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Les ménages insa&sfaits de leur logement sont plus nombreux dans les grandes villes

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 21-25)

Les ménages insa&sfaits de leur logement sont plus nombreux dans les grandes villes

Pourcentage de condiaons de logement jugées "insuffisantes"

Source ENL 2013, calculs FAP.

Ces différences de prix produisent une sélectivité spatiale croissante de l’accession à la propriété. La primo-accession est de plus en plus une affaire de périurbain et de communes rurales alors que c’est dans les grandes villes et dans l’agglomération de Paris qu’elle a le plus reculé.

U N E N O U V E L L E G É O G R A P H IE D E S D IS P A R IT É S T E R R IT O R IA L E S L’analyse des disparités territoriales en France s’est considérablement développée depuis une dizaine d’années et permet d’enrichir les approches qui appréhendent la tension des marchés du logement à partir d’un zonage (en zones 1, 2 ou 3, ou en zones A, Abis, B1, B2, C) qui a parfois été amélioré ces dernières années, mais qui demeure encore insatisfaisant.

La géographie de la tension des marchés du logement met classiquement en relief une hiérarchie forte qui fait ressortir l’agglomération parisienne, la côte méditer-ranéenne, la Corse et le genevois français, la plupart des autres métropoles et un réseau de villes moyennes à tension moyenne réparties dans tout le territoire. Ces niveaux de tension correspondent assez bien à la carte des niveaux de revenus médians de l’Insee. La tension maximale correspond de façon assez nette aux lieux de concentration des revenus les plus élevés.

Laurent Davezies, dans son ouvrage La crise qui vient 3, a quant à lui cherché à évaluer les effets des crises de la seconde moitié des années 2000 (crise financière et crise de la dette publique) sur les territoires et le creusement des écarts de richesses généré notamment par les politiques de réduction de la dépense publique. Il en tire une typologie en quatre France : les métropoles productives et dynamiques, les territoires non productifs mais dynamiques sous l’effet de l’économie résidentielle (fortes aménités, tourisme, retraités…) à l’ouest d’une ligne Cherbourg-Nice, les « bassins industriels déprimés du Nord », productifs et marchands mais en difficulté, et enfin les bassins du Nord-Est, très dépendants des revenus sociaux.

L’analyse menée en 2016 par France Stratégie 4 montre également que la dé sindu st ria lisa t ion « a amorcé la dynamique de divergence régionale » et généré un décrochage productif. Alors que le PIB/habitant de sept régions de la moitié sud-ouest du pays était de 3,5 % supérieur à celui des cinq régions de la moitié nord-est en 2000, cet écart est passé à 9,5 % en 2013.

C et t e g é og ra ph ie des t ensions du ma rc h é immob ilier et de la ric h esse des ré g ions ne se rec ou pe pa s a v ec c elle de la pré senc e de la pa u v ret é des ménages au sein des territoires. Les données fiscales et sociales analysées par

3 Laurent Davezies, La crise qui vient. La nouvelle fracture territoriale, Paris, Seuil, La République des idées, 2012.

4 France Stratégie, Dynamiques et inégalités territoriales, juillet 2016.

l’Insee montrent en effet des cartes de France assez différentes 5, qui mettent en avant trois grandes catégories d’espaces d’accueil de la pauvreté : la France rurale de la moitié sud du pays, à l’exception d’une partie majoritaire de l’ancienne région Rhône-Alpes et du bordelais ; des espaces ruraux ou urbains historiquement pauvres (cœur de la Bretagne, Bassin minier du Nord et des Ardennes, du nord de la Franche-Comté et du sud Lorrain), les villes centres des grands pôles urbains et des agglomérations moyennes, en particulier au sein des quartiers de relégation rassemblés aujourd’hui sous l’appellation « quartiers prioritaires de la politique de la ville ». Autant de réalités qui viennent rappeler, au-delà du grand écart des territoires, l’ampleur des inégalités au sein même des territoires.

Le tableau général qui ressort de ces analyses peut être résumé en mettant en relief six g ra ndes c a t é g ories de t errit oires. L’agglomération de P a ris, tout d’abord, est caractérisée par un niveau de tension exceptionnel, des prix et loyers nettement supérieurs à ceux de toutes les autres villes, une demande de logements sociaux très élevée et les deux tiers de la demande nationale pour bénéficier du Dalo. Le niveau de construction neuve y a longtemps été très bas malgré l’ampleur des besoins, faute notamment d’une gouvernance d’agglomération jusqu’en 2017.

L es mé t ropoles du b a ssin mé dit erra né en et le g enev ois f ra nç a is ensuite constituent des territoires très tendus, également marqués par une présence significative de la pauvreté et du logement indigne, ainsi que des niveaux de construction insuffisants. La demande de logement social et les recours Dalo y sont forts. Dans certaines de ces villes (Aix-Marseille, Nice, Toulon), les politiques intercommunales de l’habitat sont récentes, voire embryonnaires. L a plu pa rt des a u t res mé t ropoles sont marquées par un niveau de tension élevé mais net-tement moindre. Elles sont plus ou moins touchées par la pauvreté, mais ont en commun des prix de l’immobilier relativement élevés. Elles ont aussi en commun d’avoir intégré la démarche intercommunale de longue date et développé des poli-tiques locales de l’habitat depuis au moins 15 ans, des polipoli-tiques urbaines actives, des rythmes de construction élevés et des projets urbains « vitrines » valorisant l’image de la ville...

