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Rendre les documents d’urbanisme plus exécutoires pour mobiliser le foncier

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 193-196)

Tout d’abord, la construction se heurte, en particulier dans les zones tendues, au décalage entre les objectifs ambitieux de construction affichés dans les documents de planification et la réalité sur le terrain. T rop sou v ent , les g ra ndes a mb it ions nationales ne se retrouvent pas dans les programmes locaux de l’habitat (PLH). Et les objectifs des PLH ne sont pas toujours déclinés dans les plans locaux d’urbanisme (PLU), les documents opposables aux tiers qui précisent, parcelle par parcelle, leur destination. Quand ils le sont, il arrive très souvent que la réalité ne suive pas, soit par rétention foncière des propriétaires, soit par la difficulté à obtenir un permis de construire, soit par une sous-utilisation des droits à construire prévus par le PLU, se traduisant par une sous-densité des zones pourtant prévues pour accueillir des logements. En clair, la plupart des documents d’urbanisme sont trop proclamatoires, parfois incohérents et en tout état de cause rarement mis en œuvre complètement. La France manque d’une capacité de planification urbaine, à l’heure où le foncier se fait rare et cher dans les métropoles, où il est crucial à la fois de libérer le foncier pour construire là où c’est nécessaire, et à la fois de l’économiser ailleurs, pour préserver des terres non-artificialisées, à destination de l’agriculture, des loisirs ou de la biodiversité.

De nombreuses propositions précises ont été élaborées par des professionnels de l’urbanisme, du foncier, de la promotion immobilière ou des parlementaires 3, pour mettre davantage de terrains au service d’une production de logements, et en particulier de logements sociaux. L’idée générale est de passer d’un urbanisme

3 Daniel Goldberg, Rapport d’information sur la mobilisation du foncier privé en faveur du logement, n° 3503, 16 février 2016, Assemblée nationale.

de limitation, d’interdiction, dit « réglementaire », qui stipule ce qu’il ne faut pas faire, les densités à ne pas dépasser, à des documents d’urbanisme plus exécutoires, opérationnels, qui précisent ce qu’il faut faire d’un terrain et s’assurent de sa mise en œuvre : un « urbanisme de projet ».

Une telle opérationnalité des documents d’urbanisme suppose de la part de certains élus locaux qui les adoptent, un changement de posture et des décisions précises quant aux zones à bâtir, aux types de logements dont les besoins figurent au PLH, aux délais, ainsi qu’un véritable suivi. Or, aujourd’hui, certains organisent une rétention foncière en limitant au maximum la constructibilité des parcelles, d’autres à l’inverse laissent toute liberté aux propriétaires fonciers d’utiliser ces droits à construire comme bon leur semble, sans pour autant souhaiter qu’ils soient affectés à la construction de logements et encore moins de logements sociaux.

La première idée consisterait à systématiser, dans les PLU, non seulement des règles de densité maximale, en termes d’emprise au sol ou de hauteur, comme c’est le cas aujourd’hui, mais également de densité minimale. Les zones à urbaniser se verraient ainsi affecter des planchers de densité à respecter, en particulier à proximité des transports en commun. Ces règles seraient plus efficaces que le versement de sous-densité instauré de manière facultative à disposition des collectivités, qui a peu été utilisé.

La seconde idée vise à permettre aux collectivités d’inst a u rer des « z ones de mob ilisa t ion f onc iè re » , au sein desquelles il serait impératif pour un propriétaire de mobiliser des terrains classés constructibles au service de l’habitat dans un délai fixé dans le PLU. Une fois ce délai écoulé, la collectivité exproprierait selon une procédure simplifiée pour utiliser elle-même le terrain 4. Cela serait sans doute plus efficace que la disposition de la loi ALUR qui prévoit qu’un terrain classé à urbaniser qui ne le serait pas au bout de neuf ans perdrait ses droits à construire, au risque, si la menace est mise à exécution, de rendre inconstructibles des zones qui devaient justement accueillir des logements.

Cette proposition va de pair avec la proposition d’une imposition croissante dans le temps des plus-values foncières issues du classement d’un terrain comme constructible, afin de décourager fiscalement la rétention foncière sur des z ones c onst ru c t ib les (voir chapitre 14). La zone de mobilisation foncière, en cas de rétention foncière avérée dans les secteurs où les enjeux de la libération de terrains pour construire est grande, dans le cas d’un projet d’urbanisme avéré par exemple, exproprie le propriétaire de son terrain pour agir. Tandis que la fiscalité croissante sur les plus-values finit, au bout d’un certain nombre d’années de blocage, par capter entièrement la plus-value, annihilant ainsi pour le propriétaire toute rationalité à la rétention.

4 Daniel Goldberg, Rapport d’information sur la mobilisation du foncier privé en faveur du logement, n° 3503, 16 février 2016, Assemblée nationale.

