principal obstacle à un accueil digne des personnes relève d’une absence de volonté politique.

M O B IL IS E R L E P A R C P R IV É

Habitat et Humanisme, qui mobilise chaque année 500 nouveaux logements auprès de propriétaires solidaires, a lancé en septembre 2015 un appel spécifique visant la mise à disposition, au bénéfice de réfugiés, de logements issus du parc privé, en sous-location. Les logements sont mis à disposition au minimum 12 mois et le propriétaire consent un abandon de loyer pour 6 mois minimum. En échange, Habitat et Humanisme prend en charge l’ensemble des coûts et assure, en lien avec ses partenaires associatifs, l’accompagnement des ménages. À la fin de la période d’occupation du logement, un bail glissant peut être proposé au ménage, qui devient alors locataire en titre. Dans le cas contraire, Habitat et Humanisme l’accompagne dans ses démarches de relogement. Pour renforcer ce type d’initiatives, une aide complémentaire de 1 000 euros au conventionnement ANAH a été mise en place par le gouvernement au bénéfice des bailleurs volontaires.

M O B IL IS E R L E P A R C S O C IA L

Une plateforme nationale pour le logement des réfugiés a été mise en place, sous le pilotage de la DIHAL, en vue de faciliter la mobilisation de logements (issus du parc privé ou social) dans des zones détendues au bénéfice de réfugiés. Entre fin

2015 et mi-2016, ce sont près de 1 000 réfugiés qui en auraient bénéficié, pour un objectif de 3 000 logements à mobiliser d’ici mi-2017. Cette plateforme pourrait assurer un processus fluide d’accès au logement pour les personnes, en jouant un rôle d’interface entre l’offre et la demande. Son efficacité est cependant limitée notamment par l’inadéquation entre la typologie des logements mis à disposition (majoritairement des logements de type familiaux) et le profil des réfugiés (essentiellement des hommes isolés). D’autre part, les dysfonctionnements et la lenteur du mécanisme européen de relocalisation, visant à répartir les demandeurs d’asile dans les différents États européens, a retardé l’arrivée de nombreux réfugiés, laissant des logements mis à disposition inoccupés, au risque de démobiliser les bonnes volontés.

L’exemple de Pontivy, en Bretagne, témoigne des possibilités de mobilisation du parc social, même au bénéfice de familles déboutées de leur demande d’asile. Le projet consiste à louer un logement social au nom du Centre communal d’action sociale de Pontivy et à le mettre à disposition d’une famille déboutée de l’asile en sous-location. Les coûts sont pris en charge par différents partenaires, tandis que le ménage participe à hauteur de 10 % de ses ressources. Celui-ci bénéficie d’un accompagnement renforcé par le Réseau Éducation sans Frontières et le Secours catholique, avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre.

F A C IL IT E R L ’ IN T É G R A T IO N D E S R É F U G IÉ S S T A T U T A IR E S

Dans le Rhône, Forum réfugiés à mis en place dès 2002 le programme Accelair, qui vise l’intégration des réfugiés via l’emploi et le logement. Un accord collectif dépar-temental d’attribution a été conclu avec les bailleurs sociaux. Les ménages bénéfi-cient d’un accompagnement renforcé pour l’accès et le maintien dans le logement.

Fort de plusieurs années de fonctionnement, la méthodologie du programme peut aujourd’hui être « transférée » dans d’autres départements, avec l’aide de Forum réfugiés. Les partenaires du programme mettent en avant ses points forts : fixation concertée des objectifs quantitatifs, accompagnement des ménages, interface entre ménages et bailleurs, sensibilisation et formation des bailleurs. Ils regrettent cepen-dant l’absence de certaines institutions, en particulier les mairies. Depuis sa mise en place, le programme a permis le relogement de 7 388 personnes, avec 2 643 baux signés. L’association cherche désormais à élargir son offre grâce à la mobilisation du parc privé, l’hébergement provisoire chez des particuliers et la colocation.

L O G E R E T A C C O M P A G N E R D E S D E M A N D E U R S D ’ A S IL E D É B O U T É S À Rennes, des logements ont pu être mis gratuitement à disposition de ménages évacués d’un squat dans le cadre du dispositif partenarial Coorus. La situation assez favorable du logement dans la métropole rennaise a permis à de nombreux ménages d’accéder à un logement de droit commun. Mais les personnes déboutées de l’asile, dont la situation administrative ne permet pas un accès au logement social, sont restées dans le dispositif, en l’absence de solutions alternatives. L’État a alors décidé de se retirer du projet. Plusieurs ménages déboutés de l’asile en ont

alors été exclus et ont dû quitter le logement qu’ils occupaient avant que l’État ne se réengage dans le projet. Une situation scandaleuse, qui ne peut se justifier par la seule difficulté liée à la sortie du dispositif, dès lors qu’aucune perspective d’accès à un hébergement d’insertion ou au logement social n’est envisageable en l’absence de droit au séjour.

