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Répartition des arrêtés prefectoraux au titre du code de la santé publique

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 130-133)

En 2013, seules 187 actions de travaux d’office (hors Paris, où 100 chantiers en travaux d’office ont été réalisés cette année-là) ont par exemple été recensées d’après l’enquête EHI sur la base des arrêtés préfectoraux, eux-mêmes assez peu fréquents. Si l’on tient compte uniquement des procédures d’urgence et des arrêtés d’insalubrité remédiables qui ont vocation à aboutir à la réalisation de travaux dans des délais relativement courts, on constate que le taux de réalisation de travaux d’office par rapport au nombre d’arrêtés pris est de l’ordre de 10 %. En 2013, 75 % des travaux d’office ont été engagés par l’État. Le principal frein provient donc des communes.

Trois facteurs récurrents semblent expliquer cette frilosité. Tout d’abord le relogement des occupants est privilégié dans les secteurs non tendus, à la demande des locataires eux-mêmes, au détriment de l’amélioration du parc. Le départ volontaire des occupants en cours de procédure constitue donc un frein à la résolution des situations en ce qu’il stoppe les mesures de conservation et ne permet plus d’exiger du propriétaire la réalisation de travaux de sortie d’insalubrité, du moins jusqu’à la remise en location. Ensuite, les communes doivent supporter un coût sans garantie de recouvrement autre que la subvention de l’ANAH à hauteur de 50 %. Enfin, l’exercice de la ma trise d’ouvrage publique pour un chantier risqué dans un environnement non maîtrisé (habitation privée) entraîne un risque de contentieux pour la commune. Dès lors, les communes limitent souvent leur intervention à des chantiers simples ou urgents.

Les dépenses occasionnées doivent en théorie être payées par les bailleurs, ma is le recouvrement des sommes engagées reste une opération di cile et a lé a t oire, qui peut durer plusieurs années, notamment quand le bailleur organise son insolvabilité. Pourtant, il serait utile de procéder plus systématiquement au recouvrement des sommes auprès des propriétaires en cas de travaux d’office et, lors des relogements de droit engagés par la collectivité publique, de mettre en place u n f onds « t ra v a u x d’ u rg enc e » et d’assouplir les règles d’intervention de l’ANAH pour favoriser l’exécution d’office des travaux prioritaires.

Le recouvrement du coût des travaux d’office rejoint l’importance de f ra pper les b a illeu rs indé lic a t s a u port e- monna ie. À cet égard, la possibilité depuis la loi ALUR d’imposer des astreintes administratives journalières croissantes dans le temps, jusqu’à 100 000 euros en cas d’inexécution des travaux, est une piste prometteuse. Tout comme la disposition issue de la loi ALUR qui autorise les organismes payeurs à suspendre les allocations de logement en cas d’insalubrité (le locataire ne verse alors au propriétaire que le loyer diminué du montant de ces aides). De même, il faut pouvoir engager des saisies conservatoires et mettre en œuvre la confiscation des biens des marchands de sommeil, qui sont des peines réellement efficaces, et assurer une visibilité des jugements dans la presse régionale.

De plus, il est important de renforcer les responsabilités des bailleurs. Par exemple en s’assurant que les pet it es su rf a c es, inf é rieu res à la norme de 9 m² , f a ssent sy st é ma t iq u ement l’ ob j et de mises en demeu re de f a ire c esser

l’ oc c u pa t ion, alors qu’une jurisprudence très défavorable aux occupants s’est développée ces dernières années. Vivre dans de tels micro-logements constitue en effet, en soi, une situation d’habitat indigne 11. Rappelons que le non-respect des arrêtés est passible de sanctions pénales (emprisonnement et amandes). Or, les condamnations sont rares, malgré le rôle que peuvent jouer les procureurs dans cette lutte contre l’habitat indigne.

De même, il serait important de bien appliquer la loi relative à la transition énergétique, qui prévoit q u e la dé c enc e du log ement inc lu e dé sorma is u n c rit è re de perf orma nc e é nerg é t iq u e. Si le décret à venir semble bien trop flou pour provoquer des travaux en nombre significatif (voir chapitre 8), un critère simple et clair, sur le modèle du diagnostic de performance énergétique (DPE), de manière à bannir progressivement les logements G puis F, permettrait de prendre appui sur l’obligation de rénovation thermique pour repérer et traiter également des logements indignes.

Les avancées de la lutte contre le saturnisme

Alors que la lutte contre l’habitat indigne peut ressembler parfois à un tonneau des Danaïdes, les problèmes se reformant à mesure que des actions sont menées, l’exemple de la lutte contre le saturnisme constitue un motif d’espoir et un exemple à suivre. Cette intoxication au plomb, qui touche en particulier les enfants de ménages pauvres confrontés à la peinture au plomb écaillée de logements dégradés, avec de graves conséquences psychomotrices parfois irréversibles, a fait l’objet d’une action volontariste, avec des résultats encourageants.

Alors qu’un quart des enfants de 1 à 6 ans avaient une plombémie supérieure à 50 μg/L en 1995, ce taux n’est plus que d’environ 2 % en 2008-2009. À l’origine de ces avancées rapides et importantes en vingt ans, sur un problème qui existait depuis bien longtemps sans être correctement appréhendé, on peut situer un changement de regard de l’opinion et des pouvoirs publics. Tout d’abord, l’intoxication et son origine ont été documentées scientifiquement et les résultats ont fait l’objet d’une communication, d’une mobilisation de la part de la société civile, notamment l’Association française des victimes de saturnisme (AFVS), d’une large médiatisation, sur un sujet qui touche le public et les décideurs. Surtout, le problème a été reformulé comme un problème d’habitat, alors qu’il avait été longtemps perçu comme un problème culturel, affectant des familles d’origine africaine. Ces préjugés ont ainsi freiné l’action et conduit jusque dans les années 1980 en quelque

11 Fondation Abbé Pierre, Les mauvaises conditions d’habitat en Î le-de-France, novembre 2016.

sorte à stigmatiser les victimes plutôt que les responsables 12. Une fois ce problème social posé comme un problème politique et sanitaire urgent, des solutions ont pu être recherchées. Des procédures très strictes et contraignantes ont été édictées, du repérage des risques d’intoxication au traitement du logement, en passant par le relogement des familles et les travaux d’office, appuyées sur des financements accrus. Avec des actions ciblées sur des populations précaires mais touchant également l’ensemble de la population, notamment au travers des diagnostics plomb obligatoires.

Après des années de progrès, il ne faudrait pas toutefois que ce bon bilan entraîne un relâchement de l’attention portée à ce problème encore bien trop répandu et sous-diagnostiqué, comme le rappelle l’AFVS à juste titre et alors qu’un recul des dépistages et des carences dans le suivi des enfants intoxyqués sont constatés par l’INVS.

Un des enjeux est de réussir à mener des procédures coercitives qui ne reposent pas uniquement sur l’engagement et la motivation des habitants, mais qui puissent aussi être conduites par la puissance publique ou les associations. Pour autant, cette action doit repositionner les habitants, leurs intérêts, leurs choix et leur dignité, au centre de l’action.

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