La troisième idée consiste à intégrer systématiquement dans les PLH des plafonds de charge foncière, comme dans la métropole de Montpellier. À travers ce mécanisme, la collectivité locale conditionne ses aides à la pierre, pour un programme de construction Hlm, à un prix-plafond pour le terrain, pour éviter que les aides publiques alimentent l’inflation foncière, et de manière à lutter contre les enchères entre organismes pour l’accès au terrain.

Enfin, il devrait être possible pour les PLH d’imposer des servitudes de mix it é soc ia le dans des zones délimitées. S’appuyant depuis 2006 sur une possibilité offerte par le code de l’urbanisme (article L.123-1-5), plusieurs collectivités imposent des secteurs de mixité sociale dans leur PLU, afin de garantir, dans chaque programme de logement, à partir d’une certaine surface, un pourcentage de logements sociaux (entre 20 % et 30 % le plus souvent). La règle, inscrite dans les Plans locaux d’urbanisme (PLU), est opposable juridiquement.

Plusieurs communes du Grand Lyon (20 communes à l’origine, 33 au 30 octobre 2015) sont engagées dans la délimitation de S ec t eu rs de mix it é soc ia le ( S M S ) depuis 2009. À Lille, les trois quarts de la ville sont couverts par des SMS imposant 30 % d’Hlm (dont un quart très sociaux) dans chaque programme de plus de 17 logements, avec des résultats indéniables : la production Hlm a augmenté de 28 % depuis 2009 et 64 % de la production en accession sociale à la propriété ont lieu dans ces secteurs. D’autres villes, comme Rennes, Montpellier et Paris, appliquent avec satisfaction cette disposition. En 2014, 60 % des EPCI de plus de 30 000 habitants avaient recours aux SMS, montrant la popularité croissante et la pertinence de l’outil 5. De manière générale, le principe du SMS est bien accepté car il est devenu un puissant levier d’action, et offre la possibilité d’organiser la mixité dans toutes opérations d’une zone réglementée qui peut être vaste. En rendant visibles les besoins et les choix publics via un mode de fonctionnement unique, clair et lisible, il facilite les négociations avec les partenaires professionnels. Il est donc nécessaire que les PLH volontaristes puissent imposer aux PLU ce type de servitude afin que les objectifs de construction de logements sociaux soient pris en compte et territorialisés dans les PLU.

Ces outils de planification doivent pouvoir être mis en œuvre de manière relative-ment autoritaire dans des zones tendues et pour des projets d’intérêt général là où les besoins se justifient et face à l’absence d’ambition des intercommunalités, au blocage des élus communaux, mais aussi à l’absence d’outils appropriés pour les plus volontaires. Mais ils ont pour première vocation d’être mis à la disposition des élus locaux qui veulent faire en leur donnant les moyens de passer à l’action.

Un autre outil, encore peu utilisé, est à promouvoir pour garantir la compatibilité entre PLH et PLU à une meilleure échelle : le plan local d’urbanisme intercommunal tenant lieu de PLH (PLUi-H). La métropole de Lyon, par

5 « Les outils de production du foncier en faveur du logement social- regards croisés des agglomérations et des bailleurs sociaux », Union sociale pour l’habitat, Les Cahiers n° 158, mars 2014.

exemple, en est dotée depuis des années, et utilise cette mise en cohérence forte de ses politiques urbaines sur le long terme pour discuter avec les différents acteurs de l’urbanisme local. Une métropole comme celle de Toulouse a prévu le sien pour 2018. Comme le souligne le rapport Figeat, « le PLUi-H, en raison de son caractère prescriptif, est l’outil le plus adapté pour mettre en œuvre le volet foncier d’un PLH. Le document garantit la mise en place d’une véritable action sur l’ensemble de la cha ne en faveur du développement de l’offre : de la compréhension du fonctionnement du marché et des besoins locaux, à la définition des objectifs de production (neuve ou en réhabilitation) en fonction des disponibilités foncières et des capacités de mutation du tissu bâti, en passant par l’ouverture ou le classement des terrains pour l’avenir et la définition des règles d’urbanisme adéquates pour la réalisation des projets. 6»

De manière générale, un des principaux enjeux réside dans le transfert à l’échelle intercommunale des grands choix d’urbanisme, pour dépasser les replis communaux et atteindre un certain effet d’échelle pour mener des politiques foncières complexes, qu’une simple commune bien souvent n’est pas en mesure de poursuivre correctement (voir chapitre 13).

Outre ces nouveaux outils de planification à inventer ou généraliser, une action foncière volontariste peut aussi s’appuyer sur des outils ou dispositifs déjà existants à disposition des collectivités, nombreux et efficaces mais parfois trop peu utilisés, en particulier les Zones d’aménagement concerté (ZAC) ou différé (ZAD), l’expropriation, le Droit de préemption urbain (DPU) ou de manière générale des politiques de portage foncier dynamique.

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Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 193-196)

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