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Des avancées prometteuses qui peinent à faire système

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 64-67)

Depuis plusieurs années, de nombreuses bonnes pratiques locales ont pourtant montré la voie pour réformer le système des attributions et y instaurer davantage de transparence et de justice sociale. Diverses dispositions législatives s’en sont inspirées, avec un certain volontarisme, pour imposer un minimum de remise en ordre de ces processus, sans parvenir toutefois à changer un système de plus en plus complexe.

Le législateur a ces dernières années instauré un numéro unique de la demande de logement social, des guichets uniques d’enregistrement de la demande en ligne, un dossier unique de la demande accessible en ligne, des instances de définition des orientations de la politique d’attribution au niveau intercommunal, un plan parte-narial de gestion de la demande pour mieux accueillir et informer les demandeurs.

Autant de dispositions salutaires destinées à assurer un minimum de c oh é sion, de t ra nspa renc e et d’ é g a lit é de t ra it ement su r u n t errit oire, à l’ é c h elle int erc ommu na le, et à simplifier les démarches des demandeurs. Elles font écho à de nombreuses initiatives locales qui tendent par exemple à mutualiser les contingents pour gérer en commun les demandes les plus complexes, comme à

9 CREDOC et FORS-RS, « La mise en œuvre du droit au logement opposable à l’épreuve des représentations et des préjugés », rapport pour le ministère du Logement et le Comité de suivi de la loi Dalo, mai 2015.

Rennes ou Grenoble, et à replacer le demandeur au centre des procédures, comme dans le cas de la « location choisie » (« location voulue » depuis la loi Égalite et Citoyenneté).

La « location choisie » : redonner du choix aux demandeurs Inspirée des Pays-Bas et du Royaume-Uni (Choice Based Lettings), la « lo-cation choisie » (ou « active ») consiste à publier sur Internet des offres de Hlm libres, et à laisser les demandeurs Hlm candidater sur celui qui les intéresse. Cette pratique, encouragée par la loi ALUR, est sans doute appe-lée à se développer car elle correspond à l’intérêt des bailleurs (réduction des refus, de la vacance et des coûts de mise en location) et aux attentes des demandeurs qui souhaitent s’impliquer davantage dans la recherche de leur logement. Cette expérimentation, déjà à l’œuvre par exemple dans l’Isère ou à Paris sur une partie du parc, qui permet de repositionner active-ment le demandeur dans une procédure habituelleactive-ment très administrée, est à promouvoir, en prenant garde de ne pas exclure les demandeurs qui ont peu accès à internet et de ne pas réduire l’offre de logements destinés aux plus fragiles.

Toutefois, dès lors qu’il s’agit pour le législateur d’imposer aux acteurs locaux le fléchage prioritaire des Hlm vers les ménages à bas revenus ou les ménages prio-ritaires, les résistances, de toutes parts, sont fortes. L’opposition assez large, sur divers bancs du Parlement, aux objectifs chiffrés de la loi Égalité et Citoyenneté (25 % des attributions hors QPV pour les 25 % de demandeurs les plus modestes, et 25 % des attributions des contingents des collectivités et d’Action logement pour les prioritaires), est symptomatique d’un refus assez général d’accueillir spontané-ment davantage ces ménages, et plaide pour des mesures fortes.

Sans règles claires, en effet, le contournement des prioritaires peut se poursuivre sans di culté ni sanction pour plusieurs raisons : le ma in-t ien du pou v oir de f a c in-t o des ma ires da ns c ein-t in-t e q u esin-t ion poliin-t iq u emenin-t sensib le des a t t rib u t ions et la c omplex it é des proc é du res.

Les différentes réformes récentes ont conféré un rôle croissant aux intercommu-nalités dans l’organisation de l’accueil et de l’information des demandeurs de lo-gement social et la définition des priorités d’attribution, au sein des Conférences intercommunales du logement, déclinées dans les accords collectifs intercom-munaux avec chaque bailleur. Mais le mouvement d’intercommunalisation des attributions est loin d’être achevé, et l’entre-deux génère parfois de l’ambiguïté.