L’association Emmaüs Bussières-et-Pruns (Puy-de-Dôme), qui gère un CADA, a mis en place le projet « logements solidaires », en partenariat avec la Communauté Emmaüs de Puy-Guillaume, pour éviter toute remise à la rue, en particulier de personnes déboutées. Pour cela, chaque famille est logée pendant deux ans (renouvelable une fois) et accompagnée dans ses démarches de régularisation et d’insertion, et s’engage socialement, par exemple au sein de la communauté.

Le montage financier du projet repose sur la contribution initiale de SOLIFAP, la société d’investissements solidaires créée par la Fondation Abbé Pierre, qui achète un logement. Dans le même temps, Emmaüs lance un appel à solidarité, sur la base de groupes de donateurs qui s’engagent à donner au moins 10 euros par mois pendant deux ans, permettant à la communauté Emmaüs de racheter le logement. Deux logements sont ainsi mis à disposition. Si, à ce jour, aucun ménage sortant du CADA n’a été remis à la rue, la mobilisation des dispositifs alternatifs (hébergement chez des particuliers, mise à disposition de logements vacants privés, etc.) devient de plus en plus difficile faute d’engagement pérenne de la préfecture et du département.

« W I R S C H AF F E N D AS » : S ’ IN S P IR E R D U M O D È L E A L L E M A N D

En 2015, l’Allemagne a accueilli 1,1 million de migrants, bénéficiant à la fois d’une vague de solidarité spontanée de la part des citoyens allemands, et d’une politique d’accueil ouvertement volontariste du gouvernement d’Angela Merkel sous le slogan « W ir schaffen das » (nous y arriverons). Cette ouverture politique fait figure d’exception européenne. Ce système allemand d’accueil repose, en plus de la volonté politique, sur trois principes : une organisation contrôlée de la répartition des arrivants sur le territoire, une société civile accueillante de laquelle émanent des initiatives spontanées d’accueil, et des moyens dédiés substantiels.

Ainsi, le 21 août 2015, l’Allemagne décide de ne plus appliquer, pour les Syriens, l’article de la convention de Dublin obligeant les réfugiés à déposer leur demande d’asile dans le premier pays européen par lequel ils transitent. Deux semaines plus tard, le gouvernement allemand débloque 6 milliards d’euros pour l’accueil des réfugiés, notamment en termes de logement et de créations de postes d’enseignants ou de policiers. L’Allemagne évalue à 13 000 euros le coût annuel par personne de la prise en charge des réfugiés.

Cette ouverture a été facilitée par la situation démographique allemande de faible natalité, qui fait craindre une pénurie de main-d’œuvre. Ainsi, la Deutsche Bahn, l’entreprise ferroviaire publique allemande a, par exemple, lancé un programme de qualification à destination des réfugiés. L’efficacité du système allemand repose

sur la répartition par Land des réfugiés, les quotas prenant en compte les revenus fiscaux et la population de chaque Land allemand, et la prise en charge par l’Office fédéral pour les migrants et les réfugiés (BAMF) de toute l’organisation. Concrè-tement, un étranger arrivant à Munich, par exemple, reçoit tout d’abord des soins dans une institution de premier accueil. Il doit ensuite s’enregistrer dans le centre régional du BAMF le plus proche (22 répartis dans les 16 Länder, et situés à côté des centres d’hébergement, avec obligation d’hébergement pendant trois mois), qui lui attribuera un Land. Le système tient ici compte du pays d’origine, chaque an-tenne étant spécialisée dans l’étude de certains pays d’origine. Enfin, une fois arrivé dans le Land, il est redirigé vers les différents districts. La gestion des centres, selon les Länder, peut être du ressort de l’administration du Land, ou alors des associa-tions comme Caritas peuvent intervenir.

Si le modèle allemand ne saurait être transposé, en l’état, au territoire français et malgré les reculs opérés depuis par le gouvernement allemand dans le champ de l’accueil de personnes migrantes, il constitue une source d’inspiration utile tant l’organisation mise en place semble plus efficiente qu’en France.

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 102-105)

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