L es v illes moy ennes dy na miq u es, quant à elles, souvent proches de métro-poles, sont attractives par leur cadre de vie et les perspectives professionnelles et résidentielles qu’elles offrent. Les ménages y ont davantage le choix de leur loge-ment, mais cela se traduit aussi par de la vacance, qui laisse souvent les acteurs de l’habitat démunis dans des contextes moins gouvernés que celui des métropoles.

L es v illes pet it es et moy ennes en dé prise cumulent de leur côté les difficul-tés des précédentes sans en avoir les atouts en termes d’attractivité. Ce qui pose la question pour elles de la décroissance à assumer sans perdre de vue leurs habitants actuels, souvent marqués par de hauts niveaux de pauvreté.

5 « Une pauvreté très présente dans les villes centres des grands pôles urbains », Insee Première n° 1552, juin 2015.

L es t errit oires ru ra u x enfin, dans leur diversité, entre périurbain en croissance, économie résidentielle attractive et concurrence entre résidences principales et secondaires, communes rurales en déprise, sont souvent peu tendus mais méritent une attention particulière des pouvoirs publics, car le mal-logement y est moins visible, mais reste souvent prégnant, et les financements publics souvent très limités.

L E M A L - L O G E M E N T , S O U S D IF F É R E N T E S F O R M E S , E S T P R É S E N T S U R T O U S L E S T E R R IT O IR E S

Cette typologie laisse apparaître que, contrairement à certaines idées reçues, le mal-logement n’est pas cantonné aux zones tendues. Ce phénomène est présent partout, mais d’intensité et de nature différentes selon les territoires.

C ’ est da ns les t errit oires dy na miq u es q u e la dé g ra da t ion de la sit u a t ion des c a t é g ories int ermé dia ires est su rt ou t ma nif est e, où s’ ex priment é g a lement les ph é nomè nes d’ ex c lu sion du log ement les plu s v iolent s.

Les difficultés d’accès au logement se traduisent par une pression forte sur le logement social et des délais d’attente toujours plus longs ; l’augmentation du nombre de personnes sans logement personnel pèse sur le secteur de l’hébergement ; une partie du parc locatif privé fait office de parc social de fait, mais propose des conditions de vie médiocres.

Les secteurs touristiques ou frontaliers représentent également des territoires attractifs dans lesquels les ménages les plus modestes trouvent difficilement leur place du fait de concurrences sur le marché du logement : entre résidences principales et secondaires dans les zones littorales ou touristiques, entre travailleurs transfrontaliers au pouvoir d’achat élevé et les autres dans les zones frontalières.

On retrouve dans ces territoires attractifs, plus qu’ailleurs, un empêchement de nombreux parcours résidentiels, une ségrégation spatiale alimentée par les dyna-miques du marché immobilier et une inadéquation croissante entre les ressources des ménages demandeurs de mobilité et l’offre disponible.

Dans les secteurs en déprise économique, la dé t ent e des ma rc h é s immob iliers ne se t ra du it pa s né c essa irement pa r l’ a b senc e de dif f ic u lt é s de log ement : si l’accès au logement est parfois plus facile, les conditions proposées peuvent en revanche se révéler de bien moindre qualité, pendant que la précarisation d’une partie de la population alimente les situations de mal-logement. Ces territoires en déclin sont marqués par un cercle vicieux : les logements de faible qualité attirent des ménages modestes et fragiles, ce qui renforce leur fonction sociale… mais la fige compte tenu de l’absence d’alternative pour les reloger dans de bonnes conditions.

L es ré g ions ru ra les é loig né es des g ra nds pô les de dé v eloppement connaissent des problématiques spécifiques de mal-logement. L’absence de

pression sur le marché immobilier se traduit positivement par des prix moins élevés ; mais aussi par un taux de vacance conséquent, et un parc souvent vétuste, habité par des propriétaires parfois impécunieux, souvent vieillissants, qui n’ont pas les moyens d’une remise aux normes. C’est le cas notamment de certains agriculteurs modestes, endettés pour leur activité, qui peinent à financer l’amélioration de leur résidence.

Le faible coût des biens immobiliers permet encore, dans ces zones, l’accession à la propriété de ménages modestes. En revanche, leur faible solvabilité et le niveau de vétusté des biens acquis se cumulent parfois pour aboutir à des situations d’endet-tement ou de conditions de vie dégradées (problème de chauffage, d’isolation…).

Ce portrait de la France du mal-logement dessine des territoires minés par les inégalités et des phénomènes de décrochages des classes populaires et des territoires en déclin. Il appelle des actions volontaristes, à la hauteur des défis du mal-logement et des obligations des pouvoirs publics à l’égard du droit au loge-ment des citoyens. Les limites des politiques actuelles (voir chapitre « Bilan du quinquennat ») devraient inciter à cesser de se contenter du statu quo et plaident pour des réformes volontaristes, appuyées sur les multiples expérimentations et bonnes pratiques prometteuses déjà existantes aujourd’hui 6, en travaillant à leur généralisation.

Dans le document L’état du mal-logement en France (Page 21-25)

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