Même quand les élus communaux acceptent de respecter la loi SRU ou de laisser les intercommunalités piloter les politiques urbaines, il est rare pour l’instant qu’ils abandonnent réellement leur pouvoir d’attribution, que cela passe par l’utilisation

du contingent communal ou par l’influence des maires sur l’ensemble des acteurs du monde Hlm de leur commune. Pour aller au bout de cette évolution indispen-sable vers des attributions intercommunales, à même d’ouvrir davantage les portes de toutes les communes aux demandeurs défavorisés, il reste à int erdire c la ire-ment t ou t e ré f é renc e à la pré f é renc e c ommu na le 10, à transférer à l’échelon intercommunal la garantie publique aux opérations Hlm et le contingent d’attri-bution correspondant et à renforcer le poids des élus intercommunaux dans les commissions d’attribution. Mais ce transfert de compétences ne sera réellement possible que dans le cadre d’une affirmation claire des compétences des EPCI en matière de logement et d’urbanisme (voir chapitre 13). Cette tendance est en cours mais nécessite d’être confirmée, suivie et accompagnée par l’État pour ne pas s’ar-rêter en chemin.

Autre source de difficulté : les intentions des dernières réformes sont louables, ma is l’accumulation des dispositifs et des filières tend parfois à complexifier le proc essu s. Difficile désormais pour le profane de savoir clairement qui fait quoi, entre la Conférence intercommunale du logement (CIL), le Plan partenarial de gestion de la demande et d’information du demandeur (PPGDID), la Convention intercommunale d’équilibre territorial (CIET), les Accords collectifs intercommunaux (ACI) ou départementaux (ACD), les Commissions d’attribution (CAL) et pré-commissions (pré-CAL), les Commissions de médiation Dalo (COMED), les Conventions d’utilité sociale (CUS), les contingents préfectoral, communal et d’Action Logement, sans oublier le Plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD). En théorie, les intercommunalités coprésident les CIL chargées de définir la politique d’attribution générale et élaborent le PPGDID ; les relations des bailleurs avec l’État, le département et l’intercommunalité sont codifiées respectivement dans les CUS, ACD et ACI ; les ACI et ACD, le PDALPD et les COMED établissent des priorités au niveau intercomunal et départemental que chaque réservataire et bailleur s’engage à appliquer. Mais en pratique, il est à craindre que cette profusion de lieux de décision, souvent pilotés par plusieurs acteurs sans hiérarchie claire, donne à chacun des marges de manœuvre pour gérer ces multiples injonctions à son gré. Cette architecture étant relativement récente, notamment avec les lois ALUR (2014) et Égalité et Citoyenneté (2016), il faut laisser les acteurs locaux l’assimiler et espérer une mise en œuvre rapide que le citoyen comme le demandeur Hlm puissent comprendre.

Face à cette relative complexité, le échage des logements vers les mé na g es priorit a ires impliq u e de mieu x les rec enser, alors que la multiplicité actuelle des filières et de critères plus ou moins précis finit par diluer ce qualificatif dans la masse des demandeurs. Il est en particulier indispensable

10 D’autant que des éléments objectifs du « lien avec la commune » sont déjà pris en compte pour l’attribution des logements sociaux par l’article L. 441-1 qui prévoit qu’il est tenu compte de l’éloignement des lieux de travail et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs.

qu’un fichier commun recense tous les ménages prioritaires, pour que les différents attributaires puissent y orienter les candidats à la location. Sans une liste précise, chacun peut échapper à ses obligations. Cet outil est en voie de construction sous l’égide des préfectures. Intitulé « Syplo » (Système Priorité Logement), il compile les ménages prioritaires au titre des accords collectifs, du PDALHPD (ou

« en situation d’urgence au regard du logement [insalubrité] ou du relogement [violences aux personnes] ») et du Dalo. En Île-de-France, 6 % des demandeurs en faisaient partie en 2014 11, un pourcentage relativement modeste, qui laisse penser qu’un meilleur fléchage des attributions en leur faveur pourrait répondre à l’urgence de leur situation.

Arrivé aux limites de la sophistication, le système mérite une clarification capable de conjuguer respect effectif des critères légaux nationaux de priorité, information des demandeurs, transparence du processus et liberté dans la mise en œuvre locale.

Cette réforme peut s’appuyer sur un outil qui a fait ses preuves là où il a été expéri-menté : la cotation de la demande.

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 64-67)

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